Le rôle social des bibliothèques en Amérique du nord
Par Jean-Michel Salaun le lundi 31 décembre 2007, 06:40 - Bibliothèques - Lien permanent
Le Monde (ici) vient de relayer une dépèche de Reuters annonçant la publication d'un nouveau rapport du Pew Internet & American Life Project. L'article insiste sur la fréquentation des bibliothèques par les jeunes adultes américains de 18-35 ans, mais ce n'est pas l'objet premier de l'étude et son interprétation risque d'être mal comprise en France si on ne remet pas les résultats dans leur contexte.
On trouvera ici l'ensemble de l'étude :
Estabrook Leigh, Witt Evans, Rainie Lee, Information Searches That Solve Problems, How people use the internet, libraries, and government agencies when they need help, Pew Internet & American Life Project, 30 déc 2007, 40p. Résumé (Html), Rapport (Pdf)
Un objectif de l'étude était de savoir si les bibliothèques avaient perdu pour les nouvelles générations leur rôle de ressources pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne au profit d'Internet. Les résultats montrent qu'il n'en est rien, bien au contraire et de façon paradoxale, pour la génération Y (18-35 ans), mais en partie à cause de la possibilité de consultation libre de l'internet dans les bibliothèques.
Sans doute ces résultats sont importants et méritent lecture. Ils montrent la robustesse du positionnement des bibliothèques publiques américaines, ils confirment aussi la place primordiale de l'internet dans la fonction renseignement.
Mais ils sont difficilement transposables dans un contexte différent, sauf pour s'en inspirer. Le rôle social des bibliothèques est beaucoup plus accentué de ce côté-ci de l'Atlantique qu'en France. Il est naturel de venir s'y renseigner pour des difficultés de toutes sortes, c'est aussi un lieu de rencontre entre voisins.
Commentaires
" Le rôle social des bibliothèques est beaucoup plus accentué de ce côté-ci de l'Atlantique qu'en France[...] c'est aussi un lieu de rencontre entre voisins. " Si seulement nous parvenions, en France, à cela... Quelles sont les raisons qui expliquent que cela marche chez vous, et pas en France ?
PS : bonne année :-)
Bonne année à vous Daniel et merci pour vos commentaires.
Difficile de répondre sans caricaturer. Il faut donc nuancer les propos ci-dessous qui visent à souligner les différences et donc les creusent abusivement.
Tout d'abord, il y a une différence, je crois, sur la conception de la culture et par conséquent sur celle du rôle des bibliothèques.
Pas de bibliothèque nationale aux US, mais une bibliothèque du congrès initiée par Jefferson pour partager avec le peuple les richesses documentaires de ses élus. Autre exemple W. Carnegie qui, après avoir fait fortune dans l'acier des rails du réseau ferroviaire, finance 1500 bibliothèques de part le monde dans une philanthropie non désintéressée : il s'agit de maintenir la cohésion sociale par la culture. Les bibliothèques participent de la construction de l'idéal de société américaine, depuis longtemps et encore aujourd'hui. Il faut y ajouter une urbanisation sensiblement différente et on comprend mieux la place de cette institution au cœur du réseau social.
La tradition française est presque inverse. La culture est d'abord le résultat de la vitalité des artistes. La bibliothèque dans cette perspective vient plutôt en second, comme distributeur, un parmi d'autres mais qui favorise une plus grande ouverture.
Il y a des deux côtés des avantages et des inconvénients. Sans sa conception de la culture, inscrite dans une forte politique de soutien, sa vitalité serait moins grande en France. Mais comme le Web favorise l'initiative individuelle dans les relations, l'orientation américaine des bibliothèques est plus en phase avec ce nouveau média. Cela n'interdit pas aux bibliothèques françaises d'avoir une stratégie offensive dans ce domaine.
Quand au Québec, souhaitons qu'il sache profiter du meilleur des deux traditions. À ce titre, la réussite de la BAnQ me paraît exemplaire.
" Cela n'interdit pas aux bibliothèques françaises d'avoir une stratégie offensive dans ce domaine. " Que le dieu des bibliothécaires (M. Dewey ?... ;-) ) vous entende....