Le poids de l'immatériel
Par Jean-Michel Salaun le dimanche 13 avril 2008, 11:30 - Moteurs - Lien permanent
Juste un petit rappel pour ceux qui douteraient encore de l'insoutenable légèreté de l'immatériel et un complément d'informations déjà données dans un précédent billet sur les centres de données de Google (ici).
Map of all Google data center locations, Royal Pingdom, 11 avril 2008 (là), repéré par Le Blog d'Abondance (là)
Comme le titre l'indique, il s'agit d'une carte des 38 centres (vraisemblablement plutôt seulement des implantations et non des centres, voir commentaires) de Google dont 19 aux US et 12 en Europe. Le billet donne aussi quelques précisions supplémentaires. Extraits (trad JMS) :
Combien Google dépense pour ces centres de données ?
D'après les rapports d'activité de Google, ils ont dépensé 1,9Mds de USD pour les centres de données en 2006 et 2,4 Mds en 2007.
Google a annoncé quatre nouveaux projets de centre de données en 2007. Le coût estimé de chacun est de 600 M de USD, tout compris de la construction à l'équipement et aux ordinateurs.
Les critères de sélection du lieu d'implantation
- Grande capacité d'électricité bon marché.
- Énergie verte. Orienté sur des ressources renouvelables.
- Proche de lacs et rivières. Ils utilisent une grande quantité d'eau pour le refroisissement.
- Vaste terrain. Pour une meilleure sécurité et confidentialité.
- La distance des autres centres de données de Google (pour des connexions rapides entre centres).
- Facilités fiscales.
Vous avez dit nouvelle économie ? Capitalisme cognitif ? Allons donc, je crois qu'un patron des débuts de la «houille blanche» ou de la fin du XIXè siècle aurait trouvé très pertinents tous ces critères.
Actu du 5 mai 2008
Je n'avais pas repéré le livre de Nicholas Carr qui défend une thèse parallèle :
Carr N., The Big Switch: Rewiring the World, from Edison to Google, W. W. Norton, 2008. (présentation et extraits ici)
Repéré grâce à l'annonce de la conférence de Ch Fauré le 17 mai à Ars industrialis : Christian Fauré : La gigantomachie autour des data centers (là).
Actu du 18 mai 2008
La conférence de Christian Fauré est en ligne : ici
Commentaires
Désolé, mais les cartes mises en lien sont passablement trompeuses : elles recensent les adresses d'implantation Google, pas précisément des centres de données (Paris, Londres, ...).
Que je sache, il n'y a pas d'installation de refroidissement par eau, ni de racks de serveurs avenue de l'Opéra…
Ni à nombre des adresses mentionnées…
Intox, imprécision ou naïveté des auteurs de la “cartographie” ?
Pas très grave, tant qu'on ne mesure pas les conséquences sur les "analystes" qui vont conseiller des dirigeants d'entreprises sur l'état du marché et la concurrence.
Ça me rappelle le manque de sérieux d'un/de consultant(s) grassement stipendié(s), utilisés par un de mes précédents employeurs, qui confondai(en)t le chiffre d'affaire d'un conglomérat prospect potentiel, avec une de ses activités — qui plus est… revendue trois ans auparavant…
Un des éléments qui a permis de réduire la masse salariale de ladite multinationale d'un nombre d'employés de l'ordre de 70 000 à moins de 50 000 entre 2001 et 2005. Les actionnaires continuent à toucher des dividendes, merci, ça va à peu près pour eux. Aucun dirigeant ou auditeur n'a été inquiété quant à sa jugeote.
Bonjour Alain,
Vous avez raison, les cartes dans le billet en lien font vraisemblablement référence aux implantations de Google et non aux centres de données. J'aurai du être plus attentif.
Mais cela ne modifie pas le reste, les chiffres provenant des informations de la firme.
Pour les centres de données, des informations complémentaires sont accessibles ici :
www.datacenterknowledge.c...
Il y est indiqué 12 centres de données significatifs aux US avec 3 de plus en construction et au moins 5 en Europe et 2 en construction, ce qui parait plus réaliste.
La proximité des lacs et des rivières, comme critère de localisation des 'data centers'... Voilà qui pourrait mettre la puce à l'oreille et permettre de suspecter une expertise d'opérette. mais on en croise beaucoup sur le Web, c'est bien là, la "légèreté de l'immatériel", sans doute ;-)
Mais Jean-Michel, contrairement à la houille blanche, toutes ces infrastructure ne vaudraient pas un clou sans la performance des algorithmes qu'elles supportent et, concernant Google, sans l'originalité fondamentale de l'architecture globale, dont le secret est bien gardé.
@ Alain :
"Les experts ou l'art de se tromper" est un assez bon livre de FB Huyghe ;-) Concernant la cartographie des 'data centers', je n'ai pas vu d'indication plus précise que 'Paris'. À ma connaissance, le plateau de l'avenue de l'Opéra n'accueille que les équipes commerciales. Même pas de développeurs... Mais pourquoi n'y aurait-il pas de relais d'infrastructure ailleurs, quelquepart à Paris ? S'il existe (?) Google doit dépenser beaucoup d'énergie pour dissimuler sa localisation. Heureusement que la Seine n'est pas loin, pour assurer le refroisissement !
;-)
Bonjour Pierre,
Sans doute, l'expertise des développeurs est fondamentale, néanmoins la puissance de frappe l'est tout autant, pour deux raisons : la possibilité de traiter un très grand nombre de données rapidement, notamment pour balayer l'ensemble du Web et rafraichir les listes, et surtout la rapidité du temps de réponse essentielle pour fidéliser l'internaute. Cet avantage concurrentiel est souvent négligé. Croire que l'on pourrait tuer Google avec un nouvel algorithme génial, s'il existe, et une super-équipe d'ingénieurs est une vue de l'esprit. Il est indispensable d'y ajouter un énorme investissement en infrastructures. C'est d'ailleurs pourquoi les firmes comme Yahoo ou Microsoft (ou le mariage des deux) sont les mieux placées, malgré leurs pesanteurs respectives car elles ont l'infrastructure, semble-t-il.
Ainsi, je maintiens ma comparaison avec l'époque de la houille blanche, où, par ailleurs, les ingénieurs faisaient aussi preuve d'une grande inventivité dans les processus industriels.
Il serait intéressant d'avoir le point de vue d'Exalead, qui indexe aujourd'hui “8 095 721 656 pages”, ce qui les fait jouer dans la cour des grands… avec un CA sans commune mesure.
Bonjour Jean-Michel,
J'ai souvent souligné (dans les commentaires de ce blog et ailleurs) l'importance primordiale de la qualité d'interface de Google : son temps de réponse, sa sobriété graphique, entre autres. Ces critères sont, à mon avis, bien plus discriminants que les réglages epsilonesques du PageRank des différents moteurs. Et dans les temps de réponse, n'oublions pas le premier : celui de l'appel de la page d'accueil. C'est d'abord là que la différence est palpable, Google restant dans une logique de service là où ses principaux concurrents se perdent dans une logique de portail qui implique une page d'accueil 10 fois plus lourde en moyenne (approche pifométrique). Donc il n'est pas question pour moi de nier la performance de Google sur la rapidité.
Maintenant, rien ne permet d'affirmer que a puissance de feu matérielle de Google (son infrastructure hardware) soit supérieure à celle de ses concurrents. Voilà tout ce que je voulais souligner. La qualité des algorithmes et l'architecture originale de Google y sont sans doute pour beaucoup.
Du coup, contrairement à toi, je ne suis pas trop persuadé que le hard (la puissance de calcul installée) puisse constituer un véritable avantage concurrentiel, ni même une barrière à l'entrée d'un nouvel arrivant... D'ailleurs, Google n'est-il pas lui-même la preuve vivante du contraire : quand il est arrivé en 97/98, Altavista et Yahoo occupaient la terrain avec une infrastructure conséquente. La puissance de feu matérielle de Google a pu croître en raison de la qualité remarquable de ses algorithmes.
@ Pierre,
Sur ton dernier paragraphe, bien malin qui pourra trancher. Mais la situation n'est pas la même qu'il y a dix ans. Mon propos est justement de montrer qu'un Web-média s'est installé. Sans doute la puissance de calcul n'est pas la seule explication du positionnement de Google. Mais si elle n'était pas essentielle, alors pourquoi continuer à y investir ? Et si elle l'est, ces investissements constituent clairement une volonté de monter une barrière à l'entrée.
Quoi qu'il en soit, la stratégie est toujours aussi efficace :
investor.google.com/relea...
www.zorgloob.com/2008/04/...
Assurément, les algorithmes de Google tournent bien sur des ordinateurs, et non sur des moulins à vent ni même sur des bouliers ;-) Entretenir ces ressources matérielles a évidemment un cout, que la loi de Moore se charge d'ailleurs de réduire au fil du temps.
Je pense qu'il peut y avoir beaucoup d'intox de la part des communicants de la firme sur les sommes consacrées aux investissements hardware -- une vieille idée du capitalisme où les marchés financiers sont rassurés par les actifs tangibles, croit-on... Évidemment, ce n'est qu'un avis perso, un peu risqué. Mais quand je lis cette antienne indémodable depuis plusieurs années, sur la proximité des lacs et des rivières pour refroidir les bécanes, ça renforcerait plutôt mon jugement.
Je suppose d'ailleurs que l'effort de Google pour alimenter ses 'moulins' en énergies renouvelables doit peser pour beaucoup dans l'addition. Couvrir le toit d'un hangar en cellules photovoltaïques n'est pas donné. Et ce type d'investissement me semble plus profitable à l'image de la firme (et au delà, à son impact y compris sur les marchés financiers) que les tera-octets et les gigahertz sous le capot des bécanes qu'il fauidra changer dans 18 mois, comme le font tous ses concurrents.
@ Pierre
Les chiffres provenant des rapports d'activité, il est peu probable qu'il s'agisse d'intox. La firme prendrait là un gros risque juridique.
Quels chiffres ?
JMS : Ceux indiqués dans le billet sur les dépenses pour et les coûts des centres de données
@JMS:
Je ne vois aucun 'rapport d'activité' de Google en citation ou en lien dans ce billet. Mais plutôt des citations de blogs de provenance indéterminée. Pourrais-tu préciser ?
Salut Pierre,
Il fallait aussi regarder les liens dans mes commentaires :-). Dans le 2 un lien sur le blogue qui synthétise les infos sur cette question. Dans le 7 un lien sur le dernier rapport d'activité de Google..
Ca tombe bien le blogue sur les centres de données vient de faire un point complet, montrant que les dépenses sur ce poste au premier trimestre 2008 n'ont jamais été aussi fortes. Tous les chiffres sont sortis des rapports d'activité que produit Google tous les trimestres :
www.datacenterknowledge.c...