Voici un graphique fort instructif. Il s'agit d'une enquête menée par un étudiant et un chargé de cours de Harvard, Bill Heil et Mikolaj Piskorski, dans le cadre d'un cours intitulé Competing with Social Networks (voir présentation ici) sur un échantillon de 300.000 utilisateurs de Twitter. Il n'est pas précisé si l'échantillon est uniquement américain, mais on peut le supposer. Le trait plein représente les utilisateurs de Twitter, le pointillé ceux de Wikipédia et les tirets ceux d'un réseau social. L'ordonnée représente en pourcentage le nombre de contributions et l'abscisse les utilisateurs classés par leur total de contributions, toujours en pourcentage.

Utilisateurs classés par nombre de contributions

Extrait du billet des auteurs (trad JMS) :

En particulier, les 10% des utilisateurs les plus prolifiques de Twitter postent plus de 90% des messages. Sur un réseau social classique, ces mêmes 10% ne proposent que 30% de la production totale. Pour mettre Twitter en perspective, il faut faire une analogie inattendue avec Wikipédia. Là, 15% des éditeurs des plus prolifiques alimentent 90% de la publication de Wikipédia. Autrement dit, la répartition des contributions sur Twitter est plus concentrée que sur Wikipédia, même si Wikipédia n'est pas un outil de communications. Ceci implique que Twitter ressemble plus à un outil de publication unidirectionnel qu'à un réseau de communication pair à pair.

Il faut rester prudent, car il y a peu d'informations sur la méthodologie employée, néanmoins ces résultats semblent confirmés par d'autres enquêtes, en particulier une étude de Purewire sur Twitter dont on trouvera le compte rendu sur ReadWriteWeb ou sur TechCrunch (ici et ).

Ainsi le Webmédia continue pas à pas sa structuration. Voici rapidement quelques leçons à partir des ressemblances et des différences entre le microblogging et l'encyclopédie collaborative. Pour Wikipédia, on pourra aussi consulter d'anciens billets sur les différentes dimensions de son économie (ici).

Les deux sont des innovations radicales, il est difficile de les comparer à des modèles existants. Les deux se structurent comme des médias unidirectionnels avec une minorité de contributeurs et un grand nombre de lecteurs. Les deux fonctionnent sur l'économie du don du côté des contributeurs, on pourrait dire une petite bourgeoisie intellectuelle avide de prendre la parole face aux médias traditionnels auxquels ils n'ont pas ou difficilement accès. Les deux aussi n'ont pas de modèle d'affaires et on peut penser que cette caractéristique est aussi un élément de leur succès d'usages, car ils ne sont pas (encore) soupçonnés d'intéressement occulte. Les deux enfin ont réussi à se positionner comme des joueurs importants dans l'économie de l'attention, au point d'intéresser le plus gros des acteurs, Google.

Du côté des différences, la première qui saute aux yeux et que l'un fonctionne sur le flux et l'immédiateté, tandis que l'autre fonctionne sur l'accumulation et le patrimoine. Le premier est plus proche du modèle de la radiotélévision, le second de celui de la bibliothéconomie dans le pentagone. La seconde différence est évidemment la longueur des messages. Twitter prend l'air du temps en jouant sur le signalement subjectif et sur l'horloge quotidienne, tandis que Wikipédia explique le monde dans de longs développements qu'il souhaite les plus neutres et exhaustifs possible. En ce sens ils sont parfaitement complémentaires. La troisième différence est que l'un a fait le choix clair du non-profit (Wikipédia) tandis que l'autre se positionne dans le secteur commercial en faisant appel à la récolte de fonds avec comme perspective vraisemblable le rachat.