Téléphone, bande passante et modèle de média
Par Jean-Michel Salaun le samedi 16 décembre 2006, 09:42 - Télécom - Lien permanent
Les nouvelles concernant le téléphone mobile (cellulaire au Québec) donnent le vertige et pourraient avoir des conséquences sur l'organisation des médias. L'évolution en cours est une fascinante illustration des relations entre l'économie du contenant et celle du contenu.
Premier constat, on apprend dans un récent et passionnant rapport de l'UIT (repéré par Adscriptor qui le commente) que le marché des téléphones mobiles explose, et, pour ce qui nous intéresse, l'accès à large bande par le mobile aussi. Le tout est résumé en deux graphiques.
digital.life, ITU Internet Report 2006, décembre 2006, 194 p. (résumé d'où sont tirées mes informations, commande du rapport). Actu : Nicolas signale en commentaire la disponibilité en ligne du rapport complet.
Deuxième constat, tiré d'un article du MIT :
"2006 will be remembered as the year of Internet video. Consumers have shown that they basically want unlimited access to the content owners' video. But what if the entire Internet gets swamped in video traffic?"
P2P: From Internet Scourge to Savior Wade Roush, Technology Review MIT, 15 déc 2006, (repéré par Homo Numericus qui le commente)
Ainsi, le risque d'engorgement de la bande passante est sévère. Le même article préconise comme solution le Peer-to-Peer qui répartit l'utilisation de la bande passante au lieu de la concentrer sur un point comme YouTube ou ITunes. Mais en réalité, sauf erreur de ma part, cette solution ne marchera pas avec les téléphones mobiles. En effet, dans ce cas, une reconcentration s'opère dans les relais hertziens, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les opérateurs se sont tournés vers le broadcasting, c'est-à-dire la télévision, plutôt que la vidéo à la demande après quelques tentatives (voir le billet et ses commentaires).
Enfin une autre utilisation inattendue du téléphone mobile se développe à grande vitesse au Japon : la lecture de livres, plus précisément de Mangas, les bandes dessinées japonaises, qui représentent plus de la moitié de ce marché.
Selon l'institut de recherches en marketing Impress R&D, le marché des livres en version électronique pour téléphones portables, inexistant avant 2002, a atteint 4,6 milliards de yens (31 millions d'euros) au Japon entre avril 2005 et mars 2006, soit près de quatre fois plus que l'année précédente. (..)
Leur lecture est d'autant plus facile que les vignettes défilent automatiquement, donnant l'impression de regarder un dessin animé.
Parmi les autres genres d'ouvrages, les romans à l'eau de rose pour adolescentes, les livres de culture d'entreprise et de "bonnes manières" pour salariés figurent aussi en bonne place.
Pour les lire, il est nécessaire de s'abonner aux librairies en ligne (de 0 à 315 yens par mois), et de télécharger un logiciel de lecture gratuit.
AFP, 28 nov 2008 citée par C. Krebs sur la liste Litor.
Pour bien comprendre le développement de ce marché japonais, on peut se référer à ce dernier graphique tiré du rapport de l'UIT, les téléphones mobiles à large bande sont largement plus développés au Japon qu'ailleurs, raison de plus pour en observer les usages :
À la vue de ce graphique, si j'étais éditeur italien je prendrais quelques initiatives..
En résumé, l'adoption massive d'une nouvelle "machine à communiquer" par le public, le téléphone mobile ou cellulaire, croisée avec les limites techniques de cette dernière, débouche sur le renouvellenent de deux médias anciens (la TV et l'édition de livres) plutôt que sur la naissance d'un nouveau média. Les innovations se repèrent principalement sur le système de tarification et sur les formats (émissions courtes, mise en page) et encore dans l'un et l'autre cas la rupture ne me parait pas flagrante. L'avenir nous dira si cette première tendance se confirme.
Commentaires
Le rapport "digital life" de l'ITU est disponible en version complète (sauf les statistiques :() ici: www.itu.int/osg/spu/publi...