Éclairages sur la redocumentarisation
Par Jean-Michel Salaun le samedi 05 mai 2007, 14:38 - General - Lien permanent
Je voulais faire un billet sur la rocambolesque et édifiante histoire de l'article de Wikipédia sur l'EPR, mais Olivier m'a devancé et son analyse, en raisonnant sur la redocumentarisation, me paraît très pertinente. Du coup, je me suis dit qu'il serait peut être temps de faire ce billet, toujours remis, pour expliquer la notion.
Pour définir la re-documentatisation, il faut commencer par s'entendre sur le terme "documentarisation". Documentariser, c'est ni plus ni moins "traiter un document" comme le font, ou le faisaient, traditionnellement les professionnels de la documentation (bibliothécaires, archivistes, documentalistes) : le cataloguer, l'indexer, le résumer, le découper, éventuellement le renforcer, etc. On préfère "documentariser" à "documenter", qui renvoie plutôt à la création d'un ou de plusieurs documents pour expliquer un objet ou une action, mais dans nombre de cas les deux activités se recoupent. L'objectif de la documentarisation est d'optimiser l'usage du document en permettant un meilleur accès à son contenu et une meilleure mise en contexte.
En citant Manuel Zacklad, on peut dire que redocumentariser, c’est documentariser à nouveau un document ou une collection en permettant à un bénéficiaire de réarticuler les contenus sémiotiques selon son interprétation et ses usages à la fois selon la dimension interne (extraction de morceaux musicaux pour les ré-agencer avec d’autres, ou annotations en marge d’un livre suggérant des parcours de lecture différents…) ou externe (organisation d’une collection, d’une archive, d’un catalogue privé croisant les ressources de différents éditeurs selon une nouvelle logique d’association). in Eléments théoriques pour l’étude des pratiques grand public de la documentarisation : réseaux et communautés d’imaginaire, à paraitre.
Le numérique est une opportunité formidable de redocumentarisation. J'en ai donné dans ce blogue de multiples illustrations. Par exemple ici, là, là, là, etc. Dans un premier temps, il s'agit de traiter à nouveau des documents traditionnels qui ont été transposés sur un support numérique en utilisant les fonctionnalités de ce dernier.
Mais le processus ne se réduit pas à cette simple transposition. En effet, bien des unités documentaires du Web ne ressemblent plus que de très loin aux documents traditionnels. Dans le Web 2.0, ou tout simplement sur les sites dynamiques, la stabilité du document classique s'estompe et la redocumentarisation prend une tout autre dimension. Il s'agit alors d'apporter toutes les métadonnées indispensables à la reconstruction à la volée de documents et toute la tracabilité de son cycle. Les documents traditionnels eux-mêmes, dans leur transposition numérique, acquièrent la plasticité des documents nativement numérique et peuvent profiter des possibilités de cette nouvelle dimension.
Si nous écoutons Roger, la redocumentarisation prend un sens beaucoup plus large. Cette nouvelle forme de documentarisation reflète ou tente de refléter une organisation post-moderne de notre rapport au monde, repérable aussi bien dans les sphères privée, collective et publique. Comme dans la précédente modernisation, le document participe au processus et y joue même un rôle clé, mais il s’est transformé au point que l’on peut se demander s’il s’agit encore de la même entité.
Pourquoi alors reprendre le même terme, en ajoutant juste le préfixe re-, s'il s'agit d'un changement de paradigme ? En réalité, s'il y a bien une rupture, celle-ci est dans une continuité historique qu'il est d'autant plus important de souligner que les professions de la documentation y ont leur place, ou devraient y prendre une place plus grande qu'elle n'est aujourd'hui car leurs compétences y sont essentielles.
La première documentarisation ne s'est pas développée par hasard. Elle s'inscrit clairement dans les quatre âges de l'imprimé entre le deuxième (la presse) et le troisième (la paperasse). La redocumentarisation, marque le passage du troisième au quatrième (fichiers). Ces âges accompagnent des organisations sociales et idéologiques différentes. Le tout peut se résumer sur le tableau ci-dessous :
Commentaires
En ce qui concerne le terme de "documentarisation", il me semble convenir également pour tout ce qui concerne la "mise en document" de données éparses, qui ne sont pas déjà des documents. Ta définition me semble donc un brin restrictive.
"Redocumentarisation" ne pose pas de problème, puisque les documents existent déjà.
Y.
si vous considérez la documentarisation comme le traitement d'un doument existant pour améliorer son usage alors ce qui fait zacklad (que vous considérez comme une redocumentarisation) n'est meme pas une documentarisation. un exemple simple est le cas d'un dialogue entre deux personne qui est une production sémiotoique ayant un support ephémère (l'aire), que zacklad pense pouvoir le péréniser par enregistrement ou par transcription (un moyen de sa documentarisation)
Bonjour Yannick,
Il me semble préférable de parler de "documentation" pour la mise en document de données éparses.
Bonjour "intéressé par la documentarisation" (tout un programme ;-) mais en général sur ce blogue je préfère savoir à qui je m'adresse),
Je ne suis pas sûr que votre interprétation du travail de M Zacklad soit la bonne, mais il faudrait lui poser la question.
L'enregistrement simple d'un dialogue est, pour moi une documentation. Mais dans le cas du numérique, la séparation de la structure et du contenu amène une documentarisation quasi-automatique par la génération de métadonnées. Ainsi nous assistons bien alors à une redocumentarisation de notre relation aux documents, anciens ou nouveaux. Le préfixe re- renvoie ici à la notion d'inédit et non simplement à celle de "à nouveau" telle que le présente MZ.
bonjour
je suis une doctorante de yannick prié et je travaille sur la documentarisation des traces d'utilisation d'un système informatique (je pense que c'est plutot la redocumentarisation des traces). Aprés la consultation de votre blog et de de certains travaux de M. Zacklad, les notions ne m'étaient pas vraiment claires (entre documenter, documentariser et redocumentariser).
j'ai fini par me baser en partie sur vos définitions (documenter= créer un document décrivant des actions/objets et docuemntariser = traiter un document existant pour améliorer son usage) et j'ai considéré que ce que fait zacklad c'est de la redocumentarisation car le bénéficaire de la transaction communicationnelle va réarticuler le contenu sémiotique selon son interprétation (je vais lui poser la question en tout cas car il insiste sur le fait de médiatiser la production sémiotique sur un support perenne, qui est un nouveau document créé à son avis).
Seuleument, dans l'environement numérique, vous avez dit que dés qu'il ya création de document, il y a en parallèle de la documentarisation (effets des métadonnées). Donc pensez vous qu'il faut se contenter de "documentarisation" et redocumentarisation" dans mon cas particulier?
je pense aussi que le résultat de la redocumentarisation peut donner naissance à un nouveau document, différent completement du document à l'origine. Meme sans une possibilité d'utiliser une forme d'appropriation pour passer du document à l'origine au document résultant de la redocumentarisation car le contenu à changé (pas de preservation de la forme canonique).
je souhaite bien avoir votre avis et merci