La résistance du livre
Par Jean-Michel Salaun le samedi 17 novembre 2007, 10:33 - Sémio - Lien permanent
Puisque c'est le Salon du livre à Montréal, il est opportun de poursuivre l'interrogation sur ce support. J'ai, d'abord, été sensible à trois propos récents :
- F. Pisani a donné un entretien sur l'avenir du livre.
- Jeff Gomez a publié un livre papier au titre pour le moins paradoxal : Print is dead. Ici
- Alain Giffard quant à lui s'interroge sur les effets de la Culture du libre sur la culture du livre, ici
Chacun à sa manière, avec sa position, son expérience, son analyse propre, des orientations parfois opposées, tire la même conclusion : le livre évolue, le livre doit s'adapter à la culture numérique. Mais si évidemment les médias anciens intègrent les formes nouvelles, la vrai question me parait inverse : pourquoi le livre résiste ?
Car le livre résiste. Il fut le premier dont le contenu à basculer sur le Web (le projet Gutenberg date de 1971). Il fut aussi le premier à disposer de terminaux dédiés (les tablettes eBooks sont bien antérieures au iPod). Sans doute certains secteurs n'ont pas résisté (encyclopédies, revues savantes), mais globalement et malgré les nombreuses Cassandres, le livre est encore là et bien là. Les principales maisons d'édition sont même plutôt prospères. Même si les tirages diminuent, le nombre de titres augmente.
Cette situation est d'autant plus étonnante que l'évolution sur la longue durée des pratiques de lecture ne sont pas encourageantes, que l'on raisonne par âge ou par génération, contrairement aux pratiques de la musique ou de l'audiovisuel, qui sont, elles, en forte croissance alors que leurs industries paraissent plus menacées (ici). Faut-il en conclure que les stratèges du livre sont plus habiles que leurs confrères ? Sans vexer personne, cela me semble une explication peu convaincante.
Sans prétendre avoir la totalité de la réponse, je crois que l'on a négligé jusqu'ici une dimension essentielle de l'explication : la mesure temporelle du livre, inscrite, cristallisée dans sa forme. Un lecteur qui parcourt un codex, lit et tourne les pages, a son attention accaparée par son activité. Autrement dit, un livre peut être mesuré autant par son nombre de pages que par son temps de lecture (qui variera selon l'habileté et la stratégie du lecteur). De ce point de vue, prenons un livre de 300 pages à 400 mots par page. Un lecteur moyen lisant 200 mots par minute, le livre représente, par exemple, 10 heures de temps de son lecteur.
Cette perspective permet de mieux comprendre la supériorité d'un livre papier sur le numérique, même sous forme de tablette, dans un grand nombre de genres. Elle permet aussi de comprendre pourquoi certaines pratiques de lecture sont, à l'inverse, plus adaptées au numérique. Elle permet enfin de comprendre notre attirance à détenir des livres et à les accumuler dans des bibliothèques personnelles, même à l'heure des mémoires numériques et des clés USB, alors que nous nous éloignons des CD audios. D'un point de vue plus théorique, elle autorise l'intégration de l'économie du livre dans l'économie de l'attention (mais je ne le développerai pas dans ce billet).
Contrairement à une idée reçue, on lit très bien sur une tablette, et ceci dès les premières tentatives (Cytale, Gemstar). J'en ai fait personnellement l'expérience et nous l'avions constaté, il y a déjà longtemps dans une expérience de prêts en bibliothèques (le rapport est ici. Pdf). On met souvent en avant comme avantage pour ces dernières, le fait que l'on dispose alors d'une bibliothèque portative, ou que l'on peut par les liens naviguer d'un texte à l'autre. Mais cet avantage n'est utile que pour un certain type de lecture, pas le plus courant, celui qui demande de passer d'un fragment de texte à un autre. Un livre traditionnel se lit tout seul, en continu du début à la fin. Il est exclusif et fini. Et son temps de lecture est long. L'accompagner d'une bibliothèque n'est en rien un avantage, c'est au contraire une source de distraction. Mieux, l'objet livre est une promesse pour le lecteur : la promesse d'un temps long de plaisir exclusif ou d'enrichissement offert par l'auteur. Comme bien des cadeaux, il gagne à être tangible, il a même son emballage la couverture. La tablette ou le eBook, en effaçant la promesse, réduit sa potentialité.
Mais dira-t-on le raisonnement est le même pour la musique ou la vidéo et pourtant les conséquences du numérique sont inverses. L'inversion résulte de la temporalité. Le temps de l'écoute de la musique ou de la vidéo est très court par rapport à celui du livre. Il est, au contraire, tout à fait avantageux de disposer une bibliothèque de morceaux musicaux dans son iPod. Dans le temps long de lecture d'un seul livre, nous pouvons écouter un très grand nombre de morceaux musicaux. Ici le numérique montre sa supériorité. Le même raisonnement vaut pour les livres qui se lisent par séquences comme les encyclopédies, pour lesquels le numérique est un avantage certain pour le lecteur.
Ainsi lorsque nous achetons des livres pour notre bibliothèque ou pour les offrir, nous achetons une promesse d'heures exclusives de plaisir. Une bibliothèque d'une centaine de livres est pour son propriétaire la promesse de mille heures de plaisir. Sa visibilité n'est pas anodine. En passant devant, il éprouve le frisson de cette promesse. Sa surface, son volume sont proportionnels au potentiel accumulé.
Alors, la littérature évoluera sans doute avec le numérique, mais sommes-nous vraiment prêts à renoncer à ces plaisirs anciens ?
Actu du 19-11-2007 Voir, a contrario, le lancement par Amazon de la prochaine version de tablette chez F. Pisani : Livre 2.0: nous y sommes presque, ici. Voir aussi Lorcan Dempsey et les liens qu'il donne, ici. Et plus de détails sur TechCrunch, là.
Commentaires
« (...) les tablettes eBooks sont bien antérieures au iPod (...) »
Les baladeurs numériques existaient bien avant iPod. L'ancêtre d'iPod s'appelait Rio et sauf erreur de ma part, Rio est exactement contemporain du premier Rocket eBook de Nuvomedia, fin 1997. Cette mise au point ne fait que renforcer la question : pourquoi le livre résiste-t-il bien mieux, vu les destins comparés du 'eBook' et des lecteurs de MP3...
J'ai bien quelques pistes de réflexion, pour plus tard. Mais j'aimerais d'abord comprendre, Jean-Michel, un non-dit du billet : pourquoi le papier enchainerait-il, plus que l'écran, le lecteur à sa lecture ? C'est la dimension symbolique de l'objet qui est visée là, me semble-t-il. Une 'promesse' de lecture n'a jamais fait une lecture tout court...
Très bien vu, cette idée que la forme du livre, en venant matérialiser le temps que consommera sa lecture, lui donne un avantage puissant (décisif?) sur l'écran. As-tu rencontré la théorisation que fait Ivan Illich de la différence entre la lecture suivie, linéaire et la lecture d'accès direct et ponctuel à l'information (pour lui, dans le contexte du 12e siècle, différence entre lecture monastique et lecture scholastique)?
J'avais essayé d'en rendre très brièvement compte lors de mon intervention au congrès du centenaire de l'ABF, rédigée ici:
tinyurl.com/3atoup
Je me permets de me citer parce ce qu'il me semble que la vision d'Illich, même si elle est discutable dans le détail, est un outil puissant pour la compréhension des enjeux qui font l'objet de ton billet.
@ Pierre
Je ne crois pas que le papier enchaîne plus à la lecture que l'écran. Comme je l'ai indiqué, j'en ai fait l'expérience. J'ai même lu sur un Cybook un livre complet d'Amélie Nothomb qui pourtant n'est vraiment pas ma tasse de thé ;-).
Il s'agit bien d'une promesse de lecture. Mais une promesse c'est très important, nous sommes dans des biens d'expérience qui s'acquièrent seulement sur promesse.
@ Michel
Oui, je crois qu'Illich dit des choses essentielles sur le rapport à la technique et à la complexité, même si dans l'exemple que tu cites dans ton papier, comme historien du livre, il paraît un peu approximatif aux experts patentés.
Quant à conclure, comme tu le fais, que la bibliothèque a de beaux jours devant elle, je ne sais. Il faudrait pousser encore la réflexion.
Merci pour cette analyse fine et judicieuse. La question de la temporalité des contenus apparaît en effet comme un facteur décisif, l'idée de promesse matérialisée est une hypothèse très riche. Je vous suis!
C'est un point de ton raisonnement que je ne comprends pas. Le fichier du livre complet d'Amélie Nothomb que tu as téléchargé dans ton Cybook est une 'promesse de lecture' équivalente à celle du livre papier puisque, comme tu le rappelles, ce n'est l'écran en tant que tel qui pose problème pour la lecture -- je suis d'accord avec les conclusions de l'étude 'contrat de lecture' de Claire Bélisle en 2002, à quelques nuances près.
Comment la longueur du livre (son temps de lecture) permettrait-elle de comprendre la supériorité du livre papier sur le numérique, comme tu l'écris ? Un truc m'échappe... Pour moi, c'est la dimension symbolique tout à fait classique du livre, comme objet qui matérialise un récit. Je ne comprends pas ce que la longueur et le temps de lecture ajoute à cette 'simple' valeur symbolique. L'attention du lecteur n'est moins 'accaparée' sur les pages écran d'une tablette que sur celles en papier d'un codex. J'aurais donc plutôt tendance à conclure que ce n'est pas ce point-là qui ferait la différence qui expliquerait que le livre résiste.
C'est plutôt un faisceau d'explications qui permet d'éclairer la question de cette résistance. Nécessairement un faisceau car à la différence des supports enregistrés, la forme du livre a intégré et 'cristallisé', au fil de ses évolutions techniques, une complexité fonctionnelle inouïe. Ce n'est pas l'endroit pour développer ici mais disons simplement que le numérique échoue au moins sur aspect essentiel qui est, précisément, la capacité d'intégration de fonction très différentes (publication, diffusion, transaction, lecture, conservation, etc) à travers une forme technique très simple. De ce point de vue, le codex est bien un summum technologique -- à la différence du 'eBook' donc ;-) Et je reste persuadé que quand un quidam nous parle de 'l'odeur' du livre ou du 'toucher' du papier, il ne fait que traduire sensuellement l'hyper-complexité fonctionnelle de l'objet livre qui fonde sa valeur symbolique, économique et explique aussi, sa bonne résistance.
Sans détailler le faisceau des explications, l'analogie que tu évoques avec iPod et la musique me semble déjà très porteuse. Au risque d'enfoncer quelques portes grandes ouvertes :
- à la différence des supports enregistrés (CD, DVD), le livre imprimé est un support autonome qui n'a besoin d'aucune machine de restitution. C'est par notre apprentissage de la lecture et des langues étrangères que nous décodons les textes, sans avoir besoin de télécharger le dernier codec... Nous faisons corps avec le livre, tant gestuellement qu'intellectuellement. Il est évident que le numérique reconfigure sérieusement la proximité 'naturelle' (culturelle en fait) que nous avons avec les supports imprimés (livre, journal, etc). Et le 'eBook' marche évidemment sur des oeufs de ce point de vue...
- à la différence de l'iPod pour la musique, n'oublions pas que le livre constitue lui-même son propre 'baladeur' ! Contrairement aux lecteurs MP3, la fonction 'nomade' de l'eBook n'apporte donc aucune valeur d'usage supplémentaire par rapport au livre...
- à la différence du livre, les supports enregistrés (CD, DVD) sont déjà des supports numérisés. Donc en terme d'usage, dans un environnement centré autour de l'ordinateur personnel (PC) la fluidité des contenus (musique film) est beaucoup plus grande car la source du support est déjà numérique. Espérer contenir cet état de fait technique par des verrous numériques est une belle illusion, sans doute suffisante pour gérer le temps des mutations industrielles, mais inopérante à terme. En tout cas, aujourd'hui, quand j'achète un livre, je n'achète pas sa chaine de caractères ! Voilà bien le principal écueil que les apôtres du 'eBook' doivent contourner pour espérer convaincre le monde de l'édition. Le papier est, de fait, un procédé de sécurisation des contenus dont la fiabilité est très supérieure aux DRMs !
Voilà, quelques mots rapides sur la question vertigineuse (et passionnante) de la résistance du livre. Ça nécessiterait un meilleur exposé, ailleurs peut-être.
J'essaie toujours d'être prudent lorsque je me réfère à Illich et j'avais tendance à penser que, comme tu le dis, les "experts patentés" le trouvent, quant à l'histoire documentaire, "un peu approximatif". Ceci dit, je n'ai, depuis 15 ans que je les ai découvertes, jamais trouvé de réfutation, ni même de discussion un peu sérieuse de ses thèses.
J'ai refait quelques recherches ce matin mais j'ai fait chou blanc. Au contraire je trouve de multiples références au petit livre d'Illich sur Hugues de Saint-Victor comme à une autorité et des références plutôt laudatives de la part des autorités que je connais (par exemple Brian Stock: "a good introduction to the twelfth-century practices (through the eyes of Hugh of St. Victor) is Illich (1993)", et si Paul Saenger ne discute pas Illich, je ne trouve pas de contradictions entre leurs thèses et ils sont souvent cités ensemble).
Pour un coup d'oeil sur mes recherches de ce matin:
tinyurl.com/3cl3ak
tinyurl.com/3xn6en
Tu me rendrais donc un grand service si tu pouvais m'indiquer quelques références à ces "experts patentés". Sinon on pourrait s'interroger ensemble sur les raisons de cette (relative) méconnaissance de l'importance d'Illich dans le champ de l'histoire des techniques documentaires et de la textualité.
(Quant à la pérennité de la bibliothèque comme lieu, c'est moins, de ma part, une prédiction qu'une proposition stratégique, tu sais: "pessimisme de la raison, optimisme de la volonté" voir la fin de mon article tinyurl.com/3atoup .)
@ Pierre
Je me suis mal fait comprendre. L'acte de lecture est identique dans les deux cas (tablette et livre). Mais le temps de lecture fait que la tablette n'apporte aucun avantage décisif sur le livre. Au contraire, la tablette efface la matérialisation de la promesse temporelle que représentent les pages reliées.
La situation est tout à fait différente pour la musique du fait de la longueur réduite des morceaux. Si je veux écouter 10h de musiques à raison de 3mn par morceaux inscrits sur un objet matériel, je devrais faire 200 manipulations laborieuses ! Pour 10h de lecture d'un livre, il me suffit de tourner les pages du même objet imaginé il y a 2000 ans, le codex, avant de passer au suivant.
D'accord sur tes autres raisons, sauf la dernière (un livre est déjà aujourd'hui à l'origine numérique et le support papier n'est qu'une déclinaison parmi d'autres).
Néanmoins, la résistance du livre est trop manifeste, me semble-t-il, pour ne pas penser qu'il existe d'abord une raison fondamentale.
@ Michel
Merci pour les références, je vais regarder. Pour les experts patentés, je faisais allusion non pas à des écrits, mais à des discussions devant la machine à café de l'Enssib.. tu retrouveras donc facilement la trace ;-). Mais je crois que Illich est victime d'un retour de mode. Même si sa pensée est peut-être plus intuitive que démonstrative. Il pourrait bien revenir avec les inquiétudes écologiques.
iPod shuffle est un objet de 15 grammes permettant l'écoute de 240 morceaux de musique sans aucune manipulation, soit environ 12 heures de musique.
www.apple.com/ipodshuffle...
C'est une belle 'promesse' aussi, conjuguée à la surprise puisque l'objet permet une écoute aléatoire, automatiquement synchronisée sur les titres préférés, écoutés sur l'ordinateur (iTunes).
Donc je reste un peu réservé pour ma part, sur le fait que la promesse d'une lecture apporte quoi que ce soit à la valeur estimée d'un livre imprimé. Je ne pense pas que le eBook dématérialise cette promesse : il la re-matérialise plutôt. Un roman de plage ou un pavé d'été peut peser pas loin d'un kilo... Une tablette pèse moins de 300 grammes aujourd'hui !
Pour le reste, je n'ignore pas que la chaîne de production des livres est numérisée depuis belle lurette. Il n'empêche que quand j'achète un roman, je ne dispose
pas de la chaîne de caractères qui constitue sa matrice de production ! Voilà bien, à mes yeux, une différence essentielle avec les supports enregistrés (CD et DVD).
Vous souvenez vous de la dernière affiche du Salon du Livre (qui a servi deux années de suite, me semble-t-il)? On y voyait une jeune fille souriante serrer des livres sur ses oreilles, comme si elle les écoutait. Cette affiche m'avait fait penser à une différence supplémentaire entre livre et musique, vis à vis de la question de leur "restitution", que j'avais résumée dans cette phrase : on ne "met pas" un livre, alors qu'on "met" un disque (si on excepte bien évidemment le livre audio). Ce que j'entends par là, c'est que le lecteur est continuellement en contact avec l'objet qui affiche le texte qu'il lit, il est constamment en train de le manipuler. Le mélomane va interagir brièvement avec sa chaîne stéréo avant d'oublier complètement le dispositif technique de restitution et de se plonger dans la musique. Qu'importe alors pour lui, du moment que la qualité de restitution est au rendez-vous, qu'il ait interagi avec un iPod ou avec un lecteur de CD, le moment de l'écoute musicale sera exactement identique.
Le lecteur, lui, ne cesse pas un instant d'être en contact visuel et tactile avec le support de sa lecture : le livre ou la "liseuse", comme j'aime appeler les lecteurs d'eBook. Bien sûr, lorsqu'il est saisi par sa lecture, il perd conscience de cette situation physique, ses gestes pour tourner une page deviennent automatiques, il oublie qu'il est en train de lire, il progresse dans le monde imaginaire ou dans le monde des idées de l'auteur sans se soucier de la matérialité. Il n'empêche que l'expérience de lecture est différente, la sensation physique est différente, entre livre et liseuse, et que ces heures que nous avons passé, lisant, à oublier notre corps, nous ont habitué à oublier une configuration perceptive et kinésthésique particulière : posture, geste de tourner la page, geste de feuilleter vers l'avant, vers l'arrière, manière de corner (oh !) une page ou d'y glisser (ah !) un marque page, et j'en oublie. Changer de support de lecture nous demande de faire un effort inhabituel : il s'agit de changer "les choses que nous oublions" quand nous lisons, et c'est peut-être beaucoup plus difficile que de chagner des choses que nous faisons très consciemment.
Enfin, j'ai aussi déjà cité dans une conversation sur le même sujet ( www.archicampus.net/wordp... ) un extrait de "L'homme sans qualité" de R.Musil, qui illustrait bien l'une des qualités du livre, à laquelle on ne pense pas forcément :
"Et, pour rebondir sur le propos de R. Chartier, qui soutient que le livre électronique n’est pas une “simple déclinaison sur un autre support” du livre, je vous propose d’essayer de remplacer, dans l’extrait qui suit, le livre que tient Agathe par un livre électronique, affiché dans une liseuse : l’extrait ne fonctionne plus. Ulrich n’est plus en mesure de “reconnaître le volume” :
“D’où tires-tu cela ?” demanda Ulrich avec curiosité. Alors seulement, il vit entre les mains d’Agathe un livre qu’elle avait trouvé dans sa bibliothèque. […] Ulrich reconnut alors le volume et sourit, tandis qu’Agathe répondait enfin : “De tes livres”.
(Robert Musil - L’homme sans qualités)"
@Pierre
Il me semble que ton exemple conforte mon propos.
Bien entendu le iPod est une promesse. Mais celle-ci est adaptée aux morceaux courts de musique. Mis bout-à-bout, ils peuvent avoir la longueur d'un livre. Mais c'est l'auditeur qui l'aura arrangé à sa façon, même si sa préférence va à l'aléatoire. Ainsi le iPod est une avancée forte vis-à-vis des CD. Le lecteur ne choisit pas les pages du livre, ni leur ordre. Même s'il peut en sauter, revenir en arrière, il le fait sur un nombre, un contenu et ordre préétabli..
Je ne crois vraiment pas que le poids d'un livre soit un argument suffisant pour lui préférer une tablette. Celui d'une bibliothèque sans doute, mais les occasions de transporter une bibliothèque restent rares. Elles concernent des situations particulières. Cela ne justifie pas un marché de masse.
Sur le deuxième point, justement la question est de savoir pourquoi la diffusion numérique de romans n'a pas vraiment explosé jusqu'ici alors même que les conditions techniques sont aussi simples, et même peut-être plus simples, que celles de la musique. Il est peu convaincant de penser que le piratage y soit moins tentant.
@Virginie
Bienvenue sur ce blogue.
Je ne suis pas très convaincu par les arguments qui renvoient au rapport au corps. Ceux-ci me paraissent très relatifs à l'expérience de notre petite enfance. Je parierai volontiers, par exemple, que les enfants d'aujourd'hui se rappelleront avec nostalgie le toucher du pouce sur les claviers de cellulaires (tél mobiles), ou encore le bruit des touches et des sonneries, peut-être même leur odeur s'ils sont menacés demain.
Les qualités que l'on prête au livre de ce point de vue sont sans doute réelles, mais relatives à notre expérience. Nous en trouverions d'autres si elle avait été différente. C'est pourquoi je préfère des arguments plus objectifs.
Bien sûr que notre relation au livre dépend de notre expérience, c'est pourquoi je souscris évidemment à ce que vous dites à propos des enfants d'aujourd'hui. La durée de leur expérience avec le livre imprimé est très différente de la nôtre, et ils ont effectivement mémorisé et automatisé d'autres gestes. Je pense cependant que leur expérience de lecteurs est différente non pas dans sa nature, (eux aussi sont en contact permanent avec l'objet tout le temps qu'ils le lisent) mais plus dans sa durée en nombre d'heures de lecture, et dans la plus grande variété d'interactions avec un plus grand nombres d'objets permettant l'accès à la connaissance ou au divertissement.
J'ai traduit il y a quelques mois le témoignage d'un jeune anglais, travaillant dans l'univers du jeu vidéo, et qui, ayant acquis un lecteur d'eBook, témoignait de sa découverte (dépourvu de la moindre nostalgie pour le livre papier) et interpellait les éditeurs à propos de leur frilosité vis à vis d'internet et de la diffusion des livres... Une lecture non universitaire mais assez vivifiante. www.archicampus.net/wordp...
Je pense que Jean-Michel a tout à fait raison sur cette "résistance du livre", de l'objet papier et de ses qualités intrinsèques. Elle se traduit très bien aussi dans cette vénération de l'objet qui s'exprime si souvent dès qu'on parle de l'avenir électronique du livre.
Mais est-ce que cela veut dire que la fermeture de l'objet livre sur lui-même est un indépassable ? Nos habitudes numériques pourront-elles longtemps se heurter à ce qui devient "une résistance" justement, face à de nouvelles pratiques. Souvent, force de l'habitude, quand je lis un livre désormais, je suis frustré. Je voudrais noter. Cliquer. Faire une recherche. La déformation commence à poindre. Qu'en sera-t-il pour ceux de c't'âge là, comme le dit Virginie : www.archicampus.net/wordp...
Un livre s'est longtemps lu tout seul, pour lui-même, comme vous le dites très bien. C'est encore le cas, lors de nombreuses pratiques de lectures. Que la résistance, pour des causes endo et exogène soit plus forte, je crois que personne ici n'en doute. Mais est-ce que cela doit/peut être un horizon indépassable ?
Quant à la visibilité de nos bibliothèques personnelles... Qu'est-ce qui est le plus visible ? La bibliothèque qui trone sur les étagères de mon salon, ou celle dont je parle en ligne ?
PS : la promesse matérialisée, on l'avait aussi sur les CD, les DVD qui avaient commencé à gagner les étagères du salon...
@Hubert
Rien ne dit que la résistance tiendra indéfiniment. L'effet de génération peut en effet jouer en survalorisant les atouts du numérique simplement parce que les habiletés étant plus grandes, elles autoriseront les possibles numériques à moindre effort. Mon propos est de montrer qu'il existe des avantages réels au livre dont on a négligé l'impact et qui expliquent sans doute sa résistance actuelle.
De plus, pour ceux qui suivent ce blogue depuis longtemps, la dimension temporelle a l'intérêt, que je n'ai pas développé ici, de mieux comprendre l'évolution du pentagone par une prise en compte temporelle de la granularité. Dis comme cela, cela a l'air abscons, mais j'y reviendrai.
Pour la visibilité des bibliothèques personnelles, tout dépend vers qui elle est dirigée et le temps passé devant l'écran : vers soi, vers son cercle d'intime, vers un public indéterminé ? Chez soi, combien de temps passe-t-on devant l'écran ? La visibilité de la bibliothèque s'inscrit dans l'espace ambiant. De plus,je crois qu'il y a un danger à enfermer la culture dans l'écran.
Bien sûr, on avait commencé à poser CD et DVD sur l'étagère du salon, ce qui montre bien notre tendance à faire grand cas de cette promesse. Mais, d'une part l'objet, sans doute parce qu'il est plus récent, rend moins compte de la promesse. Et surtout, le numérique est infiniment supérieur dans la gestion du temps, effaçant alors cette exposition qui n'est plus que l'étalage de notre incapacité à gérer une modernité. Mais je parierais volontiers que d'autres visibilités se feront jour à nos domiciles, par exemple des murs numériques affichant les choix avec des clips se projetant.. Ce type de visibilité pourrait aussi servir aux livres numériques.
Je découve avec plaisir cet article grâce à La feuille.
Cela me fait penser à ce que j'avais écrit lors de la préparation du colloque de la SGDL en France :
L’avenir et le contenu de l’oeuvre de création par l’écrit [II/ Médium et modalité de diffusion]
www.t-pas-net.com/libr-cr...
La qualité du livre, pour certains écrits ne se posent pas pour moi comme indépassables, mais surtout comme spécifiques. Je crois que ce n'est pas la question d'une supériorité qu'il faut poser, mais d'abord et avant tout d'une différence de nature (ce qui est posé dans le post).
Sa nature est haptique, le livre est préhensible, il est manipulable, il se lit autant avec les yeux qu'avec les doigts. Bien évidemment un livre est un espace stratifié que les doigts appréhendent, tourner une page, corner, revenir en arrière, annoter.
On oublie aussi cette question souvent de la note au stylo, de la composition de la lecture comme réécriture en marge et ceci selon un système matériel de repérage (pour ma part deux systèmes en début et en fin de livre + en marge haute et basse de page, tout cela accessible avec les doigts très facilement).
Le livre numérique comme je le disais au colloque SGDL me semble adapter aux thèses, aux articls et aux intertextes, aux essais qui supposent des repères multimédias.
Ce n'est pas tant le temps comme longueur alors qui est important, mais le temps comme dimension d'une pratique : le temps de lecture comme expérience spécifique du fait que lire c'est tout un corps qui fait cela.
Pour la bibliothèqe, je ne sais pas pour vous, mais en tout cas pour moi, ce qui est certain : en déménagement pendant un an, avec avec 4000 livres en carton et très peu disponible physiquement, une grande parti de ma bibliothèque pourtant disponible numériquement, et pourtant je ne m'en sors pas.
Je ne me repère pas : 1 une bibliothèque se donne physiquement comme repère mnésique. Les lignes de fichiers ne me le permettent pas. 2. La bibliothèque par l'exercice de la vue que cela me permet : me fait créer des liens plus facilement (fonction d'inter-relation grâce à la présence physique), ce que ne me permet pas la suite des fichiers. Du moins beaucoup moins. 3. Et un plaisir qu'il me manque : c'est le fait par moment comme c'était le cas dans mon ancienne maison de saisir un livre auquel je ne pensais plus, de l'ouvrir à des endroits cornés, de m'assoir dans mon fauteuil lecture et de me laisser aller à retraverser les couches lues et annotées.
Ma bibliothèqe numérique est surtout faite pour le travail, la recherche quand j'écris des articles. Elle est pratique pour ne pas retaper des textes.
Je ne voulais pas entrer dans ce débat, car mon intérêt me porte plutôt sur le livre de type manuel et encyclopédique, là où le format numérique prend tous son sens bien que l'ergonomie de l'annotation soit encore loin d'être à la hauteur.
Cependant un des remarques finales de Philippe Boisnard m'interpelle justement à ce propos là : "une bibliothèque se donne physiquement comme repère mnésique. Les lignes de fichiers ne me le permettent pas." Et je confirme qu'effectivement l'arrangement de ma bibliothèque professionnelle est le reflet de ma conception des rapports entre les sujets traités par les livres (qui peut évoluer avec le temps en fonction de mes sujets d'intérêt et ne respecte donc pas une nomenclature de type CDU). A tel point que j'étonne régulièrement mes visiteurs quand je trouve "spontanément" sous ma main l'ouvrage, voir la page (mémoire haptique) que je veux citer.
Malheureusement, l'écran n'offre actuellement pas cette représentation visuelle de l'étendue de mes lectures et je cherche actuellement à modéliser celle-ci pour trouver l'outil logiciel adéquat (mon soupçon est que les pratiques personnelles sont trop particulières pour entrer dans une application standardisée, mais je peux me tromper). Il y a également la question de la granularité adéquate.
Un autre aspect explicatif de la résistance au livre est son autonomie par rapport à l'alimentation électrique. En général ce coût ne nous est pas présent à l'esprit car c'est une fraction faible mais lorsque l'on aditionne le poids de tous les "lecteurs" qui ont la facheuse tendance à nécessiter des alimentations différentes, la simplicité du codex fini par s'imposer.
@ Philippe
Bienvenu dans ce blogue.
La lecture sur tablette est aussi, faites-en l'expérience, tout à fait préhensible. On y lit tout autant avec les doigts que pour un livre papier, tout comme d'ailleurs sur un ordinateur avec la souris ou tout autre processus tactile. Ne parle-t-on pas en anglais de "digital" pour numérique ?
Cet argument me paraît seulement renvoyer à l'expérience corporelle qui se modifie à grande vitesse avec les générations. Les gestes, le rapport au sens sont différents, mais ils sont tout autant là.
Pour la bibliothèque, il me parait clair que la spatialisation de la mémoire est encore faible sur le numérique, mais inversement la capacité de stockage et la vitesse de traitement y sont incomparables. Vous avez la possibilité de disposer d'une importante bibliothèque de livres. J'imagine qu'elle ne s'est pas construite en un jour. L'apprentissage de l'articulation de cette mémoire externe avec vous s'est réalisée progressivement au cours de cette accumulation.
Un étudiant ordinaire aujourd'hui peut disposer sur le réseau d'une bibliothèque plus imposante encore au bout de ses doigts. Ceci était inenvisageable il y a peu. Mais cela pose la question du réapprentissage de notre mémoire dont les pratiques, y compris gestuelles, doivent s'adapter à ces fonctionnalités.
Sans doute, il y a là un fort effet d'inertie et des affordances à reconstruire. Mais mon propos est différent. Il vise à repérer ce qui, dans le court terme d'une évolution explosive, explique la résistance du support livre. Comme je l'ai déjà dit, celle-ci est beaucoup trop manifeste pour qu'il n'y ait pas un argument principal à forte connotation économique, celui qui est développé dans le billet.
@Jean-Daniel
D'accord avec toi.
Merci aussi pour l'argument «électricité» qui nous rappelle que le numérique n'est pas aussi écologique que certains le prétendent
@Jean-Daniel et Philippe : La mémorisation visuelle et spatiale de sa bibliothèque physique n'est-elle pas en fait l'expression du "moteur de recherche" que nous devons déployer cognitivement pour y accéder, à cause de sa forme même ? Dans une bibliothèque physique, on recherche les emplacements : d'où l'importance prédominante de la requête spatiale et visuelle. Dans une bibliothèque numérique on recherche (avec la même difficulté parfois) les expressions, les mots clefs qui peuvent nous ramener à l'idée qu'on recherche pour l'avoir déjà lu. On sollicite certainement pas les mêmes aires de la mémoire et la bibliothèque physique est dans ce cadre là, peut-être plus pratique, parce qu'elle fait appel à des mémoires et des gestuelles différentes. Encore une résistance supplémentaire ;-).
@ JM Salaun : merci pour cette bienvenue.
Pour reprendre la question haptique :
_ ce ne sont pas les mêmes modalités de préhension parla main. ce n'est pas le même touché, et la même dimension matérielle qui est touchée.
On ne peut nier qu'il y a une sensibilité/sensualité avec le micro-ordinateur et très certainement avec les e-books. Je ne le nie aucunement, mais le touché de la main et sa sensibilité n'est pas le même.
Je crois important justement de poser la question de la différence. Comme est posée avec votre intervention et celle de Hubert Guillaud, parfaitement le fait qu'au niveau mnésique ce ne sont certainement pas les mêmes aires de la mémoire qui fonctionnent.
_ Pour ce qui est de la bibliothèque : je distingue énormément deux types de bibliothèque celle qui ne sert qu'à la recherche : et qui est indéfinie, bibliothèque de Babel, qui permet aux chercheurs bien souvent que de ne s'entre-gloser et ceci indéfiniment (il faudrait aussi poser un jour la question de l'asphyxie par la quantité, ainsi que la finalité de l'hyperréférentialité : est-elle en direction du savoir ? ou bien de l'usage symbolique de signes pour une autre forme de reconnaissance ?)
et celle que je pratique comme lieu de lectures. Une partie de ma bbliothèque appartient à la première catégorie exclusivement. Et même une grande partie est numérisée comme je le disais.
_ Une seconde partie, plus petite, aux oeuvres souvent plus méconnues, appartenant à des trajectoires parallèles à celle de la recherche, est celle que je porte, qui m'affecte. Chaque livre ayant été le résultat d'un désir. Le nombre de livres n'est pas illimité. Il y a de temps à autre un nouveau texte qui entre là. Cela met du temps. Chaque texte s'est déposé dans la mémoire de l'espace et dans la mémoire du temps. Chaque texte s'est en quelque infiltré dans mon existence pour y créer son souffle, une forme de respiration spécifique.
J'écris cela aussi contre le mirage du nombre, le mirage de posséder le nombre. Chacune de ces oeuvres me touchent parce que comme cela a été dit plus haut, j'ai un rapport "intime" à elle en tant qu'elle se donne dans la forme unique de son object : un livre, et non pas le livre.
Je lis un livre et non pas le livre. C'est important de le dire.
Quand je posséderai un e-book, et j'en posséderai un avec joie dès que je pourrai, je serai alors toujours face à le livre (au livre) et jamais face à un livre.
@ Hubert : Merci. c'est bien de ce passage à d'autres aires corticales qui est LA question. La vision participant du cerveau synthétique et la classification conceptuelle du cerveau analytique (ok: c'est très simpliste), donc a priori moins rapide, ce qui expliquerait que nous nous en remettions à Google plutôt que de parcourir les méandres de nos classifications, toutes pertinentes qu'elles soient par ailleurs.
Quand j'ai débuté dans le monde documentaire j'avais coutume de (me) dire "on commence par un plan de classement et on finit avec une Weltanschauung [vision du monde]" sans réaliser l'implication visuelle de ce dernier terme. Ce qui m'amène à la réflexion suivante : peut-on envisager de "zoomer" (avant/arrière) dans une classification afin de passer d'un niveau discursif (linéaire et/ou arborescent) à un niveau synthétique (image) ? Et quels instruments (logiciels et/ou intellectuels) sont-ils à construire pour aider à un tel fonctionnement ?
L'idée sous-jacente est que les instruments actuels nous permettent assez facilement de retrouver de la donnée (atome/molécule d'information) mais ne nous autorisent pas à accéder directement à la connaissance (organe d'information).
@ Hubert, Jean-Daniel et Philippe
Merci pour vos commentaires.. tellement inspirants que ma réponse est incluse dans un nouveau billet :
blogues.ebsi.umontreal.ca...
Ne sommes nous pas une fois encore dans une problématique "outils/usage".
Laissons de côté pour envisager cette question la question de l'attention -pourtant centrale- et prenons le cas d'un amateur de musique totelemnt dédié à l'acte d'écoute comme un lecteur est plongé dans sa lecture.
I-tunes (ou les logiciciels similaires) lui offre la palette d'outils pour maximiser son plaisir d'écoute, en construisant des listes de lectures, en cherchant les enchaînements "parfaits", les regroupements idéaux, bref, lui donnant les capacités d'être le programateur parfait, ou au moins celui qui comprend/anticipe le mieux ses désirs.
Il y a 25 ans, je passais des nuits à réaliser des cassettes audio, recommançant dix fois, vingt fois...
M'arrachant les cheveux lorsque LE titre qui s'imposait dans la play-list se trouvait sur une autre cassette (il fallait alors trouver un ami avec un lecteur, des câbles, tenter de compenser le souffle de la seconde duplication avec un equalizer, ou vivre avec ...)...
Ce plaisir aujourd'hui est décuplé, et facile comme du "drag 'n' drop".
Mais l'usage du livre est beaucoup plus rudimentaire (je n'ai pas dit qu'on y prenait moins de plaisir, bien au contraire...) On l'ouvre, on commence au début, éventuellement on se ménage des pauses dans la consultation, on le termine, on le referme.
Il semble bien difficile d'imaginer un outil qui se propose de perfectionner ou de faciliter ces tâches.
La résistance ultime du livre, c'est sa linéarité.
La problématique de l'accès aux livres, entre la commande de livres d'occasion sur amazon et les textes "libres de droits" numérisés a très largement bénéficié du duo PC/réseau.
Là encore, à l'horizon des couvertures WIFI élargies et globales et des terminaux mobiles, la nécéssité d'un terminal spécifiquement dédié à la seule (et si simple) lecture linéaire ne semble pas s'imposer de façon impérieuse.
Ou alors...
Ou alors, comme le cinéma a fagocité le son, la couleur, l'animation, la 3D, l'imagerie virtuelle en restant le cinéma, des auteurs au 21e siècle feront exploser les canons du "roman" (hérités du 19e et toujours d'application) pour y inclure, en tant qu'objets narrratifs, hyperliens, images fixes ou animés, morceaux de films, ... et alors seulement, un objet multimédia "exclusif" pour mieux jouir de ce plaisir exclusif que sera toujours la lecture (même hypertextuelle) sera d'actualité...
Olivier
PS pour Jean Daniel : "digital" vient de "digit" au sens "combinaison d'octets". C'est une affaire de 0/1 et non de doigts... Ce qui n'enlève rien à la pertinence de ton propos sur la dimension tactile de notre rapport au numérique (d'ailleurs je tape ce PS .. avec mes doigts)
@Olivier : Tout à fait, la linéarité du livre est sa résistance ultime et celle-ci est en grande partie induite par sa forme. L'internet a montré que cette linéarité pouvait être brisée, notamment par l'hyperlien (et elle va encore plus être brisée, avec la sémantisation des données, les classifications automatiques, etc.). Demain, la linéarité des commentaires sous le billet de Jean-Michel n'existera plus grâce à des affichages de scoring et de rating par exemple...
La linéarité du livre ne répond qu'à un usage parmi d'autres : celui de sa lecture de A à Z. Mais c'est le cas de combien de livres que nous avons entre les mains ? De combien de textes que nous parcourons ?
@ Olivier et Hubert
Je pense que vous faites erreur.
L'usage du livre n'est en rien rudimentaire. Nous avons tous passé des années d'école à l'apprendre, c'est pour cela qu'il nous parait intuitif et c'est aussi pour cela que nous avons tant de mal à l'analyser. Il est inscrit dans notre petite enfance. En réalité, il s'agit d'un objet technique complexe, absolument pas naturel de manipulation. Il est autonome, oui, mais pas simple. En clin d'œil vous connaissez sûrement :
mojiti.com/kan/2208/3832
De plus le livre n'est pas linéaire. C'est le temps qui l'est. Ainsi le son ou la vidéo sont linéaires, le texte non. Il est découpé en de multiples granuralités dont certaines relèvent du dispositif-livre : pages, chapitres etc. Et sa lecture est d'une grande souplesse. Il est clos, oui, mais pas linéaire. Cette non-linéarité qui lui donne une grande souplesse est peut être une autre clé de sa résistance.
Enfin, la non-linéarité du texte lui donne une possibilité bien supérieure d'usage du réseau. Et pourtant un de ses principaux supports résiste et résiste fortement. Ainsi Hubert, la question principale ne me semble pas : quand et comment le livre va éclater ? Il l'a d'ailleurs déjà fait en partie. Mais pourquoi pour une part importante il n'éclate pas ?
Bonjour,
vos analyses sont sur le terme des promesses ne sont que du vent selon moi. Pour moi, jeune génération qui voyage beaucoup le livre dans sa version dématérialisé a une utilité, en effet il me permet d'avoir une grande bibliothèque utile rapidement et à peu de frais(notons que mes livres sont rarement des petits truc de 200-300 pages mais plutôt des livres de 300à +1000pages) , cependant le livre dématérialisé à plusieurs inconvénient
majeur:
-allumer l'ordinateur (temps) qui chauffe , sans compter son poids supérieur), mal aux yeux =) plus d'inconvénient à lire que son homologue papier
-il est égale en terme de recherche (en effet selon moi l'évolution du livre passera par un genre de wikipedia avec les livres online et qui sont téléchargeable (gratuitement) et dans un format libre et facile d'accès , ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
-le prix est plus important, en effet, le livre numérique = prix du livre papier ou plus si vous devez acheter un ipad en plus l'offre est nul, pas possible de le revendre= abération logique et économique , souvent vérouiller par drm en plus= facteur répulsif puisque diminue fortement la valeur ajouté, sans contenu supplémentaire= stupide puisqu'il n'y a pas de valuer ajouté supplémentaire pour le client). =) plus chère que son homologue
-la pratique du consommateur ne change pas (150pages, un seul livre à la fois) sur les deux supports
-il n'est pas encore fait en sorte qu'il existe une méthode d'indexation et surtout de RECHERCHE plus rapide entre rechercher dans votre ordinateur et dans les versions papiers
- il faut souvent numériser soi même les livres (temps+argent nécessaire)
en bref dans son offre légal , le livre numérique est voué à l'échec car plus d'inconvénient que son homologue papier (en voyage vous lisez rarement plus de 150 pages, en plus un ibook vous avez besoin de brancher) pour un cout supérieur. Le fait de pouvoir transporter 150 livres d'un coup(seul véritable avantage, si les livres sont épais) n'est intéressant que pour des clients marginaux (moi).
la version papier:
- est plus légère dans les version 200-300pages que l'ordinateur (donc plus pratique), c'est à dire une lecture moyenne sachant qu'une personne a rarement plus de 150pages lues en une fois
-égal en terme de prix voir inférieur car revendable (sans compter les bibliothèques), de plus abimer le support n'est pas très grave (vos ibook a la plage ou la piscine c'est pas très bon)
-collectionable
-égale en terme de recherche
-égal en terme de contenue
-supérieur en terme de quantité disponible
il est donc plus pratique et plus économique pour la même chose
le seul basculement possible du numérique intervient si, comme moi vous savez ce que vous chercher et ou(style recherche encyclopédique c'est à dire gros livres), mais que la quantité de livre à trimballer deviens très peu pratique pour des raisons évidentes, le contenu devant être enrichie (il n'y aucun support valable pour celà sauf peut être word= très peu de livre actuellement) ou copier, le livre numérique devant être plus pratique que son homologue papier pour être adopter (marketing de base pour substituer un produit par un autre), ce qui ne convient pas à une lecture de type loisir(la plus répandu), soit 95% des personnes. Seul dans ce cas l'adoption d'une bibliothèque numérique deviens intéréssante, en effet si le japonais sont les premiers a numériser leurs livres, c'est qu'ils ont plus d'avantage que nous à le faire (place réduite) ce qui fait que l'avantage /cout penche alors en faveur du numérique (car on revend le papier pour l'argent et la place).
De plus tout doit être ouvert et le livre numérique doit avoir un rapport avantage /cout supérieur au papier ce qui n'est pas le cas en ce moment sur plus de 99% de l'offre légal (c'est à dire gros livres, format word ouvert), et donc en ce moment seul les versions pirates ont une chance de percer car se sont les seuls qui peuvent avoir un avantage sur leurs concurrents.
le consommateur adoptera le numérique dans sa forme actuelle:
-s'il a besoin de transporter de grande quantité de livres (je change de domicile une fois par ans , ma bibliothèque papier c'est deux étagère complète dans un 20M carré, je dois souvent y faire appel, une offre gratuite et accessible est disponible (pirater sur des sites spécialisé) =) j'adopte le numérique.
- je lis un livre de temps en temps, généralement petit, en entier (roman, pas encyclopédie), je ne déménage pas souvent et n'est pas besoin de faire appel à mes livres, j'ai de la place dans ma bibliothèque ou je jette ou revend , trouver sur le net est plus long que acheter à la fnac =) 95% des consommateurs, je n'adopte pas
logique d'économie de base de la consommation.
cordialement, un étudiant en gestion
Bonjour Monsieur l'étudiant en gestion,
Je profite d'abord de votre commentaire pour rappeler que je préfère sur ce blogue que les personnes s'identifient nommément. Je ne suis pas très fan des masques de carnaval dans les discussions scientifiques.
Sur le fond, je crois que vos affirmations ne sont pas toujours bien renseignées et je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris le sens de mon propos. Je vous suggère par exemple de consulter régulièrement La feuille de H. Guillaud qui fait un recensement quasi-exhaustifs des travaux sur la question de l'édition et la lecture numérique : http://lafeuille.blog.lemonde.fr/
Vous y trouverez de quoi infirmer et parfois confirmer plusieurs de vos propos.