Persistance du livre
Par Jean-Michel Salaun le mercredi 11 juin 2008, 14:23 - Édition - Lien permanent
J'ai déjà eu l'occasion de le répéter maintes fois. Le plus remarquable pour le livre n'est pas son passage au numérique, mais sa résistance sur papier. Une récente enquête réalisée pour la maison Random House fournit des confirmations et précisions intéressantes :
The Reading and Book Buying Habits of Americans, Zogby International, mai 2008. Pdf. repéré grâce à Pinitiblog ici.
L'enquête a été passée en ligne auprès d'un échantillon de 8.218 adultes américains. A priori, faute d'éléments supplémentaires sur la méthodologie, on peut lui faire une relative confiance, d'autant que les résultats ne sont pas favorables au numérique, du moins pour la lecture, pour l'achat c'est autre chose.
En voici un échantillon suggestif (dans l'ordre des numéros de question, trad JMS) :
Où achetez-vous le plus souvent des livres ?
- En ligne = 43%
- dans une chaîne de librairie = 32%
- chez un libraire indépendant = 9%
Quel format de livre achetez-vous le plus souvent ?
- Relié = 43%
- e-book = 0%
Quel vendeur en ligne fréquentez-vous ?
- Amazon = 66%
- Barnes & Noble = 10%
Prévoyez-vous d'acheter une tablette de lecture (liseuse, e-book reader) ?
- Oui je le prévois = 4%
- Oui, j'en ai une = 3%
- Non je ne prévois pas d'en acheter = 80%
- Pas sûr = 13%
Avez-vous déjà acheté un livre numérique (e-book) ?
- Oui = 15%
- Non = 85%
La réponse est encore plus radicale pour un clavardage avec un auteur ou la participation à un groupe de lecture en ligne : 95% de non.
Naviguez vous sur le Web pour des livres sans savoir exactement ce que vous cherchez ?
- Oui = 62%
- Non = 37%
Éloquent, non ?
Actu du 16 juin 2008
On peut aussi prendre le raisonnement à l'inverse et s'interroger sur le modèle économique du livre électronique. On trouvera plein de comptes-rendus d'expérience et d'interrogation après la tenue du premier Bookcamp à Paris :
Guillaud Hubert, BookCamp : Atelier Economie de l’édition numérique, La Feuille, 16 juin 2008. ici
Sans minimiser l'intérêt de toutes ces expériences et analyses, il est frappant qu'après tant d'années on n'ait que si peu avancé. En 2000, la vedette du Salon du livre de Paris était le « village du e-book » (là). Voir par exemple à la même époque la déclaration de Jean-Pierre Arbon, pdg de 00h00h et principal artisan de ce village :
L'heure de l'édition en ligne, février 2000. là
En 2006, on annonçait son retour, après avoir tiré le bilan de ses échecs :
Livre numérique 1996-2006, E-book, le retour, Fluctuat.net, dossier, là
Cruel. Pour une chronologie complète, voir l'excellent dossier d'Educnet là
Commentaires
j'ai tendance à penser que si on prenait autant de soin à produire un e-book adapté à l'engin et à la situation de lecture qu'on ne le fait pour le livre papier, il y aurait plus (+) de lecteur de e-book. Et moins de contrainte avec leurs foutus DRM !
En attendant, ceux qui préfèreraient lire sur un écran se désespèrent de trouver la qualité voulue... Dalb
Bonjour Sylvie,
Cette question a déjà été beaucoup débattue sur ce blogue :
blogues.ebsi.umontreal.ca...
blogues.ebsi.umontreal.ca...
blogues.ebsi.umontreal.ca...
Personnellement, je ne crois pas à l'explication d'une mauvaise ergonomie, mais plutôt d'une question d'affordance. D'une part, on lit très bien sur les tablettes, je peux en témoigner pour en avoir fait l'expérience et avoir participé à une enquête sur ce sujet, il y a maintenant plusieurs années. D'autre part à supposer que l'argument soit exact, pourquoi alors n'a-t-on pas résolu le problème depuis le temps qu'il est soulevé ? La vraie réponse est donnée, me semble-t-il, dans le premier des liens ci-dessus.
Bonjour,
Je suis d'accord avec Jean-Michel pour tous les textes qui sont de l'ordre du récit et du temps long. Je commence à avoir des doutes par rapport aux textes de type technique (manuel, etc. ), pour lesquels la granularité de lecture semble plutôt être le chapitre (ou l'article de périodique) voire l'alinéa, et où les instruments de navigation (index, table des matières, etc.) gagnent en efficience avec le numérique.
Cet sentiment est conforté par la lecture de l'article de Nicolas Carr paru récemment dans the Atlantic Magazine "Is Google Making Us Stupid ?" (www.theatlantic.com/doc/2... qui pointe notre changement de comportement de lecture, mais aussi de pensée, induit par l'effet google (back to Mc Luhan : Media is the Message !) tout en regrettant la disparition de la lecture longue qui permet la réflexion, mais sans apporter de solution pour résister à la googlisation du texte (et de la pensée).
Pour moi, en rapport à ma pratique personnelle, le rejet de l'usage du numérique dans le domaine de la littérature technique vient de l'absence d'outils d'annotation (et de gestion de texte au sens plus large) conviviaux. Or je suis de plus en plus convaincu que l'on apprend en écrivant (des annotations, des synthèses, des schémas récapitulatifs, et finalement des articles scientifiques...).
Qui nous inventera cet outils d'un usage aussi simple que Google ???
La piste du wiki me semble prometteuse mais est-ce la boîte à outils universelle ?
Bonjour Jean-Michel,
les rebonds de discussion au sujet de la lecture sur tablette ou écran me paraissent mettre en évidence la déperdition d'efforts de réflexion liée à la forme même des publications sur les blogs, alors que des analyses probantes ont été exprimées, discutées et validées. Il vaudrait la peine, à la manière du travail de "review" en cours sur if:book ou chez Christian Fauré, de leur donner une forme plus adaptée à une lecture documentaire.
if:book : www.futureofthebook.org/b...
Christian Fauré : www.christian-faure.net/2...
Bonjour Alain
Je ne suis pas sûr que la vocation d'un blogue soit d'avoir une mémoire organisée, c'est d'ailleurs le propos de C Fauré me semble-t-il. Du coup, il est naturel que des lecteurs occasionnels posent à nouveau des questions déjà débattues.
Sur le sujet de ce billet, le dossier d'Educnet, cité dans l'actualisation, remplit bien ce volet complémentaire de synthèse documentaire.
Le blogue est pour moi vraiment un bloc-notes à ciel ouvert. On peut, si l'on veut, en feuilleter les pages, mais sans garantie de trouver ce que l'on cherche. C'est ailleurs que je capitalise, dans des publications éventuellement, mais surtout dans le cours donné en parallèle.
Reste que je suis frappé par le gouffre qui sépare le nombre de lecteurs de ce blogue (plusieurs centaines par jour) et le nombre d'étudiants formés dans le cours (une petite dizaine par session). Même si, je l'espère, les seconds auront appris beaucoup plus et mieux que les premiers, il y a là une question troublante en terme d'économie de l'information.
Sans doute une réponse adéquate serait l'écriture d'un livre ;-).. si j'arrive à en trouver la disponibilité.