Presse et modernités
Par Jean-Michel Salaun le samedi 16 juin 2007, 03:03 - Édition - Lien permanent
Emmanuel Parody commente un billet de Scott Kar sur les difficultés financières du New York Times. Ce dernier, après calculs sur les comptes du journal, conclue :
So if this is right (feel free to check my math), then May 2006 to May 2007, print ad revenue for the News Media Group decline $19.2 million or 14.4%, dwarfing the $2.8 million increase in online ad revenue.
Cela n'étonnera pas les lecteurs de ce blog et en particulier de la synthèse réalisée par P. Lozeau qui donne les clés de cette évolution. Emmanuel Parody conclue, pour sa part, qu'il s'agit principalement d'un changement de paradigme à assumer pour la presse. Je cite :
Une autre chose m’intéresse dans les chiffres du NYTimes : le site About.com représente près de 30% des revenus du Web (23M$ sur 74M$ sur Q1 2007). About.com un site communautaire racheté 410 M$ début 2005. About.com un site essentiellement optimisé pour Google et les revenus à la performance des mots clés. About.com avec ses rédacteurs spécialisés payés à la performance, qui gèrent seuls, leur rubrique et leur communauté de lecteurs. About.com à des centaines de kilomètres de l’univers éditorial du NYTimes. A des centaines de kilomètres des coûts d’exploitation du NYTimes, sans aucun doute.
Si c'est la seule voie pour la presse, il y a fort à parier qu'elle disparaitra au profit du Web-média, dont la logique lui est antagonique. Mais à mon avis, E. Parody se trompe. Sans doute la presse peut se diversifier vers le Web-média, mais à condition de garder la maîtrise de son modèle. Une voie intéressante était proposée par une agence japonaise.
Pour autant, la situation de la presse globalement est moins mauvaise qu'on ne le dit comme le rapportent régulièrement ses organisations internationales. Tout le problème est d'adapter le modèle au choc des modernités.
Pour les pays développés et occidentaux, il faut admettre que la déclinaison sur le Web, si elle est indispensable, ne remplacera pas les parts de marché perdues sur le papier. D'autres formes médiatiques ont pris la place. L'explosion des gratuits est une autre réponse concurrentielle au Web-média sur la publicité qui ne détruit pas le modèle de la presse, même si bien entendu il l'oblige à le transformer radicalement.
Mais la presse est encore très florissante dans nombre d'autres pays. Je ferai l'hypothèse, fragile à approfondir, que pour ceux-là deux facteurs jouent : la presse est le média de la révolution industrielle et de la consommation de masse. Les pays qui sont à ce stade ont une presse en forte croissance. Par ailleurs, la relation culture-écriture joue fortement, je pense ici aux pays asiatiques pour lesquels la relation à l'écriture sur ordinateur est très différente.
Commentaires
Helas la diffusion dont parle le communiqué n'est pas la diffusion payée. La hausse de la diffusion est poussée par les gratuits lesquels n'ont pas atteint le seuil de rentabilité. Je ne suis pourtant pas pessismiste pour le secteur contrairement à ce que l'on pourrait croire mais ces chiffres ne sont qu'un trompe l'oeil. Gardons l'oeil sur les revenus.
Et surtout gardons l'œil sur les marges.
Il ne s'agit pas d'être pessimiste mais réaliste. Le business model des journaux payants est remis en cause. Les chiffres de la WAN ne sont pas positifs pour la presse des pays que j'appellerais "arrivés à une maturité économique et démocratique".
Les autres pays, comme la Chine par exemple, font remonter les chiffres globaux. Mais, il est intéressant de noter que les 12 premiers journaux indiens ont vu leur diffusion reculée, à l'exception d'un seul, en 2006.
Bonjour Emmanuel et Jeff,
Vos remarques ne me paraissent pas contradictoires avec le billet :
Dans les pays occidentaux, les gratuits prennent bien une part du marché publicitaire des payants. Qu'ils n'aient pas atteint le seuil de rentabilité, n'est guère différent qu'un journal qui se lance.
Les chiffres de la WAN montrent bien une différence entre les pays de différentes modernités.
Vous ne dites rien sur l'essentiel de la remarque : Web-média et presse sont antagoniques.
Je ne sais pas si l'on peut parler d'antagonisme entre les deux modèles. Les logiques sont différentes, très différentes. Mais est-ce qu'elles s'opposent ? Peut-être. En tout cas, la logique du web est clairement mal appréhendée par la très grande majorité des gens de presse.
La notion de « Web-media » mériterait d'être précisée. C'est un peu comme si on mélangeait, sous l'intitulé « Print-media », à la fois la presse traditionnelle et la presse gratuite. Je ne comprends pas bien l'intérêt de fabriquer de tels mots-valise qui créent plus de confusion qu'ils n'éclaircissent les concepts. Un journal qui diffuse son modèle 'traditionnel' (facsimilé en pdf, archives) sur le Web, par abonnement ou par paiement à l'acte, est-il ailleurs que sur du « Web media » ?
Concernant l'évolution des chiffres, ne faudrait-il pas prendre un peu de recul ? Les agents économiques et les analystes financiers ont le nez collé sur les moindres soubresauts des comptes d'exploitation entre Q1-2006 et Q1-2007... Mais quand on constate le niveau d'improvisation et de tâtonnement des stratégies (en ligne vs imprimé), on peut rester perplexe sur les enseignements réels à tirer de l'évolution des chiffres - pour exemple : en début d'année, le tarif d'abonnement au monde.fr incluant la version pdf du journal est passé de 6 à 15 euros / mois, et désormais le pdf n'est plus expurgé de ses pages de publicité...
Enfin, le chiffre d'affaires et la rentabilité sont deux choses différentes. Que le chiffre d'affaires baissent m'implique pas forcément un recul de la rentabilité...
Bonjpur Pierre,
Pour préciser la notion, je te renvoie à ces billets, dans lesquels il y a une part des réponses à tes interrogations.
blogues.ebsi.umontreal.ca...
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Puis suivre les liens..