«La richesse des réseaux» est le titre d'un livre fondateur de Yochai Benkler qui vient d'être traduit en français et publié par les Presses universitaires de Lyon et dont InternetActu propose l'introduction en ligne (ici).
Hubert Guillaud en résume ainsi la thèse qui participe de l'utopie généreuse qui porte l'internet :
Pour lui, l’enjeu de la société de l’information repose tout entier sur la transformation du mode de production de l’information, de la communication et de la connaissance. L’émergence de l’économie de l’information en réseau nous permet de faire davantage “pour et par nous-mêmes”. Elle réorganise en profondeur l’espace public et vient contrarier l’hégémonie de la production marchande et propriétaire que nous connaissions dans la sphère de la production du savoir, de l’information et de la culture. Une transformation qui constitue, pour lui, une opportunité unique à saisir pour nos démocraties et notre société.:
On pourra aussi écouter une brillante présentation du livre, admirative et critique, de Dominique Cardon sur l'émission de France Culture Place de la toile (ici, 2ème partie de l'émission à partir de la 39ème minute).
Malheureusement, je ne suis pas sûr que l'utopie en question, même si elle garde toute sa pertinence d'un point de vue socio-politique, corresponde aujourd'hui à l'évolution économique réelle du réseau des réseaux, particulièrement celle que l'on observe dans ces toutes dernières années et qui risque bien de s'accélérer encore à l'avenir.
Une étude du trafic de l'internet présentée en octobre donne un éclairage cru sur les ruptures en cours en levant en passant quelques fausses idées reçues.
Craig Labovitz et alii, “2009 Internet Observatory Report,” Octobre 19, 2009, Nano 47. Diapos, vidéo.
On trouve aussi un commentaire intéressant de l'étude dans Wired d'oct 2009, notamment sur la position de Google ici, résumé en français par un geek sur Le Post (là).
Voir aussi cette autre présentation (là)
L'étude s'appuie sur l'observatoire du trafic en temps réel le plus complet à l'heure actuel, Atlas (voir présentation ici) mis en place par la société de sécurité Internet Arbor Networks.
Ce qui frappe d'abord, c'est la rapidité des changements quantitatifs et qualitatifs, notamment à cause de l'importance prise par les méga-centres de données. En deux années, par exemple, Google est passé d'une concentration de 2% du trafic internet à plus de 6%. Par le jeu des trafics entre centres de données et des négociations occultes, il semblerait que YouTube, pourtant très gourmand, n'ait plus besoin d'acheter de la bande passante. D'une façon générale le trafic semble de plus en plus capté par de très grands opérateurs, transformant radicalement la structure anarchique fondamentale du réseau internet, celle justement que vante Y. Benkler.
Les conclusions de l'étude sont résumées ainsi par l'orateur, le terme «consolidation» doit être compris dans son sens économique, c'est à dire : concentration, renforcement (trad. JMS) :
1. Consolidation des contributeurs de contenu
- Le contenu se déplace à l'extérieur des entreprises pour rejoindre des agrégateurs
- Consolidation des grands propriétaires de l'internet
- Aujourd'hui seulement 150 fermes de serveurs (ASN) font 50% du trafic (contre 30.000 en 2007)
2. Consolidation des applications
- Le navigateur est devenu l'application dominante pour accéder au net (courriel, vidéo)
- Les applications passent sur Http et Flash
- Toutes les autres applications sont en déclin (sauf les jeux et le VPN)
3. Évolution du cœur de l'internet et des innovations économiques
- La majorité du trafic est maintenant entre le consommateur et les contenu
- Le marché se tourne vers les services à haute valeur ajoutée (MSSP, VPN, CDN, etc)
- On expérimente de paiement au flux
- On expérimente le paiement du contenu
(MSSP : Infogérance de services en sécurité ou Managed Security Services Providers.
VPN : réseau privé virtuel Virtual Private Network.
CDN : Content delivery network réseaux d'ordinateurs reliés pour mettre à disposition du contenu ou des données.)
Une autre diapositive souligne les points suivants (trad JMS) :
- L'internet est à un point d'inflexion
- La priorité passe de la connectivité au contenu
- Les anciens modèles économiques généraux de l'internet sont en train de changer
- Des nouveaux entrants redéfinissent et reconstruisent la valeur de la connectivité
- Les nouvelles technologies redéfinissent le réseau
- Le Web pour les applications de bureautique, l'informatique dans les nuages, les réseaux d'ordinateurs (CDN)
- Ces transformations produisent de nouveaux enjeux commerciaux, de sécurité et d'ingéniérie
- Nous n'en sommes qu'au tout début..
L'économie du Web-média continue de murir..