Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mardi 16 octobre 2012

Les néo-spontex

Pour les plus jeunes lecteurs de ce blogue, le titre de ce billet est une référence amusée à quelques jeunes gens qui en France il y a plusieurs dizaines années déjà voulaient rétablir la justice populaire grâce à l'agit-prop au nom de la Cause du peuple.

Je ne vais pas me faire que des amis avec ce billet, d'autant que j'apprécie souvent les analyses de ceux que je vais critiquer... quand elles sont sérieuses, sincères et posées. Mais là, certains auront peut-être compris que je parle de la critique du service Refdoc de l'Inist, ils sont tombés dans les pièges de la posture et de l'enflure, l'Inist-Gate !!! On attend la démission prochaine du président. Il est vrai que le web favorise les dérapages, la montée des egos, les formules à l'emporte-pièce, la contagion de l'émotion mais, personnellement, j'attends justement de ceux qui en connaissent les rouages, qu'ils se flattent de démonter, une méthode et une argumentation qui se garde de ces facilités populistes.

Il y a en effet pas mal d'hypocrisie à jouer sur le seul argument d'une vente "illicite" d'articles scientifiques en flattant l'ego d'auteurs qui seraient lésés par des tarifs de vente exorbitants proposés sur leur dos. Que je sache aucun des auteurs concernés n'attend de retour financier sur la diffusion de sa production. en tous cas certainement pas ceux à qui s'adresse l'appel des nouveaux justiciers de l'IST. Et si l'INIST a été condamné effectivement pour n'avoir pas demandé l'autorisation d'un auteur, c'est au nom d'une justice que dénoncent ceux-là même qui crient le plus fort aujourd'hui : une défense d'un droit d'auteur sur la littérature scientifique, pire la volonté d'en tirer un profit financier ! Curieux paradoxe. Et ironie, on voudrait attaquer l'Inist pour parasitisme des services d'archives ouvertes, on attend l'action en justice ! Revenez sur terre camarades !

Enfin, si les articles sont disponibles par ailleurs, c'est d'abord l'affaire du demandeur de préférer l'une ou l'autre voie, sachant qu'il n'est pas très difficile de retrouver les documents aujourd'hui et qu'il n'est pas sûr que celui proposé par RefDoc soit le même que celui déposé sur une archive ouverte. Pour ma part tous mes articles sont disponibles, soit sur HAL, soit sur Papyrus, le service d'archives de l'Université de Montréal, mais, sauf erreur, aucun ne correspond exactement à la version publiée, ni dans sa lettre (des corrections ont été apportées dans la révision), ni dans sa forme.

Faut-il pour autant excuser l'Inist de la politique qu'il mène depuis trop longtemps, prisonnier de l'héritage d'une conception révolue de l'IST ? Evidemment non. Nous sommes nombreux à le déplorer depuis longtemps et le Cnrs est, bien entendu, coupable de n'avoir pas eu le courage de forcer les réformes, malgré les audits et avertissements. Pour autant la réalisation d'une base bibliographique francophone exhaustive, couplée à un accès payant ou non aux documents, est importante et complexe et ne se résoudra pas, j'en ai peur par des anathèmes simplificateurs.

mercredi 03 octobre 2012

Réseau francophone d’«espaces 3C»

Simon Emmanuel Roux et Vincent Audette-Chadpelaine de l’entreprise québécoise Espaces temps, proposent une rencontre à Lyon autour de la question des nouveaux espaces et nouvelles pratiques en bibliothèque mardi 9 octobre de 17h à 19h à l'ENS de Lyon, (15 parvis René Descartes, Lyon 7e, métro Debourg.), amphithéâtre Descartes.

Ils souhaitent prendre le temps de discuter avec la communauté des bibliothèques et des sciences de l’information d’un projet de réseau francophone d’«espaces 3C», des espaces en bibliothèques dédiés à l’échange de connaissances, à la collaboration et à la créativité.

On peut se familiariser avec les travaux d’Espaces temps sur les espaces émergents et les bibliothèques en suivant ces quelques liens :

  • Diapositives d’une présentation offerte à l’EBSI et au Colloque sur les espaces émergents
  • Articles parus dans le BBF et Archimag

La veille toujours à l'ENS de Lyon, ils présenteront leur calendrier collaboratif Le Mur mitoyen, v ici.

lundi 30 juillet 2012

L'impact économique d'un centre de données publiques

Il est toujours délicat de mesurer la valeur économique des services documentaires, même si les études se sont multipliées ces dernières années utilisant les avancées dans l'analyse économique. Deux rapports récents sur l'impact économique des centres de données fournissent un éclairage révélateur, en utilisant des méthodes comparables :

Houghton, John. Costs and Benefits of Data Provision. Melbourne, Australie: Centre for Strategic Economic Studies Victoria University, septembre 2011. Pdf

Beagrie, Charles et Houghton, John (The Centre for Strategic Economic Studies, CSES). Economic Impact Evaluation of the Economic and Social Data Service. Royaume-Uni: Economic and Social Research Council, mars 2012. Pdf.

Le premier rapport s'intéresse à la valeur économique des centres de données publiques en Australie, plus précisément à la mesure du gain économique de la mise en accès libre des données publiques (Public Sector Information, PSI). Le raisonnement de l'étude est résumé par cette équation :

Houghton-Melbourne-2011.jpg

Je n'ai pas vraiment eu encore le temps d'en dégager les grandes lignes. Le second rapport m'a paru plus précis, fouillé et opérationnel. Il s'intéresse à la valeur d'un centre de données britannique, The Economic and Social Data Service (ESDS). Voici quelques extraits traduits du résumé :

Notre analyse économique additionne une série d'approches, partant des mesures les plus immédiates et directes de valeur, qui représentent probablement les estimations les plus faibles de la valeur des données et des services d'ESDS, pour aller vers l'extérieur afin d'estimer les avantages économiques plus larges. Cela comprend :

  • La valeur de l'investissement et de l'usage - les dépenses en temps et argent pour produire et obtenir les données et services d'ESDS, ce qui représente la valeur minimale d'ESDS.
  • La valeur contingente - le montant que les utilisateurs accepteraient de payer pour accéder aux données et services d'ESDS (propension à payer) et/ou le montant qu'il faudrait leur donner pour qu'ils renoncent à ces services (propension à accepter), ce qui représente la valeur d'ESDS pour les utilisateurs.
  • Le surplus du consommateur (ou rente du consommateur) - le total de la propension à payer moins le coût pour obtenir le service, soit le bénéfice qui découle de l'utilisation d'ESDS.
  • La valeur économique nette - le bénéfice découlant pour l'utilisateur moins le coût pour fournir les données et services d'ESDS.
  • La performance ou les gains d'efficacité - estimation des gains en efficacité de la recherche et de l'enseignement réalisés par les utilisateurs d'ESDS, qui représentent l'impact d'ESDS sur la communauté d'utilisateurs.
  • L'augmentation du retour sur investissement pour la création de données et les infrastructures - estimation de l'augmentation potentielle des retours sur investissements provenant des usages additionnels facilités par ESDS, qui indique l'impact d'ESDS sur les bailleurs de fonds, les créateurs et donneurs de données et les communautés d'utilisateurs.

Les données pour l'analyses proviennent de recherches d'information, d'entretiens et de deux enquêtes en ligne. Le résultat est résumé par ce tableau (j'ai converti les £ en € au taux du 1er janvier 2012) :

Valeur et impact de l'infrastructure de données de recherche ESDS

Le rapport propose par ailleurs de repérer les avantages résultant d'ESDS à partir des entrées suivantes sans pour autant les chiffrer. Il utilise pour cela un outil baptisé KRDS Benefits Framework, pour Keeping Research Data Safe proposé par Ch. Beagrie et schématisé ainsi :

ESDS-5-2012.jpg

ESDS-2-2012.jpg ESDS-3-2012.jpg ESDS-4-2012.jpg

Même si ces rapports montrent que la réflexion sur l'évaluation des collections avance maintenant rapidement, ces méthodes restent délicates dans leur application. Il est en effet toujours difficile de quantifier les résultats des services publics et les chiffres fournis, par exemple, pour la valeur contingente restent fragiles. Néanmoins les étapes qui séparent la valeur créée pour les usagers, celle, plus globale, qui concerne l'objectif de la collectivité desservie, et enfin l'impact sur la société dans son ensemble me paraissent aller dans le bon sens (voir ici).

jeudi 08 mars 2012

Copy party et fin de parenthèse Gutenberg

L'avenir dira si le 7 mars 2012 restera comme une date importante dans l'histoire des bibliothèques françaises, mais ce qui est sûr c'est que la copy party imaginée par Silvère Mercier, Lionel Maurel et Olivier Ertzscheid à la bibliothèque universitaire de La Roche-sur-Yon a été un succès par sa tenue, son déroulement et plus encore par l'écho qu'elle a suscité dans les médias.

Il faut en féliciter les promoteurs et les remercier d'avoir montré par l'exemple et l'action que la parenthèse Gutenberg était bien en train de se refermer et que les bibliothèques, comme elles l'ont toujours fait dans l'histoire, avaient un rôle à jouer dans ce mouvement sans le subir ni s'y laisser enfermer, en laissant croire que l'interprétation étroite des uns du droit de la propriété intellectuelle était l'alpha et l'oméga, ou en courant sans réfléchir derrière les propositions numériques chatoyantes, mais verrouillantes des autres.

Avant l'arrivée de l'imprimerie, les bibliothèques étaient un lieu de conservation et de consultation des documents tout autant qu’un lieu de leur production. La copie était nécessitée par la fragilité des supports qu’il fallait renouveler et par la volonté de diffuser les documents. L'imprimerie à caractères mobiles a externalisé la production des documents et cette fonction a échappé aux bibliothèques qui se sont recentrées alors sur la collecte et la classification de documents dont le nombre explosait et dont la distribution s'éclatait. Puis avec le développement des médias et la montée de l'instruction publique, elles se sont largement ouvertes pour devenir un instrument de promotion sociale et culturelle tournées vers un large public.

Aujourd'hui une nouvelle page de leur histoire est en train de s'écrire. Silvère Mercier, Lionel Maurel et Olivier Ertzscheid en y inscrivant copy party ont suggéré une entrée stimulante qui a le mérite de maintenir la bibliothèque dans sa tradition de média du temps long, du partage, qui retire le document du circuit commercial pour le proposer à ses lecteurs, tout en l'inscrivant dans les développements du numérique à partir de la lecture et non de la diffusion. Ce n'est sûrement pas la seule piste à suivre, mais elle a le mérite supplémentaire de redonner l'initiative aux bibliothécaires. Souhaitons que ces premiers mots soient aussi le départ d'une pensée renouvelée de la profession.

dimanche 15 janvier 2012

Amazon marie bibliothèque et autopublication

Amazon vient de se féliciter du succès de son système de prêts de livres numériques. Pour bien le comprendre, il faut d'abord rappeler le fonctionnement du service KDP Select lancé en décembre dernier. Le Kindle Direct Publishing (KDP) est le service d'autopublication d'Amazon. Extrait du communiqué à destination des auteurs francophones :

Si vous publiez vos livres en exclusivité sur la Boutique Kindle pendant au moins 90 jours, ceux dont vous contrôlez les droits de distribution aux États-Unis sont inclus automatiquement dans le programme de prêt « Kindle Owners’ Lending Library » et peuvent prétendre à une part d’un fond mensuel. Le montant de ce fond pour le mois de décembre 2011 est de 500 000 dollars américains, et le fond total pour l’année 2012 sera d’au moins 6 millions de dollars. Le « Kindle Owners’ Lending Library » est une collection de livres qui s’étend aux membres du programme Prime sur Amazon.com. Ces clients peuvent emprunter gratuitement un livre par mois, sans échéance. (..)

Votre part sera calculée sur la base d’une part du nombre d’emprunts pour tous les livres KDP inscrits au programme. Par exemple, si le fond pour le mois de décembre est de 500 000 Dollars, si votre livre a été emprunté 1 500 fois et si tous les livres participants ont cumulé 100 000 emprunts, vous recevrez pour votre livre 1,5 % (1 500/100 000 = 1,5 %), soit 7 500 Dollars, pour le mois de décembre.

Et maintenant, voilà des extraits du dernier communiqué triomphant d'Amazon sur l'expérience (trad JMS) :

Les clients ont empruntés 295.000 titres de KDP Select dans le simple mois de décembre, et KDP Select a fait monter la collection de la bibliothêque de prêt au-delà de 75.000 titres. Avec le fond de 500.000$, les auteurs de KDP ont reçus 1,70$ par prêt. (..)

KDP Select fait gagner plus d'argent aux auteurs de deux façons. Nous savions que les clients adoraient avoir les titres de KDP Select dans la bibliothèque de prêt du Kindle. Mais, nous avons été surpris de l'accroissement des ventes de ces mêmes titres, comparées à celles du reste du KDP.

Amazon lui-même gagne de l'argent de trois façons : par le pourçentage sur les Kindles vendus, par celui sur les exemplaires supplémentaires de livres vendus, par les inscriptions au programme Prime. Mais nous l'avons vu l'objectif premier d'Amazon est moins le profit immédiat que la construction d'une clientèle captive.

Bertrand Calenge, dans un commentaire récent s'exclamait : C'est sans doute la (prochaine mais déjà actuelle ?) stratégie la plus redoutable d'empiétement sur l'usage du bien commun : on verra peut-être bientôt une société commerciale offrir à une bibliothèque publique la libre disposition de son catalogue... en échange de la collecte par cette société de toutes informations sur le public et ses habitudes de lecture !

En réalité, il n'est même pas sûr qu'Amazon ait encore besoin des bibliothèques publiques pour tirer profit du bien commun. Celui-ci lui sert directement à construire sa clientèle.

Actu du 26 janvier 2012

Voir aussi : La bibliothèque d'Amazon augmenterait les ventes d'ebooks, ActuaLitté 26 janv 2012

10 sept 2012

Sur Actualitté : [ Amazon et l'auto-édition sur Kindle : un vrai succès ?| http://www.actualitte.com/acteurs-numeriques/amazon-et-l-auto-edition-sur-kindle-un-vrai-succes-36614.htm]

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