Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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jeudi 07 mars 2013

© Sommes-nous devant l'obsolescence du droit d'auteur ?

Ce billet a été rédigé par Pascale Messier et Loubna Mebtoul dans le cadre du cours Économie du document.

Nul ne peut nier le fait d’avoir partagé une vidéo sur Facebook avec la meilleure intention de se partager l’information ou le plaisir avec ses amis ou son réseau. Mais y a-t-il quelqu’un qui s’est demandé si cette pratique est tout à fait légale ?

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jeudi 28 février 2013

Le livre imprimé va t-il survivre au numérique ?

Ce billet a été rédigé par Arlette Lucie Ndetchou dans le cadre du cours Economie du document.

L'existence du livre imprimé remonte à plus de cinq siècles. Il a longtemps été considéré comme le principal support des connaissances (du moins, depuis l'invention de l'imprimerie vers 1450 par Gutenberg, période au cours de laquelle il a connu son expansion). Le livre imprimé se voit aujourd'hui fortement concurrencé, voire menacé par la venue du numérique, soutenu par le web qui, en l'espace de quelques années, a connu une avancée exponentielle.

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lundi 21 janvier 2013

Peut-on prêter des e-books en bibliothèque…

Billet rédigé par Clémence Crozier, Marine Peotta, Léonore Roskams et Aude Mingat dans le cadre du cours Ecosystème du document de l'Enssib.

Ipad-Enssib.png

En mai 2011, la librairie Amazon annonçait qu’elle vendait plus de livres sous format numérique que sur format papier, et aujourd’hui le livre numérique se vend mieux que le livre de poche aux Etats-Unis. Ces faits démontrent que le livre électronique est un des enjeux majeurs de la profession pour les années à venir. C’est en faisant cette constatation que de nombreux réseaux de bibliothèques se penchent sur les modalités d'acquisition de textes numériques. Mais c’est un parcours semé d’embûches : modèles économique et juridique instables, demande des usagers encore timide en France… Beaucoup de structures hésitent à sauter le pas.

… dans l’état du marché actuel ?

Aujourd’hui encore, certains éditeurs refusent de rendre possible l'emprunt de leurs livres numériques en bibliothèques : ainsi, en France il n’existe encore qu’une faible offre de livres numériques. Selon Silvère Mercier, le marché existant est totalement dominé par quelques gros éditeurs (comme Amazon), ce qui pose un problème au niveau de la diversité de l’offre.

Cette dernière est encore plus restreinte pour les bibliothèques, car ces éditeurs proposent souvent des abonnements trop onéreux (surtout au regard de l’offre), alors que beaucoup d’établissements ont vu leurs budgets baisser ces dernières années. Les textes numériques sont également souvent conditionnés en bouquets, ce qui est problématique, puisque les professionnels n’ont aucune maîtrise précise des acquisitions, et donc pas une réelle politique d’acquisition numérique.

A ces problèmes d’offre s’ajoutent des problématiques techniques, exposées par beaucoup de professionnels sur le web (comme sur le blog Bouquineo), ou dénoncées (voir le collectif Librarians against DRM). Soucis d’interopérabilité entre les différents formats, de protections renforcées avec les DRM, de licences, de chronodégradabilité… Que de problèmes techniques difficiles à régler pour les professionnels, et à appréhender pour les usagers ! Les DRM sont toutefois défendus par beaucoup d’éditeurs, qui y voient une défense des droits d’auteur dans le monde numérique.



Malgré toutes ces problématiques, des pays comme les Etats-Unis proposent dans leurs bibliothèques un service très développé de prêt de textes numériques. Mais beaucoup ont fait le choix de s’associer avec des éditeurs, et redirigent via leurs catalogues sur des sites marchands, ce qui suppose l’évolution du service public dans une logique commerciale. Ainsi, le modèle américain est évoqué comme un « modèle repoussoir » en France, où le service public se veut encore indépendant de toute stratégie commerciale, et où les professionnels veulent pouvoir ajuster leur offre numérique aux usagers.

… face à une demande encore timide ?

Certes, les pratiques de lecture évoluent (voir notamment les analyses de Roger Chartier et Alain Giffard), mais la demande de prêt de livres numériques venant des usagers ne semble pas vraiment exploser en bibliothèques françaises. Dans une logique de service public, il ne serait légitime de proposer un service de prêt de livres numériques que si la demande de ceux-ci existe. Or, nous pensons qu’il est indispensable de prendre en compte la loi des débouchés de J-B Say, à savoir que l’offre crée la demande : aujourd’hui, la découverte des outils numériques ne repose-t-elle pas en grande partie sur la curiosité ? Le Manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique dit bien que la bibliothèque est le lieu de l’accès à l’information et à la formation pour tous : ainsi, les publics ne pouvant pas se permettre de découvrir les textes numériques pourront le faire au sein de ces établissements. Cela permet de réduire la « fracture numérique », et d’offrir un accès démocratique aux informations. Il est donc nécessaire de familiariser tous les publics aux outils et supports numériques et de rendre ces derniers accessibles à tous.

Pour que cette offre se mette en place correctement, il est primordial que les professionnels soient inclus en amont dans la mise en place du projet de prêt et puissent définir leurs attentes par rapport à ce service (ce qui n’est pas toujours le cas, comme le constate cet article). Ils doivent ensuite être formés pour pouvoir répondre aux demandes des usagers et aussi mettre en place une médiation poussée (modes d’emplois, ateliers, tutoriels…). Sans médiation, une offre numérique ne peut pas bien fonctionner, surtout quand la demande reste timide.

Certaines bibliothèques ayant mis en place un prêt de livres numériques ont beaucoup travaillé autour de ces problématiques de formation et de médiation : ces exemples peuvent faire l’objet d’une étude de l’existant pour toute bibliothèque souhaitant se lancer dans l’aventure du prêt de livres numériques.

Oui, c’est possible : exemples de mise en place de prêt

Les bibliothèques francophones, souhaitant s’opposer au modèle américain, tentent de trouver des solutions innovantes. Quelques expériences déjà mises en place semblent prometteuses.

Ainsi, au Québec, le système pretnumerique.ca (décrit dans ce billet par Clément Laberge) apparaît comme un modèle exemplaire de coopération entre tous les acteurs de la chaîne du livre. Plutôt qu’une concurrence, un lien est créé entre les entrepôts numériques des éditeurs et le catalogue des bibliothèques proposant des ebooks.

Une autre solution, adoptée par plusieurs bibliothèques, comme celles de Montréal, la BnF ou la BPI à Paris consiste en un abonnement au site publie.net qui contient une offre de littérature francophone contemporaine. La consultation du catalogue est libre, gratuite et illimitée pour les usagers, qu’ils soient sur place ou à distance. Les œuvres numériques sont sans DRM et peuvent être lues en streaming ou téléchargées.

Certaines bibliothèques en France (Grenoble entre autres) ont opté, quant à elles, pour un prêt de livres numériques avec Numilog. Cette bibliothèque numérique propose un emprunt ou une consultation sur place ou à distance ainsi qu’un accès en ligne ou hors ligne. Une certaine liberté est laissée aux bibliothèques, comme le choix des livres, la durée de prêt, le nombre d’ebooks empruntés à la fois.

Enfin, les projets qui ont retenu notre attention sont ceux de prêt de support contenant une offre, comme celui d’Issy-les-Moulineaux qui date déjà de 2010, ou comme Tab en Bib en Midi-Pyrénées actif depuis juin 2012. Certes, le lecteur manque encore d’autonomie, puisque les tablettes de lecture sont pré-chargées : l’usager ne peut pas lire des fichiers téléchargés par ses soins. Mais c’est pour nous un exemple important, puisqu’il permet l’accès aux nouvelles technologies de la lecture dans leur ensemble : le contenu et le support.

Faut-il attendre que le marché idéal soit fixé pour prêter des ebooks ? Pour nous, la réponse est non. Nous pensons qu’il est important pour les bibliothèques de prêter des livres numériques aujourd’hui, et les divers exemples cités plus haut démontrent qu’il est tout à fait possible de mettre en place un tel service. Si l’on attendait que le marché soit fixé (et il y en a peut-être encore pour longtemps !), la France serait beaucoup en retard sur ce point. Il nous faut donc essayer, prêter, pour améliorer le service public et faire évoluer notre offre selon les évolutions du marché.

vendredi 14 décembre 2012

Economie du web (COOPT-Enssib-5)

Les cinquième et sixième séances de mon cours sur l'écosystème du document pour l'Enssib sont consacrées aux rapports de cet écosystème avec l'économie du web. En réalité le sujet dépasse largement ce que je peux présenter en si peu de temps, mon objectif est simplement d'attirer l'attention sur quelques mécanismes essentiels pour la compréhension des mouvements en cours dans la continuité des séances précédentes (1. Les sept piliers, 2. Modèles économiques, 3. Economie de la bibliothèque, 4. Etude de cas).

Pour ces dernières séances de ce cours ouvert, l’interaction en ligne passera par deux mécanismes : les commentaires sous ce billet sur les notions discutables ou à éclairer qui y sont présentées et, par la suite, des billets rédigés collaborativement par les étudiantes inscrites au cours.

Nous avons vu que le modèle du web se glissait entre celui de la bibliothèque et celui du flot. Du premier, il reprend la tradition de coopération et de mutualisation. Plusieurs penseurs ont proposé une interprétation de cette caractéristique du web, la présentant souvent comme inédite. J'en rappellerai brièvement quelques traits importants sous la dénomination économie de la contribution. Mais le web documentaire tire aussi la majorité de ses revenus de l'économie de l'attention en s'appuyant sur sa capacité à capter et fidéliser les internautes par un réseau électronique, tout comme l'ont fait avant lui la radio et la télévision (le flot).

En réalité, économie de la contribution et économie de l'attention s'articulent et conduisent à des stratégies industrielles fortes qui progressivement configurent le modèle du web en tentant d'en accaparer la valeur au profit de quelques firmes, non sans contradictions avec la nécessité d'ouverture du modèle.

Economie de la contribution...

Le terme économie de la contribution est dû à Bernard Stiegler (ici ou ). Il a, pour lui et ses collègues d'Ars industrialis, une acception très politique, marquée par une tradition française de philosophes engagés. Proche de ce courant, on peut aussi citer la notion de multitudes, proposée par Antonio Negri et reprise en France par Yann Moulier-Boutang (wkp) selon laquelle nous serions passés d'une organisation industrielle où les masses et les classes sociales fondaient la structure sociale à une organisation post-industrielle où la multiplication des consciences et actions individuelles serait le moteur du changement.

Je reprends ici le terme "économie de la contribution" d'une façon plus générique pour caractériser la pensée d'un mouvement plus large et ancien autour de l'économie des réseaux et de l'open source dont Yochaï Benkler est le représentant le plus célèbre suite à la publication de son livre :

Benkler, Yochai. La Richesse des réseaux. Marchés et libertés à l’heure du partage social. Presses Universitaires de Lyon, 2009 (première édition américaine 2006). (Introduction sur InternetActu)

Y. Benkler a résumé son analyse dans une intervention à TED en 2005 qu'il est indispensable de visionner (le texte de l'intervention est accessible en français sur le site).

Le tableau ci-dessous présente la clé de sa thèse :

Yochai-Benkler-TED.jpg

La colonne de gauche renvoie au raisonnement classique en économie depuis Ronald Coase (wkp) sur la nature de la firme. C'est lorsque les coûts de transaction augmentent qu'il devient avantageux de s'organiser pour produire en interne plutôt que d'acheter sur un marché les produits ou services, et donc le marché et la firme (ou l'entreprise) ne sont que deux manières complémentaires d'organiser les échanges économiques. L'originalité de Benkler (très largement en décalage par rapport à la pensée de Coase) est de tenter un raisonnement parallèle sur des transactions non-marchandes et l'économie sociale en montrant qu'avec le web il serait possible de coordonner des micro-actions non-marchandes à grande échelle.

ou économie de l'attention

Néanmoins cette vision généreuse de l'économie s'accompagne aussi dans notre domaine d'un déplacement des marchés, selon le principe vu dans les premières séances : plus l'offre documentaire s’agrandit, plus l'attention est sollicitée et devient un bien rare que l'on pourra revendre. Autrement dit, elle sous-estime l'importance du caractère multidimensionnel du document (vu, lu, su).

Un diaporama récent du cabinet de consultant Business Insider témoigne de l'importance du déplacement des marchés.

Future-of-Digital-Business-Insider-dec-2012.png

Pour vous faire mesurer ce phénomène à la fois sur le fond et par la pratique, voici un petit exercice.

Trouvez les diapositives qui vous permettront de répondre aux questions ci-dessous :

  1. Quelle proportion de la population de la planète est-elle connectée ? En quoi est-ce plus important qu'il n'y paraît ?
  2. Depuis quand les ventes de smartphones ont-elles dépassé celles des ordinateurs ?
  3. Quelle est la différence entre le marché américain et le marché chinois des smartphones ?
  4. Quels sont les principaux marchés médias pour la publicité ?
  5. Quelle a été l'évolution du marché publicitaire des journaux américains depuis les années 50 ?
  6. Pourquoi Facebook n'arrivera probablement pas à concurrencer Google sur la publicité en ligne ?
  7. Pourquoi le marché publicitaire sur le téléphone mobile est-il incertain ?
  8. Les usagers d'Androïd utilisent-ils les applications ?

Ces analyses sur les développements des marchés ne sont pas vraiment contradictoires avec l'économie de la contribution présentée plus haut, même si souvent ceux qui les portent paraissent s'opposer. En étant cynique on pourrait même dire que l'économie de la contribution joue le rôle que jouait l'économie de l'information auparavant : alimenter l'économie de l'attention, capter l'attention pour la vendre à des annonceurs intéressés. Mais à la différence de l'économie de l'attention précédente, dans l'économie de la contribution le lecteur est plus actif, tout comme le lecteur dans une bibliothèque est plus actif que le téléspectateur devant son poste de télévision. Ainsi, la captation de l'attention est plus efficace lorsque l'internaute est en train de chercher quelque chose puisque l'on pourra faire coïncider les annonces avec sa recherche (mots-clés de Google) que lorsqu'il échange avec ses amis, car les annonces viendront perturber la relation (difficultés de Facebook).

Stratégies industrielles

J'ai eu très souvent l'occasion de montrer que les principales firmes du web documentaire construisaient leur stratégie en privilégiant chaque fois une facette du document : la forme pour Apple, le texte pour Google et la relation pour Facebook.

On en trouvera un résumé sur cette vidéo, un développement dans la deuxième partie du chapitre 5 du livre Vu, lu, su. et une actualisation sur les billets de ce blog : Apple, Google, Facebook (lire au moins les deux derniers billets concernant chaque firme).

Questions d'actualité

Les prochains et derniers billets de ce cours seront rédigés par les étudiantes de l'Enssib autour de trois thèmes chauds de l'actualité de l'écosystème du document numériques :

  • La ville de Lyon a-t-elle eu raison de contractualiser avec Google ?
  • Google confisque-t-il la valeur créée par les journaux ?
  • Peut-on prêter des ebooks en bibliothèque ?

Vous pouvez les aider en suggérant références et réflexions en commentaire de ce billet.

mercredi 31 octobre 2012

COurs Ouverts Pour Tous (COOPT) et documens

Récemment la question des cours en ligne a rebondi avec la mise en place par de grandes universités américaines de cours ouverts en ligne (MOOC pour Massive open online course, synthèse et analyse critique de H. Guillaud et pour une synthèse des recherches sur l'intégration du numérique dans l'enseignement supérieur voir le dossier de l'Ifé sur le sujet). La différence avec la période précédente est dans l’alliance des mots massive et open. L’idée est de s’adresser à l’ensemble du public connecté et intéressé par le sujet par une mise en ligne de ressources librement accessibles et aussi d'offrir la possibilité de s'inscrire pour avoir un encadrement, une évaluation et une certification, selon le principe du freemium. On peut y voir une politique généreuse, une industrialisation de l'éducation ou une habile stratégie de marketing, quoi qu'il en soit ces initiatives rebattent les cartes de l’offre de cours en ligne.

Avant d’entamer une discussion, suggérons déjà une traduction qui, sans modifier le concept d’origine, reflète mieux la relation francophone à l’éducation : COurs Ouverts Pour Tous, soit un sigle à la consonance évocatrice : COOPT.

Retour aux documens

Laurentius de Voltolina vers 1350 (Yorck Project - Wkm Com) Les lecteurs assidus de ce blog le savent depuis longtemps (pour les autres la séance de rattrapage est ici), le mot "document" vient du vieux français documens, lui-même dérivé du latin doceo (enseigner), qui signifiait, entre autres, les leçons données par le professeur à ses élèves, souvent un livre lu à l'ensemble de la classe, commenté et discuté. Il est remarquable de constater que depuis le Moyen-âge, et sans doute même auparavant, le dispositif de la classe a perduré dans les écoles et les universités. Tout comme le livre, dans sa forme codex, résiste, la classe est toujours là malgré le temps qui passe et les très nombreuses transformations de la société. Pour l'un comme pour l'autre, il ne faut pas y voir un anachronisme, un conservatisme des institutions et de leurs clercs, comme on le lit souvent, mais plutôt un hommage rendu par l'Histoire à la robustesse et l'efficacité des deux dispositifs.

Pour autant, il serait bien stupide de ne pas considérer aussi l'apport des innovations documentaires, dans leurs dimensions sociales et techniques. L'imprimerie a fait progressivement entrer le manuel dans les classes, autorisant la lecture simultanée et le travail scolaire asynchrone, favorisant par là la démocratisation du savoir. Le numérique ouvre la voie à d'autres innovations documentaires, inscrites dans un autre moment de l'Histoire, qui renouvellent en les retrouvant les documens du Moyen-âge, par l'accès immédiat à la lecture audiovisuelle comme textuelle et la possibilité du commentaire, transformant le rapport maître-élèves, dans son espace-temps documentaire, dans sa représentation, son interaction, et facilitant, de plus, la vérification et la consultation immédiate du patrimoine documentaire.

Reste que l'apprentissage suppose une tension entre le maître et l'élève (où le premier joue pour le second le rôle du passeur d'un savoir construit avant lui) et entre les élèves (où l'émulation et la co-construction facilite une appropriation entre pairs complémentaires). La classe est un des lieux privilégiés de l'exercice de cette tension. Tout l'enjeu pour le numérique, qui, plus encore que l'imprimerie, bouscule l'espace-temps documentaire, est de savoir comment ne pas perdre la tension en profitant au maximum des nouvelles performances documentaires. Même si le numérique favorise le partage spontané, l'échange d'expérience, il ne réduit pas pour autant la difficulté de l'apprentissage qui n'est pas une simple affaire de spontanéité.

Vers des COOPTs

Il existe déjà dans l'enseignement supérieur francophone nombre de cours accessibles en totalité ou en partie en ligne. Mais il s'agit la plupart du temps de conférences enregistrées en vidéo, de diaporama et de documents divers mis en ligne sans interaction avec les apprenants. Si le professeur est suffisamment captivant, la tension peut se manifester. Mais on en voit les limites et, de plus, on a perdu la tension entre pairs. De telles mises en ligne sont sans doute moins utiles qu'un bon manuel. Leur avantage est essentiellement économique : il s'agit basiquement d'un produit dérivé de l'université ou du professeur simple à décliner en ligne. Les MOOCs suivent le même raisonnement, avec un souci plus fort mis sur la pédagogie. Ils permettent un accès au plus grand nombre de cours, souvent de grande qualité, présentés, par ailleurs, en présentiel pour les étudiants de l'université. Il est possible aussi de s'inscrire pour pouvoir obtenir un encadrement de base et en cas de réussite des crédits. C'est une sorte d'hybride entre la simple mise en ligne et le elearning traditionnel.

Inversement, l'enseignement à distance dispose d'une longue tradition qui a permis d'en mesurer les apports et aussi les limites. Mais il s'agit souvent de dispositifs lourds, très scénarisés et donc difficilement reproductibles, et verrouillés pour protéger leur économie. Les plateformes installées dans les universités sont issues de cette tradition et peu opérantes dans un environnement ouvert.

Les universités de la francophonie ont un rapport différent à la démocratisation du savoir que les universités anglophones d'Amérique du nord. Il me semble qu'elles devraient proposer une réponse adaptée à leur culture au défi des MOOCs. Les COurs Ouverts Pour Tous (COOPT) pourraient fournir des ressources en ligne et un accompagnement plus fort, reconstruisant la tension du documens sans pour autant exploser les budgets en temps ou en moyens des universités. D'une part, il faut proposer à chacun une interactivité autorisant des échanges plus enrichissants entre apprenants et avec le(s) professeur(s) dans la lignée d'une université populaire. D'autre part, l'encadrement des étudiants inscrits au cours doit pouvoir utiliser au mieux les facilités de la gestion de l'espace-temps numériques documentaires pour se réaliser entièrement à distance en synchrone ou asynchrone.

Aujourd'hui, les outils ne manquent pas, depuis les classiques fermes de blogs, wikis, services bibliographiques, co-écritures en ligne, plateformes d'échanges diverses, jusqu'aux Google hangouts, twitter etc. Ce sont comme autant de briques d'un jeu de lego. L'astuce est de les choisir et les articuler au mieux pour construire une pédagogie cohérente en phase avec le contenu à transmettre. Il faut évidemment éviter de s'enfermer dans un environnement unique et verrouillé qu'il soit commercial ou institutionnel ou même idéologique pour pouvoir facilement évoluer. Enfin, l'objectif est aussi de capitaliser sur les années en profitant des interactions recueillies pour améliorer les cours. Et donc de garder la maîtrise complète de l'archivage du contenu.

Il existe déjà, ici ou là, des expériences. Pour être plus concret, j'en citerai deux sans prétendre qu'elles soient les plus pertinentes (les commentaires sont ouverts pour en présenter d'autres). Je n'ai pas fait d'enquête sur le sujet. Il s'agit de séminaires qui recherchent une cohérence entre un fonctionnement autour d'un noyau de discutants et une interaction ouverte sur l'extérieur en articulant des outils variés :

  • Culture Visuelle d'A. Gunthert qui fonctionne comme un séminaire ouvert, comprenant à la fois un noyau d'habitués, des étudiants de l'EHESS et une large ouverture à tous les intéressés par sa thématique.
  • Le webinaire Pédauque que nous avons mis en place (dont la prochaine séance est le 8 novembre) qui associe un blog, Google hang-out, un pad et twitter.

Un COOPT transatlantique

Le mieux pour avancer sur ces idées est l'expérimentation. Le cours sur l'économie du document, que j'ai donné en ligne depuis plusieurs années et dont ce blog est un élément, a toujours été librement accessible en ligne. Nous avons donc déjà une petite expérience à la fois de l'ouverture et de la pédagogie en ligne. Mais jusqu'à présent l'interaction au-delà des étudiants inscrits au cours était limitée. Début 2013, le cours va reprendre. La formation sera toujours proposée entièrement en ligne, cette fois dans un dispositif transatlantique : conjointement par l’École nationale supérieure de Lyon (master Architecture de l’information) et l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’université de Montréal (maîtrise en sciences de l’information). Le modèle sera toujours celui du freemium.

Nous allons pour ce cours utiliser des outils simples, accessibles pour tous, peu couteux pour l'établissement, sans montage technique lourd, ni temps pédagogique étendu à l'infini, comme ceux signalés plus haut. Voici ci-dessous, pour conclure, un autre petit exemple de ce que chacun peut aujourd'hui réaliser sans moyen particulier avec simplement un peu d'astuce et de bricolage documentaire sur le web aujourd'hui. A gauche, il s'agit de l'enregistrement d'une conférence que j'ai donnée à l'automne de l'année dernière à l'université du Cléo. Son sujet est encore tout à fait pertinent dans le cadre du cours Economie du document du printemps prochain. A droite, on retrouve les diapositives de la conférence que chacun peut annoter. Ainsi les étudiants, inscrits ou non au cours, peuvent réagir, poser des questions, commenter, discuter entre eux en intervenant directement sur les diapositives et le professeur peut leur répondre. L'ensemble permet de constituer une séance de COOPT, à condition, bien entendu, d'être placée dans une démarche pédagogique maîtrisée et intégrée dans un programme. Ce n'est pas non plus la panacée, mais cela me parait plus prometteur que ce que j'ai pu entrevoir des expériences de MOOCs jusqu'à présent.

Tout cela doit être expérimenté, testé en vraie grandeur. C'est ce que nous ferons au trimestre prochain. Mais vous pouvez déjà annoter les diapositives ci-dessous. Cela nous permettra d'avancer et d'améliorer le dispositif.

05-11-2012

Pour qui douterait encore de l'actualité du sujet :

Pappano, Laura. « Massive Open Online Courses Are Multiplying at a Rapid Pace ». The New York Times, novembre 2, 2012, sect. Education / Education Life.

16-11-2012

Qqu'un qui exprime mieux et plus concrètement que moi les enjeux de la classe inversée :

« Classes inversées, Flipped Classrooms … Ca flippe quoi au juste ? » Blog de M@rcel, novembre 7, 2012.

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