Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mardi 19 février 2013

Intégralité des publications INRIA dans HAL

Extrait d'un message envoyé par le directeur de l'INRIA aux responsables des équipes de recherche et à diffuser aux chercheurs :

Il est devenu indispensable de développer le libre accès et donc de dépasser ce seuil (70% de publications de l'INRIA déposées) pour atteindre l'intégralité des dépôts dans HAL. Après en avoir débattu en Comité de direction de l'Institut, je souhaite que l'intégralité de notre production scientifique publique soit disponible sur l'archive ouverte HAL, je vous demande donc de déposer systématiquement les publications des membres de vos équipes-projets dans HAL et je prends les mesures d'accompagnement suivantes :

  • dès octobre 2013, seules les publications déposées dans HAL seront prises en compte dans les fiches de synthèse rédigées par les équipes-projet qui sont remises aux experts dans nos séminaires d'évaluation,
  • dès novembre 2013, seules les publications déposées dans HAL seront prises en compte dans les rapports d'activité annuels (RAWeb),
  • les thèses préparées au sein de nos équipes-projets devront elles aussi être systématiquement déposées dans une archive ouverte.

mercredi 04 juillet 2012

C'est l'éditeur qui fait la littérature... politique

La nouvelle ministre de la culture aurait affirmé dans une récente réunion du Syndicat national de l'édition (ici) : "C'est l'éditeur qui fait la littérature". Il s'agit évidemment d'une grosse sottise, qui a donné lieu à de nombreux commentaires et railleries. Il suffit de remarquer que selon cette affirmation la littérature n'aurait alors que deux cents ans, âge de la fonction d'éditeur... Mais ce n'est pas la pertinence du propos qui m'intéresse mais plutôt les circonstances de son énonciation.

La remise en contexte de la phrase atténue sa brutalité. Toujours selon le même site, la ministre aurait expliqué :

« L'éditeur a un rôle éminent dans le processus de création. C'est une question passionnante. Et sans entrer dans un débat philosophique sur le processus de création, quand on écrit, chez soi, on a besoin d'avoir le regard d'un éditeur, pour venir sanctionner, dans le bon sens du terme. C'est-à-dire, donner le jugement d'un professionnel, sur le texte que l'on est en train de rédiger. Et sans cela, même si on se publie soi-même, et que l'on peut toucher un public au travers des réseaux, on n'a pas cette reconnaissance de se sentir écrivain. L'écrivain ne naît qu'au travers du regard de l'éditeur. Et moi je l'ai ressenti en tant qu'auteur : j'aurais pu écrire le même livre que celui que j'ai rédigé… si je n'avais pas eu Jean-Marc Roberts NdR : patron de la maison Stock, fi..., le résultat n'aurait pas été le même. »

Un bon éditeur joue, en effet, un rôle éminent dans la production d'un livre et je puis aussi, à ma modeste place, en témoigner. Même si bien des expériences différentes d'écriture coexistent sur tous les supports et que l'on peut multiplier les témoignages de déconvenue dans la relation auteur-éditeur, les hérauts du web méconnaissent souvent la temporalité et l'interaction indispensable à une écriture lente bien différente de la leur qui s'approcherait plutôt de la vitesse de la pensée. Mais une nouvelle fois, ce n'est pas ce qui m'intéresse dans ce débat.

La dernière phrase de la citation me parait la plus révélatrice. La ministre, elle-même auteur de romans, a l'expérience du travail avec un éditeur jusqu'à l'organisation de la promotion à la sortie du livre (itw). Comme la plupart de ses prédécesseurs à ce poste, c'est une littéraire, familière du petit monde français de l'édition. Cela est plutôt heureux au ministère de la culture.

La familiarité des politiques avec les éditeurs dépasse pourtant très largement en France ce ministère. Un homme politique se doit d'avoir écrit, ou au moins signé, des livres et c'est encore mieux s'ils ont un peu de style. L'écriture d'un livre ne garantit pas carrière politique, mais l'absence de son nom sur la couverture de livres y est une anomalie. Un homme politique français "normal" doit (devrait) être un écrivain et l'éditeur est le mieux placé pour lui rendre ce service. Voici quelques exemples dans le gouvernement actuel : Ayrault, Fabius, Peillon, Taubira, Moscovici, Duflot, Valls, etc... sans oublier Filippetti bien sûr. Le même exercice dans l'opposition donnerait évidemment un résultat équivalent. On peut être sûr que, même s'ils n'ont pas toujours écrit eux-mêmes leurs livres, les hommes politiques les ont initiés, relus et ont suivi l'avancement de leur publication. Ils ont ainsi tous engagés un rapport de familiarité avec l'édition.

Ainsi plus peut-être que dans d'autres pays, le livre est en France un média politique et, dans cette tradition, l'éditeur joue un rôle clé. On manque de recherche dans ce domaine pour étayer une thèse, mais j'ai l'intuition que cette connivence avec les politiques pèse sur la sur-représentation du point de vue traditionnel des éditeurs et induit une myopie sur le rôle des bibliothèques, réduites à un rôle de distribution (à la remarquable exception près de la période Jean Gattégno), et aujourd'hui quelques contresens sur le numérique, compris comme un simple vecteur de diffusion d'oeuvres.

jeudi 10 mai 2012

Publier, partager, ouvrir : 1. Publier

Cette réflexion m'est venue à la suite de la lecture d'un billet sur Open data Rennes, de discussions dans un dernier séminaire à l'ENS de Lyon et aussi, il faut avouer, d'un certain malaise à la lecture d'analyses toujours plus rapides et plus radicales du tout petit monde de la biblioblogosphère.

Les verbes "publier", "partager" et "ouvrir" pourraient être pris comme synonymes dans le contexte du web, mais il est sans doute préférable de bien distinguer la réalité qu'ils recouvrent, qui renvoie à des logiques et raisonnements sensiblement différents et parfois contradictoires. Compte-tenu de la longueur d'écriture et de lecture du développement, ce billet se rapporte seulement au premier des trois verbes : publier. Il est le premier d'une série de trois ou quatre. Le billet sur Partager est accessible.

Voici donc, de mon point de vue et sur le seul exemple du livre, quelques propositions pour préciser ce terme et, le cas échéant en étant un peu optimiste, réduire quelques difficultés des débats actuels.

Publier

Publier signifie "rendre public". En ce sens, un auteur et l'éditeur, qui a permis de donner la forme d'un livre à son oeuvre, "partagent" l'oeuvre avec les lecteurs. Ce partage n'est pas anodin, fondamental pour la démocratie, constitutif de ce qu'on appelle à la suite de J. Habermas "l'espace public" (wkp). Mais la notion de partage est d'une certaine façon, bridé la première dimension du document, la forme, du créateur vers le lecteur et réglée par le droit d'auteur. Le lecteur peut s'approprier les idées de l'auteur et en débattre, il ne peut en diffuser la forme. Pour une petite discussion de cette question, voir ici, pour plus de détails ou .

Comme le précise F. Benhamou, dans un rapport du Conseil d'analyse économique, déjà commenté sur ce blogue, l'objectif du droit d'auteur est bien d'interdire d'autres initiatives de partage à grande échelle (à quelques exceptions dûment encadrées près) : La fonction du droit d’auteur est d’empêcher ces comportements de « passagers clandestins » par la création d’un monopole de l’auteur (ou des ayants-droit) sur sa création. Telle est la fonction d’incitation à la création, à l’innovation, à la prise de risque du droit d’auteur. Mais ce monopole a un revers : il implique une moindre diffusion, puisqu’il établit un prix – éventuellement élevé – là où pouvait régner la gratuité ou la quasi-gratuité. Le mode de résolution de cette tension entre incitation et diffusion réside dans le caractère temporaire du droit conféré. Or l’histoire du droit d’auteur montre que l’on assiste à un allongement progressif de sa durée ; on peut en déduire que, dans le conflit entre efficacité statique (rémunération de la création) et efficacité dynamique (diffusion), c’est la première qui s’est montrée gagnante tout au long de l’histoire.

Le web, on le sait, autorise une publication plus rapide et plus simple. Dès lors, il est tentant d'imaginer un revers de balancier vers l'efficacité dynamique. Bien des promoteurs du web proposent des solutions radicales visant à une libre circulation des oeuvres numériques, accompagnées de divers modes de rémunération rompant avec la logique éditoriale. Ils sont en cela en cohérence avec la philosophie implicite du fondateur de la toile, qui ne distingue pas auteur et lecteur, mais en contradiction avec l'histoire de l'édition, marquée par un combat continu contre les contrefaçons et aussi avec sa logique économique qui mutualise les rentrées financières entre les succès très peu nombreux et l'ensemble des titres non rentables.

En réalité sous couvert de grands principes, se cachent aussi des intérêts particuliers : construction d'une rente éloignée de toute prise de risque du côté des éditeurs, et, de l'autre, une récupération sauvage de produits culturels pour un groupe de consommateurs branchés et bruyants alliés à la constitution de bases de données comportementales par de très gros acteurs industriels du web. Dès lors entre les deux camps, le dialogue est un dialogue de sourds où les arguments n'ont pour effet que de conforter les convictions du camp qui les présente.

Il est vraisemblable qu'un nouvel équilibre se trouvera et qu'il ne viendra pas d'une victoire d'un camp sur l'autre, mais bien plutôt d'un compromis issu des leçons des expériences et de l'addition de micronégociations. Un bon exemple de compromis est suggéré dans le rapport cité. F Benhamou y a fait une proposition intéressante qui n'a pas reçu grand écho. Je ne prétends pas qu'il s'agisse de la panacée, mais cela me semble une bonne façon de raisonner :

On pourrait considérer qu’après dix ans, un livre puisse être numérisé et téléchargeable (sous réserve des accords des ayants droit). Le manque à gagner, a priori faible, serait reversé par le ministère de la Culture aux éditeurs et aux auteurs au prorata des téléchargements ou des ventes effectives des dix premières années.

La proposition s'appuie sur une étude de la vente des livres de littérature pour l'année 2005 qui montre que 16 % des titres représentent 83 % des ventes. Pour 43 % des titres, les ventes moyennes s’établissent à 293 exemplaires, tandis qu’elles se montent en moyenne pour l’ensemble des titres à 5 903 exemplaires, avec un maximum de 253 068 ventes et un minimum d’une seule vente.

Cette proposition, dont on peut discuter les détails, a bien des avantages. Elle sort des pétitions de principe qui figent aujourd'hui les positions des acteurs. Les principes doivent être relativisés par la réalité économique. Elle ne s'appuie pas, non plus, sur une réglementation contraignante, mais incitative dont l'histoire des industries culturelles en France a montré l'efficacité. Elle laisse l'initiative aux principaux acteurs de la publication, les créateurs et ayant-droits. Elle pourrait aussi, cerise sur le gâteau, donner un rôle intéressant aux bibliothèques comme vecteur de la mise en ligne des livres ainsi numérisés.

Il ne s'agit sans doute pas d'une solution miracle et bien des variantes pourraient être proposées. Mais elle a le mérite de nous sortir des guerres de tranchées. Il sera temps ensuite de réviser les positions sur des bases plus raisonnables.

jeudi 12 avril 2012

Edition et fin de parenthèse Gutenberg

Voici donc une seconde initiative (après celle-là) qui me rend optimiste. On commence enfin à penser une économie du document renouvelée transformant radicalement les anciennes pratiques, sans vouloir faire du web une nouvelle économie.

François Bon a une âme de pionnier et il a mis en place une belle coopérative d'édition numérique, Publie.net. Jusqu'ici il s'agissait d'une expérimentation pleine d'enseignements pour la littérature et la diffusion sur support numérique, soutenue par l'énergie de son promoteur et le tissu de sympathie qu'il avait su bâtir. Sa portée restait limitée du fait d'une économie structurellement précaire.

Aujourd'hui, FB, retrouvant le papier en ouvrant son activité à l'impression à la demande, referme paradoxalement à son tour la parenthèse Gutenberg, mais cette fois pour le métier d'éditeur. Comme à son habitude, il ne fait pas les choses à moitié. L'articulation économique, juridique et technique, entre le fichier numérique, considéré comme la matrice, et l'exemplaire imprimé, considéré lui comme un produit dérivé, est cohérente. Le rôle des libraires et celui des bibliothèques sont intégrés au modèle. Tous les détails sont à lire ici. C'est encore un chantier et bien des points doivent être précisés, mais la direction est clairement exposée.

Je ne sais si son intiative rencontrera le succès et améliorera son bilan financier, je lui souhaite évidemment. Mais c'est pour moi une des toutes premières initiatives sérieuses, y compris dans sa dimension économique, ouvrant la voie à un vrai modèle éditorial renouvelé, celui du 21e siècle. Et je suis persuadé qu'elle sera observée de près par bien du monde.

vendredi 17 février 2012

Stupide Gallimardise

Bien stupide cette querelle faite à F. Bon par Gallimard sur les droits de traduction du Vieil homme et la mer d'Hemingway Voir ici ou . Difficile de faire pire pour creuser encore le fossé entre éditeurs traditionnels et innovateurs du Web.

Je peux comprendre que l'éditeur s'inquiète du risque de voir ses "classiques" sortir de façon sauvage de son portefeuille. Mais la longueur des droits US transforme aujourd'hui les éditeurs en rentiers sans vision. On attendrait de leur part moins de crispation et plus d'ouverture.

Quoiqu'il en soit de la réalité juridique de cette affaire, la manière est indigne, ridicule, de la part d'un éditeur considéré comme un des fleurons de la culture nationale vis-à-vis d'un des pionniers français de la diffusion de la littérature numérique.

Une suggestion, naïve mais élégante s'il est encore temps : pourquoi ne pas publier chez Gallimard la nouvelle traduction de F. Bon en imprimé, et laisser à Publie.net la version électronique ? Et ensuite discuter plus sereinement de la suite.

18 février 2012

Voir l'analyse d'H. Guillaud sur La Feuille qui pose bien les enjeux en mettant en avant le bien commun. D'accord à une importante nuance près : la dénonciation des "industries du copyright" me parait peu efficiente quand elle ne s'accompagne pas en parallèle d'une critique des "industries du fair use". Sinon on tombe de Charybde en Scylla, .

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