La conférence d'ouverture du congrès de l'Association Canadiennne pour les Sciences de l'Information (ACSI-CAIS) a été prononcée par John Leslie King. Son titre, Epistemic Infrastructure and the Rise of the Knowledge Economy résume son propos. Par "infrastructure épistémique", le conférencier comprend les bibliothèques, les centres d'archives, les musées, toute institution qui collecte et organise des éléments signifiants. Je dirais des documents, mais il préfère le mot "information", à tort à mon avis. L'argument vise à montrer que ces institutions ne sont pas la conséquence de la montée des échanges d'informations dans les sociétés, mais bien la cause, et donc qu'elles participent directement au développement des civilisations et des économies. La démonstration brasse très large en balayant l'histoire sur des millénaires avec des illustrations comme la bibliothèque de Tolède et la Renaissance ou les cabinets de curiosités et la Révolution scientifique. On retrouvera la thèse, moins les magnifiques illustrations visuelles de la conférence, développée dans un article de 2005 : Hedstrom Margaret, King John Leslie, Epistemic Infrastructure in the Rise of the Knowledge Economy

Je ne discuterai pas la démonstration. Ce qui m'a surtout intéressé, c'est la posture et la proposition. L'objectif du conférencier est de défendre les professions documentaires, et accessoirement sa propre institution, l'École en sciences de l'information de l'Université du Michigan. Il s'inscrit dans un mouvement plus vaste auquel il participe activement : celui des cyberinfrastructures (et ), qui sont dans ce raisonnement les Epistemic Infrastructures d'aujourd'hui ou encore, celui des iSchools (et ) qui forment les professionnels de l'information, fondant bibliothéconomie, archivistique et muséologie dans une profession unifiée par le numérique qui se trouverait au centre de la Knowledge Economy.

Les exemples pris dans l'histoire sont souvent européens et la réflexion initiale fait suite à une commande de l'OCDE dans le cadre d'une série de rapports sur l'innovation, avec donc un volet international marqué. Ainsi un nouveau vocable se fait jour qui montre un déplacement des enjeux. Le dictionnaire du Web de Dalloz nous rappelle opportunément que les "autoroutes de l'information", privilégiant les télécommunications, font désormais partie de l'histoire. La réflexion sur le Web ou même le Web 2.0 est souvent laissée à des journalistes ou experts proches des acteurs industriels. Les cyberinfrastructures retrouvent le monde académique et ont déjà leur entrée dans Wikipedia. L'intérêt est de se rapprocher de la gestion du contenu informationnel, même si on s'en tient encore au terme bien trop vague d'information.

Il y aurait peut-être de fructueux croisement à faire entre ce mouvement et la réflexion menée sur la redocumentarisation. Cela atténuerait peut-être ses tentations lobbyistes qui nuisent, à mon avis, à sa crédibilité scientifique.