Deux études récemment publiées, l'une aux US, l'autre en Grande Bretagne, tirent la sonnette d'alarme.

To Read or Not To Read, A Question of National Consequence (Washington: National Endowment for the Arts, Novembre 2007, 98p.), Pdf. (Repéré par H. Guillaud sur La Feuille qui a traduit quelques éléments du débat critique, ici)

Comme le titre le suggère, le rapport américain est donc très alarmiste. Il constate, comme d'autres avant lui, le fort recul de la lecture, au sens traditionnel du terme, principalement chez les jeunes. Mais, au delà des résultats, l'argumentaire est important. Voici un extrait caractéristique de la préface (trad JMS) :

To Read or Not To Read confirme l'importance centrale de la lecture pour une société libre et prospère. Les données démontrent que la lecture est une activité irremplaçable pour produire des adultes productifs et actifs autant que des communautés en bonne santé. Quels que soient les bénéfices des médias électroniques plus récents, ils apportent un substitut non-mesurable pour le développement intellectuel et personnel initié et soutenu par la lecture régulière.

To Read or Not To Read n'est pas un regret nostalgique (une «élégie») des jours anciens de la culture imprimée, mais plutôt un appel à l'action, ne s'adressant pas seulement aux parents, professeurs, bibliothécaires, écrivains et éditeurs, mais aussi aux politiques, hommes d'affaires, économistes et acteurs sociaux. Le déclin général de la lecture n'est pas simplement une question culturelle, bien qu'il ait d'énormes conséquences pour la littérature et les autres arts. C'est un sérieux problème national. Si l'Amérique continue à perdre l'habitude de la lecture régulière, au rythme actuel, la nation subira de substantiels revers économiques, sociaux et civiques.

Le rapport a été critiqué. On lui a reproché notamment de méconnaitre la lecture à l'écran. On trouvera ici un résumé par H. Guillaud de quelques-unes de ces critiques. Mais à la réflexion et à la lecture du second rapport, britannique, je ne suis pas sûr que celles-ci soient vraiment très solides.

Information behaviour of the researcher of the future, UCL, 11 janv 2008, 35p. Pdf.

La lecture des jeunes à l'écran n'y apparait pas vraiment en effet comme encore très efficace. Le rapport présente les résultats d'une enquête sur la façon dont les jeunes naviguent sur le Web et s'y informent. Sans surprise non plus, il montre que la « génération Google » n'a pas beaucoup d'esprit critique face aux outils et que les bibliothèques ne positionnent pas leur service de façon pertinente. Mais il prend, lui aussi, des accents alarmistes quand il élargit son propos. Extraits de la page 32 (trad JMS) :

La littérature de recherche est peu pertinente dans ce domaine et les éléments sérieux sont éclipsés par les proclamations anecdotiques et non fondées. Les bibliothécaires ont besoin d'investir plus dans le recueil de données et dans l'analyse et de prendre exemple sur les leaders commerciaux (comme TESCO, par exemple, JMS : hypermarchés) qui ont une connaissance de leur clientèle et de ses préférences bien plus détaillée et éclairée. En particulier, le besoin se fait sentir de séries de données longitudinales et d'outils de compréhension pour lancer des alertes vitales et rapides sur les changements à venir. Pourquoi les plus grandes bibliothèques nationales n'ont-elles pas un département interne d'études sur les usages ? Sans cette compréhension, les services standards peuvent s'éloigner facilement de la réalité.

À un niveau national, il y a un besoin fondamental d'un programme bien financé de recherche et d'enquête sur les compétences informative et de lecture numérique de nos jeunes. Si le comportement erratique que nous observons dans les bibliothèques numériques est vraiment la conséquence d'une carence du "terminal bibliothèque", alors la société a un problème majeur. Les compétences informationnelles sont plus que jamais nécessaires et à un niveau plus élevé pour que les gens puissent se prévaloir des bénéfices de la société de l'information.

Les premières recherches aux États-Unis soulignent que ces compétences doivent être inculquées durant les années de formation de l'enfance : à l'université ou au collège, il est trop tard pour renverser des habitudes profondément enracinées, en particulier la confiance aveugle dans les moteurs pour fournir des solutions miracles.

Cela suppose une action concertée entre les bibliothèques, les écoles et les parents.

Alors, on pourra encore prétendre que l'étalon de mesure est toujours ici la culture lettrée, issue de l'imprimé, et que, aujourd'hui avec le numérique, le rapport au savoir se déplace. Peut-être, mais se contenter d'une telle spéculation me parait prendre un pari risqué sur l'avenir, à la fois en termes d'efficacité économique et en termes de responsabilité démocratique.

Actu du 03-02-2008 Contre-argument ? Où ? En Corée bien sûr.. Vu ici chez David Touvet.

Actu du 04-02-2008 Voir sur le sujet les billets de Virginie Clayssen (ici) et André Gunthert (). Et aussi le billet suivant ().

Actu du 04-02-2010

A lire absolument en complément : Alain Giffard, “Lecture numérique et culture écrite,,” Skhole.fr, Janvier 18, 2010, ici .