Une des difficultés actuelles sur le modèle d'affaires du Web-média est la rémunération des contenus, et, en amont, celle des auteurs et des artistes. La référence à Beaumarchais fait sens si on se rappelle qu'il fut en France à la pointe du combat des auteurs contre les propriétaires de théâtre et qu'il a fondé en 1777 la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD, toujours en place et très active dans les polémiques actuelles), en réaction contre les rémunérations que lui versait la Comédie française pour Le Barbier de Séville.

Ainsi, lors d'un entretien avec l'avocat Maxence Abdelli, l'Atelier pose la question :

Et si Beaumarchais avait connu Internet, comment pensez-vous qu'il aurait réagi?

M.A : Aurait-il été inquiet de la question de la rémunération des auteurs sur Internet? Aurait-il salué l’arrivée en force du « public » des internautes? Difficile à dire...

D'une manière plus générale, toute une partie de la profession prône encore l'application du droit d'auteur de façon assez stricte sur les réseaux de communication électronique. Beaumarchais en aurait peut-être fait partie ! Or, je crois qu'aujourd'hui il est nécessaire de trouver un équilibre. Tout en protégeant les auteurs, c'est une évidence, il faut trouver un nouveau modèle alternatif de développement qui permette aux œuvres de circuler assez librement tout en rémunérant les auteurs.

Ce qui est fondamental dans le débat aujourd'hui, c'est que l'on ne peut pas se contenter de rémunérer les artistes avec de la publicité. Ce modèle porterait en effet trop préjudice aux artistes. En effet, il y a un certain manque de visibilité sur les recettes perçues par la publicité. Si un artiste met son œuvre sur un site qui ne génère pas beaucoup de publicité ou qui est peu fréquenté, il risque de dévaloriser son œuvre et il l'aura communiquée au public sans avoir de rémunération conséquente. La rémunération des artistes doit être proportionnelle aux recettes engendrées. Ces recettes peuvent être générées soit par la vente de supports physiques, soit par celle de titres numériques. Il y a donc une petite marge de manœuvre à exploiter à ce niveau-là. Ce qu'il faut donc retenir du droit applicable aujourd'hui, c'est le principe d'une rémunération, et d'une rémunération équitable. Mais si, sur Internet, ces principes sont pleinement applicables pour les plates-formes de vente en ligne, pour les artistes qui ont déjà intégré un catalogue, on a encore un gros problème de visibilité sur les rémunérations que l'on peut verser aux artistes ne participant à aucun catalogue.

La réponse témoigne de l'attachement des auteurs au modèle éditorial, qui leur fournit une rémunération proportionnelle aux ventes des artefacts sur lesquels est fixé une copie de leur oeuvre. Mais, cette posture n'est pas conforme au combat de Beaumarchais qui visait le théâtre et non l'édition. Les industries culturelles se sont évidemment depuis transformées. En particulier, la radio-télévision, issue du modèle théâtral, a explosé et trouvé les moyens de rémunérer les artistes. Il reste à trouver l'équivalent pour le Web-média. Je ne doute pas qu'on y arrive après sûrement bien des batailles. Si je suis sûr que Beaumarchais y aurait participé, je pense qu'il ne se serait pas trouvé du même côté que bien des auteurs aujourd'hui qui confondent leurs intérêts avec ceux du lobby éditorial, dont il n'est pas évident que l'organisation soit la plus efficace pour défendre la création.