J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer la grève des étudiants québécois, en saluant la responsabilité de certains étudiants et de m'étonner du silence des médias français. Aujourd'hui il faut malheureusement y revenir pour dénoncer avec force l'attitude méprisante du gouvernement québécois, méprisante non seulement pour les étudiants, que l'on soit ou non d'accord avec les grévistes sur le fond, mais méprisante aussi pour toute la communauté académique et méprisante tout simplement pour la démocratie.

L'Université de Montréal venait de faire une proposition raisonnable et constructive, suggérant une session exceptionnelle en août et septembre pour rattraper celle perdue par la grève. La condition évidemment était que le conflit trouve une issue. Rappelons que certains étudiants, dont ceux de l'EBSI, sont en grève depuis le 12 février.

Le gouvernement du Québec, de son côté, a brutalement déposé une loi qui rappelle les heures les plus sombres de la province, celles d'avant la Révolution tranquille. Qu'on en juge (extrait d'un éditorial du Devoir intitulé Déclaration de guerre aux étudiants) :

La loi, qui serait d’application temporaire (jusqu’au 1er juillet 2013), aurait des dents. Il permet une réorganisation du calendrier scolaire. Il suspend les sessions des établissements touchés par un « boycott » (ou une grève, selon le vocable utilisé par les associations étudiantes). Il contraint notamment les professeurs des établissements visés à se présenter à 7 h à partir du 17 août à leur lieu de travail et à enseigner. Le projet de loi indique que « nul ne peut, par un acte ou une omission, entraver le droit d’un étudiant de recevoir l’enseignement dispensé par l’établissement d’enseignement qu’il fréquente ».

La loi baliserait de manière serrée le droit de manifestation, exigeant que les organisateurs d’une manifestation révèlent le nombre de manifestants impliqués et leur itinéraire au moins huit heures avant le début de la manifestation. La loi prévoira qu’une association étudiante d’un établissement et une fédération d’associations sont « solidairement responsables du préjudice causé à un tiers ». La loi comportera une disposition pour priver les associations étudiantes de leurs cotisations.

Les amendes prévues à la loi se veulent sévères. Entre 7000 et 35 000 $ s’il s’agit d’un dirigeant, employé ou représentant d’association étudiante. Entre 25 000 et 125 000$ pour une association étudiante. En cas de récidive, les montants seraient doublés.

Comme ancien directeur de l'EBSI et professeur toujours associé à l'Université de Montréal et, j'imagine, comme l'ensemble de mes collègues, je me sens insulté par ce cynisme. Je pense qu'il y a un vrai danger pour la démocratie. Je ne sais comment vont réagir les professeurs, il ne m'appartient pas de faire des suggestions. Mais je voudrais leur dire à l'avance toute ma solidarité et ma disponibilité pour relayer leur point de vue de ce côté de l'Atlantique.