La redocumentarisation (du journalisme) en deux citations
Par Jean-Michel Salaun le mardi 05 avril 2011, 04:44 - Sémio - Lien permanent
Après les quatre images du billet précédent, voici deux citations pour illustrer la redocumentarisation. Il s'agit de montrer l'inversion de la perspective du rapport à la vérité qui s'est opéré entre le début du 20e et celui du millénaire en prenant l'exemple du journalisme. Comme précédemment les commentaires sont bienvenus.
La première citation m'a déjà servi dans un précédent billet. Elle est tirée du livre de P. Starr The Creation of The Media (trad JMS) :
Lippmann {en 1920} exhortait les journalistes à être plus «objectifs», un mot qui venait d'apparaître pour décrire le journalisme. Les critiques aujourd'hui dénoncent l'objectivité comme une idéologie professionnelle, mais il est important de comprendre les pratiques professionnelles que Lippmann voulait faire adopter aux journalistes. Il voulait que les journalistes s'inspirent de la science en développant un «sens de la preuve» et en reconnaissant franchement les limites de l'information disponible : il les exhortait de démonter les idées reçues et les abstractions et de refuser de laisser de côté des nouvelles ou de mettre la morale ou n'importe quelle autre cause avant la véracité. Ce que Lippmann demandait avant tout aux journalistes était la responsabilité (accountability). p.396
La seconde citation est tirée d'un entretien sur RSLN avec Michael Cross du Guardian, un des plus avancés dans le journalisme de données :
(..) Que va t-il se passer si les données sont mal comprises et interprétées ? J’ai peur que nous ne puissions pas y faire grand chose et qu’il faille faire avec.
Dans le même temps, plus les données sont disponibles, plus il y a de chances pour que les gens en parlent, les analysent, les croisent : la discussion offre une chance de réinterpréter les données de manière efficace et fiable, même si elles sont peut-être utilisées pour servir un certain agenda.
Les données sont accessibles et, avec la puissance du web, nous pouvons faire en sorte que l’interprétation la plus fiable se retrouve mise en avant.
Reprenons les mots clés de l'une et l'autre citations sur un tableau pour les mettre en perspective. 1920 correspond à l'organisation systématique des systèmes documentaires qui a pour modèle la science positive. 2010 correspond à la transformation de notre rapport au document sur un tout autre modèle de rapport à la vérité. Le tableau montre l'écho de ce mouvement dans les pratiques journalistiques.