Archithécaires toujours..
Par Jean-Michel Salaun le vendredi 09 mai 2008, 11:23 - Socio - Lien permanent
Cette semaine est celle des Congrès professionnels au Québec. Aujourd’hui s’ouvre dans la ville de Québec le congrès de l’Association des Archivistes du Québec (ici). Dans la seconde moitié de la semaine, se déroulera le congrès conjoint de la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec et de l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (là). Malheureusement je n’ai pas la disponibilité pour y assister.
Alors pour réduire un peu ma frustration, voici juste quelques réflexions complémentaires. J’ai proposé l’année dernière le néologisme, un peu barbare mais éloquent, d’ «archithécaire» (voir là et aussi là) pour signifier l’effacement par le numérique ou le déplacement de plus en plus manifeste des frontières entre les fonctions bibliothéconomique et archivistique. L’occasion est bonne pour y revenir.
L’archivistique québécoise prône une vision intégrée qui ne réduit pas l’archiviste à une intervention in fine, quand il ne reste plus qu’à conserver et classer des documents devenus inactifs, mais au contraire prend en compte la gestion des documents courants. En France, l'archivistique dominée par l'École nationale des Chartes, met en avant les archives historiques. Pour les archives courantes, on y reprend l’expression anglophone de records management (bonne présentation ici) dont la fonction relève souvent des documentalistes.. que l'on préfère appeler bibliothécaires spécialisés au Québec. Ainsi d'un côté et de l'autre de l'Atlantique, une même fonction est assumée par deux familles différentes des professions documentaires. Difficile d'illustrer plus clairement que dans le monde de l'organisation, la gestion des documents doit être assumée dorénavant avec une vision globale.
Au congrès de l'AAQ, Carol Couture présente un premier bilan de la fusion des Archives nationales du Québec et de la Bibliothèque nationale devenue pour l'occasion BAnQ. Le bilan est éloquent. La synergie a permis une forte amélioration des capacité financière, des ressources humaines et de l'organisation
- Soutien d’une équipe informatique spécialisée dans la gestion d’outils propres au domaine documentaire
- Refonte en profondeur de l’interface Web de Pistard
- Développement d’interfaces de repérage pour certaines séries d’archives numérisées (Ex: les greffes de notaires)
- Développement du site généalogique Voici ma famille et de son moteur de recherche
- Développement d’un extranet dédié aux organismes publics et privés du milieu des archives en mode informationnel et bientôt interactif
- Hébergement et prise en charge du Réseau de diffusion des archives du Québec
- Renouvellement complet des équipements informatiques des centres d’archives
- Accélération sensible de la numérisation des archives
- de 900 000 images numérisées au moment de la fusion, on en est maintenant à plus de 2 000 000. Par ailleurs, 50 000 000 d’images à forte teneur généalogique seront numérisées en partenariat avec la Société généalogique de l’Utah dans un horizon de 5 ans
Autre exemple, au congrès de la CBPQ-ASTED, Gérard Boismenu présente l'initiative de Bibliothèques et Archives Canada, intitulée: Stratégie canadienne sur l’information numérique (voir ici). La présentation de son intervention indique : La question première et qui reste posée, ne concerne pas tant l’opportunité d’une action concertée en matière d’information numérique au Canada, mais bien plutôt la capacité de réalisation d’une telle action au Canada. Tout le monde s'accorde en effet à penser que les problématiques sont transversales aux professions. Reste à trouver la meilleure échelle pour l'application de ces principes.
Commentaires
Bonjour,
Je ne suis pas convaincu que ce qui est présenté ici annonce l'émergence des "archithécaires".
C. Couture annonce dans son bilan une synergie dans le domaine des RH et des finances. Hureusement! N'est-ce pas le minimum que l'on puisse attendre d'une fusion? En revanche, les projets listés ne traitent que d'archives. Où est la synergie avec le monde des bibliothèques, si ce n'est la mise en commun d'une équipe informatique?
Bien sûr, archivistes et bibliothécaires partagent outils et bonnes pratiques, qu'ils traitent de l'analogique ou du numérique (numérisation, préservation à long terme des données, diffusion web etc.); ils ont aussi beaucoup à apprendre les uns des autres.
Par ailleurs, toute personne diplômée ces dernières années en information documentaire est potentiellement un archithécaire, grâce aux formations multidisciplinaires (c'est du moins le cas en Suisse et de votre côté de l'Atlantique, c'est sans doute moins vrai en France).
Mais le numérique n'efface pas la différence qui existe entre le traitement intellectuel d'un fonds d'archives et celui d'une collection de bibliothèque, que l'on parle d'acquisition, de description, d'indexation ou autre. En tant que professionnels, nous pratiquons l'un ou l'autre, et la tendance ne me semble pas aller vers la transversalité, mais au contraire vers une spécalisation accrue. L'objet à traiter conduit à lister des tâches qui définissent un poste.
Je reprendrai la conclusion de Jean-Daniel Zeller à un précédent billet (blogues.ebsi.umontreal.ca... on peut parler d'archithécaire en terme de compétences, mais pas (encore?) en terme de fonction professionnelle.
Et pour finir, un exemple: la Bibliothèque de Genève a récemment mis au concours un poste d'"archiviste assistant" pour le traitement des fonds d'archives qu'elle conserve. Un bibliothécaire n'aurait-il pas fait l'affaire?