Creuser les fondations
Par Jean-Michel Salaun le mardi 30 mai 2006, 08:54 - Éco - Lien permanent
Juste une réflexion qu'il faudra alimenter et approfondir, du directeur de l'Ebsi découvrant une activité nouvelle : la récolte de fonds.
Comme beaucoup de Français (et comme encore aussi, semble-t-il, pas mal de Québécois), j'avais une compréhension du don philanthropique réduit à une action caritative ou à un outil de marketing. Mais, en réalité de ce côté de l'Atlantique, même si ces motivations sont aussi présentes, il s'agit surtout de bien autre chose : une redistribution des richesses dans des actions d'intérêt général insuffisamment soutenues selon le donateur, favorisée par une incitation fiscale. Autrement dit en caricaturant à peine, on pourrait dire qu'il oriente l'attribution de fonds normalement gérés par l'État en y ajoutant sa cote part. Ou dit encore autrement, il rend à la société une part des revenus qu'il a accumulé, en faisant même parfois une opération fiscale très intéressante, notamment dans le cas de transmission par héritage. Il y a aussi une différence de mentalité entre le contribuable à la française, qui confie à l'État la totale gestion des impôts recueillis, et le "tax-payer" américain soucieux de l'efficacité des sommes dépensées.
Les universités nord-américaines anglophones récoltent ainsi des sommes considérables de leurs anciens diplômés qui ont un poids décisif dans leur équilibre budgétaire. Si l'on considère que l'évolution de la démographie conduit à un vieillissement de la population et au départ à la retraite prochainement d'un grand nombre de personnes ayant accumulé souvent un patrimoine, ces ressources vont constituer dans les années à venir un poids économique conséquent et sans doute peser sur la notion de "bien public".
Ceci n'est pas sans rapport avec l'économie du document. En effet, si l'on suit le paradoxe "Muet-Curien" :
"Alors que les technologies de l’information et de la communication devaient en principe favoriser un fonctionnement plus efficace de l’économie de marché, en rendant les transactions plus fluides et en éliminant les frottements informationnels, elles distillent en fait les ingrédients d’une économie publique."
Les mécanismes indirects de financement vont, pour une part importante, faire tourner l'économie des documents, qui ont bien les caractéristiques d'un "bien public", accessible à tous une fois en ligne. De là à conclure que la philanthropie financera largement cette économie il n'y a qu'un pas.. déjà largement franchi, de façon indirecte par le rôle des universités américaines dans le développement du document numérique, mais aussi de façon directe par, par exemple, Georges Soros, son Open Society Institute et son appui au libre accès ou encore le financement de Wikimédia.
Commentaires
La question des fonctions n'est pas sans rapport non plus avec la lutte contre l'illettrisme, et plus généralement avec toute l'action sociale. La règle de l'action sociale devrait être aujourd'hui, me semble-t-il, la suivante: Je donne à qui je veux ce qui m'appartient, et non pas à n'importe qui ce qui appartient au tiers anonyme et contraint.
Mon stage DCB à l'ENSSIB m'a permis pendant 3 mois de découvrir la réalité des bibliothèques québécoises, et depuis ma prise de poste, je suis votre blog avec attention pour me tenir au courant de l'actualité des bibliothèques au Québec.
Depuis hier, je ne peux plus accéder à ma bibliothèque à cause d'un blocage organisé par les étudiants de Rennes 2 (fac de Lettres et Sciences Humaines) qui militent contre la Loi de Responsabilité des Universités votée en août dernier. Cette loi comporte notamment un article autorisant les universités qui le souhaitent à se doter de fondations (article 28). Je ne connais pas encore les décrets d'application auxquels font référence cet article, mais j'essaie d'imaginer ce que pourrait être une fondation des "Amis de la Bibliothèque de Rennes 2" gérée par des alumni ou des mécènes de tous ordres. Outre que le mécénat dans le domaine de la recherche est assez peu développé en France par rapport à d'autres pays comme le Canada, la chose heurte effectivement les consciences professionnelles françaises. Elle n'est toutefois plus inimaginable sur notre territoire. Existe t-il un recensement des fondations au sein des bibliothèques universitaires canadiennes ? Existe t-il un bilan de leur activité ? Et (notamment) dans quelle mesure ces fondations prennent part à la politique documentaire de ces établissements ? Telles sont les questions que je me pose actuellement.
Si vous connaissez quelques documents de référence accessibles en ligne, je suis preneur... Merci en tout cas pour votre blog ; les informations et les réflexions qu'il diffuse sont vraiment précieuses pour tous mes collègues et moi-même qui intervenons auprès des étudiants sur les développements du web et les nouveaux modèles économiques de l'information.
Damien Belvèze, ancien DCB 13
@ Damien
Binvenu, la réponse à vos questions est ici :
blogues.ebsi.umontreal.ca...