Juste une réflexion qu'il faudra alimenter et approfondir, du directeur de l'Ebsi découvrant une activité nouvelle : la récolte de fonds.

Comme beaucoup de Français (et comme encore aussi, semble-t-il, pas mal de Québécois), j'avais une compréhension du don philanthropique réduit à une action caritative ou à un outil de marketing. Mais, en réalité de ce côté de l'Atlantique, même si ces motivations sont aussi présentes, il s'agit surtout de bien autre chose : une redistribution des richesses dans des actions d'intérêt général insuffisamment soutenues selon le donateur, favorisée par une incitation fiscale. Autrement dit en caricaturant à peine, on pourrait dire qu'il oriente l'attribution de fonds normalement gérés par l'État en y ajoutant sa cote part. Ou dit encore autrement, il rend à la société une part des revenus qu'il a accumulé, en faisant même parfois une opération fiscale très intéressante, notamment dans le cas de transmission par héritage. Il y a aussi une différence de mentalité entre le contribuable à la française, qui confie à l'État la totale gestion des impôts recueillis, et le "tax-payer" américain soucieux de l'efficacité des sommes dépensées.

Les universités nord-américaines anglophones récoltent ainsi des sommes considérables de leurs anciens diplômés qui ont un poids décisif dans leur équilibre budgétaire. Si l'on considère que l'évolution de la démographie conduit à un vieillissement de la population et au départ à la retraite prochainement d'un grand nombre de personnes ayant accumulé souvent un patrimoine, ces ressources vont constituer dans les années à venir un poids économique conséquent et sans doute peser sur la notion de "bien public".

Ceci n'est pas sans rapport avec l'économie du document. En effet, si l'on suit le paradoxe "Muet-Curien" :

"Alors que les technologies de l’information et de la communication devaient en principe favoriser un fonctionnement plus efficace de l’économie de marché, en rendant les transactions plus fluides et en éliminant les frottements informationnels, elles distillent en fait les ingrédients d’une économie publique."

Les mécanismes indirects de financement vont, pour une part importante, faire tourner l'économie des documents, qui ont bien les caractéristiques d'un "bien public", accessible à tous une fois en ligne. De là à conclure que la philanthropie financera largement cette économie il n'y a qu'un pas.. déjà largement franchi, de façon indirecte par le rôle des universités américaines dans le développement du document numérique, mais aussi de façon directe par, par exemple, Georges Soros, son Open Society Institute et son appui au libre accès ou encore le financement de Wikimédia.