Éco-doc : révision séquence 8
Par Jean-Michel Salaun le dimanche 08 juin 2008, 18:12 - Cours - Lien permanent
Poursuite des réflexions sur le cours sur l'économie du document, prévu à l'automne à distance (Plan et explications ici), avec la huitième séquence.
Cette séquence est consacrée à la « redocumentarisation ». On peut la mettre en parallèle avec la troisième séquence sur les modèles industriels (ici), illustrée dans les cinquième, sixième et septième séquences. Tout comme celles-là, elle propose une interprétation à partir de l'apport des sciences de l'information, elle sera aussi illustrée par des exemples dans la séquence suivante.
Si la réflexion était vraiment aboutie, je dirais que celle-ci fait plutôt appel à une autre racine de ces sciences : la dynamique des modèles industriels de la troisième séquence a été éclairée par l'introduction du modèle bibliothéconomique dans le raisonnement ; la redocumentarisation s'intéresse à la production du document lui-même et à son cycle de vie, c'est alors plutôt l'archivistique qui devrait intervenir. Les deux familles ont des perspectives différentes, mais elles sont également concernées par le numérique, mieux le numérique déplace, parfois efface, les frontières entre l'une et l'autre. Mais l'archivistique n'a pas encore vraiment, à ma connaissance, pris de front la problématique du numérique alors même qu'elle dispose d'outils pour l'éclairer (pour ceux qui en douteraient encore voir ici).
Les modèles industriels précédents représentaient la tentative de rentabiliser de façon autonome l'activité du Web à partir d'un développement des modèles traditionnels des industries de la culture. La redocumentarisation prend en compte la transformation de l'objet même qui est produit et échangé : le document. Il s'agit alors de relire avec une entrée documentaire les thèmes qui agitent les acteurs et analystes du Web. L'intérêt de cette approche est double. D'abord, elle fournit une interprétation des mouvements en cours et ceci aussi bien sur la longue durée que dans les constants développements de l'actualité. Ensuite, elle place les problématiques documentaires au centre de l'explication ce qui n'est que justice.
Cette séquence n'est pas la plus facile à développer, car elle s'appuie sur une théorie en cours de construction. Mais, arrivés aux 2/3 du cours, les étudiants ont maintenant une plus grande familiarité avec son objet et il est possible de suggérer des pistes sans prétendre proposer des réponses à toutes les questions. Elle s'appuie beaucoup sur les travaux réalisés dans le RTP-DOC, et tout particulièrement sur les premier et troisième textes de Roger (ici et là), mais aussi sur les réflexions développées depuis notamment dans l'écriture de ce blogue. Enfin, elle a l'avantage de disposer de très nombreuses illustrations et documents pédagogiques construits et disponibles sur la toile. Parmi ceux-là, la très célèbre vidéo de M. Wesch (là) me servira d'introduction et de conclusion pour vérifier que les notions ont bien été assimilées.
Pour résumer l'intrigue, il me suffit de reprendre ce court texte rédigé à la demande de Michèle de Battisti pour l'Oeil de l'ADBS du mois de mai (ici, réservé aux adhérents) :
Documentariser, c'est traiter, matériellement et intellectuellement, un document comme le font traditionnellement les professionnels de la documentation : le cataloguer, l'indexer, le résumer, le découper, éventuellement le renforcer, etc. L'objectif de la documentarisation est d'optimiser l'usage du document en permettant un meilleur accès à son contenu et une meilleure mise en contexte.
Le numérique implique une re-documentarisation. Dans un premier temps, il s'agit de traiter à nouveau des documents traditionnels qui ont été transposés sur un support numérique en utilisant les fonctionnalités de ce dernier. Mais bien des unités documentaires du Web ne ressemblent plus que de très loin aux documents traditionnels. La stabilité s'estompe et la redocumentarisation prend alors une tout autre dimension. Il s'agit d'apporter toutes les métadonnées indispensables à la reconstruction à la volée de documents et toute la traçabilité de son cycle. Les documents traditionnels, dans leur transposition numérique, acquièrent la plasticité des documents nativement numérique, qui eux-mêmes, par la facilité de leur production, témoignent des moindres activités humaines.
Cette nouvelle forme de documentarisation reflète ou tente de refléter une organisation post-moderne de notre rapport au monde, repérable aussi bien dans les sphères privée, collective et publique, qui se superposent de plus en plus. Comme à d’autres moments de l’Histoire, le document accompagne les mutations sociales, mais il s’est transformé au point que l’on peut se demander s’il s’agit encore de la même entité. Pourquoi alors reprendre le même terme, en ajoutant juste le préfixe re-, s'il s'agit d'un changement de paradigme ? En réalité, s'il y a bien une rupture, celle-ci est dans une continuité historique qu'il est d'autant plus important de souligner que les professions de la documentation devraient plus y faire valoir leur place. Maîtriser son ordre documentaire est pour une société une des conditions pour rester civilisée.
Séquence 8 : La redocumentarisation
Objectif général
À la fin de la séquence l'étudiant(e) devrait connaitre :
- La définition de la redocumentarisation.
- Son placement dans l'histoire et ses conséquences sur la notion de document.
- Les principaux décadrages qu'elle entraîne.
Objectif spécifique
À la fin de la séquence l'étudiant(e) devrait être capable de :
- Repérer des processus de redocumentarisation.
- En interpréter quelques enjeux.
Contenu de la séquence (base à réviser)
- Histoire et définitions
- Rappel des quatre âges de l'imprimé
- De l'analogique au numérique
- L'âge des fichiers et des (méta)données
- Documentarisations et modernités
- La recherche et les développements sur trois fronts
- Forme (numérisation, systèmes de lecture, ergonomie.. XML ?)
- Texte (traitement du texte, ontologies.. Web sémantique ?)
- Médium (bibliothèque numérique, blogue, réseaux sociaux.. Web 2.0 ?)
- Les potentialités de l'archivistique
- Décadrages
- Le privé publicisé
- Le collectif éclaté
- L'espace public redistribué
Évaluation
Quelques questions posées sur l'animation de Welsch.
Bibliographie (à venir)
Commentaires
L'archivistique s'occupe de maitriser le numérique, mais son inertie temporelle l'a fait privilégier les réflexions de base plutôt que la mise en oeuvre concrète. La preuve par le modèle OAIS (Open Archival Information System) lien rapide. fr.wikipedia.org/wiki/OAI...
Au moment même de la lecture de ce blog mon fil archivistique me fait tomber sur l'annonce de la parution d'une étude de Neil Beagrie (du JISC anglais) :
A Comparative Study of e-Journal Archiving Solutions
www.jisc-collections.ac.u...
According to Beagrie (citation du blog de Jill Hurst-Wahl : Digitization 101) :
The report contains chapters covering: Approaches to e-journal preservation, Publisher licensing and legal deposit, Comparisons of Six Current e-Journal Archiving Programmes (LOCKSS, CLOCKSS, Portico, the KB e-depot, OCLC’s Electronic Collections Online, and the British Library’s e-journal Digital Archive), Practical experience of e-journal archiving solutions, Evaluation of four common scenarios/trigger events, and Criteria for judging relevance and value of new archiving initiatives. There are two appendices on Publisher Participation in different programmes.
Included in the report are 10 recommendations, which Beagrie outlines in his blog. The first recommendation is that negotiators have clear requirements when discussing archiving solutions. That goes along nicely with recommendation #8:
Using the scenarios outlined in this report, libraries should carry out a risk assessment on the impact of loss of access to e-journals by their institution, and a cost/benefit analysis, in order to judge the value and relevance of the archiving solutions on offer.
In other words, e-journal archiving is not something to be rushed into or taken lightly.
Je reviendrais ultérieurement sur les obstacles qui empèchent à ce jour les archivistes d'être plus visibles sur ce créneau, bien qu'ils n'en soient pas absents.
Merci Jean-Daniel pour ces références. Je suis preneur d'informations et réflexions à ce sujet.
Mon propos, un peu rapide dans le billet, ne visait pas la prise en compte par l'archivistique du fait numérique, c'est à dire l'archivage des documents numériques, mais plutôt l'idée que les principes archivistiques seraient utiles pour mieux analyser et peut-être trouver des solutions plus pertinentes à certaines questions nouvelles posées par les documents numériques.
Ainsi Seamus Ross suggère dans son article que la diplomatique pourrait être appliquée aux bibliothèques numériques. Rappel : Diplomatique = Science qui étudie les actes écrits en eux-mêmes (et par extension, tous les documents d'archives), d'après leur forme, leur genèse et leur tradition et en établit la typologie. d'après l'Afnor.
De même, le Calendrier de conservation cher à l'archivistique québécoise pourrait utilement être déporté sur le Web où l'oubli est un problème.
Ce ne sont que deux exemples, peut-être non pertinents. Je suis loin d'être un expert du domaine.