Quand le contenant se sépare du contenu
Par Jean-Michel Salaun le mercredi 07 février 2007, 02:09 - Éco - Lien permanent
Repéré grâce à H. LeCrosnier sur la liste RTP-DOC. Steve Jobs vient de publier un long plaidoyer indiquant pourquoi Apple devait abandonner les DRMs pour les iTunes. Au delà des arguments présentés, parfois quelque peu hypocrites, qui feront sourire les critiques de la DAVSI (et Hervé le premier), l'explication est dans ce tableau :
Diaporama : Mary Meeker, The state of Internet Part 3 Morgan Stanley, Web 2.0 , 11/08/2006
Le marché de Apple, n'est pas dans le contenu, mais dans le contenant (la colonne de gauche représente les ventes 2003, celle de droite 2006, telles que le cabinet Morgan Stanley les estimait à l'été). Et depuis, plusieurs études ont montré pire que les ventes s'effondraient sur iTunes et que les iPod ne contenaient que 5% de musiques téléchargées sur le site de Apple. Pour une synthèse de ces études, voir Ratatium.
Rien de bien surprenant pour nous. En effet, cela confirme quelques tendances souvent rappelées ici :
- l'articulation des industries du contenant et du contenu n'a qu'un temps, celui du démarrage de l'innovation. Ensuite les logiques industrielles sont trop différentes pour qu'elles soient compatibles. Ce temps est passé pour Apple.
- Le contenu n'est pas le roi pour reprendre l'expression d' A. Odlyzko.
- Le Web-média n'est pas l'édition et la musique en ligne ne remplacera pas la vente de disque.
On peut rapprocher ces remarques de deux billets de T O'Reilly, tous deux cités et commentés par D. Durand qui confirment la mise en place du Web-média et son installation dans le pentagone entre bibliothèque et télévision :
- Le premier montre que le Web-média favorise les contenus courts, distribués gratuitement (TO'R, DD).
- Le second montre comment le détachement contenant-contenu se fait par couches successives qui prennent chacune progressivement leur autonomie. Nous serions avec le Web2.0 dans la couche la plus haute (TO'R, DD).
Commentaires
Bonjour Jean-Michel,
Peut-on vraiment parler de séparation 'contenant/contenus' dans la mesure où les chiffres cités indiquent précisément que l'articulation 'contenant/contenus' est (ou a été) totalement marginale pour le cas de Apple et de son iPod ?
Je reste convaincu que Jobs, en grand communicant qu'il est, ne s'est servi de sa plateforme Apple Music Store + iTunes que pour montrer patte blanche aux majors au sujet sur la question délicate du droit d'auteur, pour ne pas risquer de traîner les casseroles du P2P dans l'image de son (merveilleux) produit blanc.
Apple fait son business sur la domestication de la musique et non sur sa diffusion numérique. Comme l'avait fait, en son temps, Sony avec son walkman. Les utilisateurs d'iPod (dont je suis un early-adopter) ne découvrent rien avec ces chiffres. Un iPod contient jusque 20.000 morceaux de musique. Qui peut croire qu'on puisse remplir un iPod avec 20.000 x 0.99 euros (!) de musique achetée sur Apple Music Store ? Personne à part les gogos. Ce qui m'amuse un peu, c'est qu'il faille attendre la publication d'études estampillées Morgan Stanley pour réaliser la réalité du monde et les pratiques que chacun peut constater tous les jours, pourtant.
Il y a aussi une grosse lacune dans ces chiffres, pour ce qui concerne la France et d'autres pays européens, en tout cas. Les taxes prélevées sur les supports enregistrables représentent un chiffre d'affaire très supérieur aux chiffres d'affaire des plateformes de vente en ligne... Mais bon, Morgan Stanley ne peut pas tout savoir ! Ouaf ...
Précision sur la taxe appliquée aux supports enregistrables :
Il s'agit de la seule taxe prélevée sur la vente des iPod (qui a atteint 51 euros / pièce en 2006 pour l'iPod évoqué par Jobs dans son article : 1000 morceaux soit 4 Mo de mémoire flash). Ces 51 euros sont reversés directement aux ayant droits* via les organismes de gestion collectives (SORECOP et COPIE FRANCE) alors que les statistiques indiquent seulement 22 morceaux** téléchargés par iPod en moyenne.
PS
* : 25% aux producteurs, 50% auteurs compositeurs et 25% aux interpètes solistes, répartition faite après un prélèvement de 25% destinés à financer la formation permanente des acteurs de la filière ainsi que le spectacle vivant
** : soit 22 x 0.99 euros qui eux rénumèrent toute la filière, y compris les frais de transaction bancaire -- 5%, pas moins...
Bonjour,
A propos de la séparation du contenant et du contenu : www.youtube.com/watch?v=6...
Enjoy !
Jean-Marie
Je trouve la sortie Jobs un peu hypocrite de sa part.
Jobs prétend être contraint par les compagnies de disques d'offrir de la musique protégée par DRM pour être en mesure de l'offrir en vente sur le Web. C'est vrai pour les 4 grands qui sont Universal, Warner Music, EMI et SonyBMG. Cependant, certaines étiquettes indépendantes qui offrent leurs collections sur le magasin en ligne iTunes d'Apple, offrent aussi la même chose sur le magasin en ligne eMusic. Qu'elle est la différence? eMusic offre le téléchargement sans protection DRM. C'est donc dire que la protection DRM fait le jeu d'Apple qui peut ainsi imposer l'écoute de la musique avec son produit iPod.
Comme écrit M. Salaün, c'est le contenant qui est important pour Apple.
Pour terminer, on retrouve un article à propos de la compagnie eMusic sur CNN aujourd'hui: money.cnn.com/magazines/f...