Les livres fondateurs du père et de la mère de la « documentologie », ancêtre des sciences de l'information francophones sont accessibles sous format numérique.

Le livre de Paul Otlet est enfin accessible en ligne sur les archives institutionnelles de l'Université de Gand (Ghent en flamand), en Belgique bien sûr (avec un peu de patience : certificat de sécurité déficient, Pdf trop lourd. La numérisation est peu soignée, L'OCR y est totalement déficient). P. Otlet, en plus d'exposer en détail les méthodes de documentation et de classification, y avait entre autres prévu la convergence multimédia ou encore un réseau ressemblant étrangement au Web.

Paul Otlet, Traité de documentation. Le livre sur le livre. Théorie et pratique, Editiones Mundaneum. (Bruxelles: D. Van Keerberghen & fils, 1934), 432p. ici

Extrait de la conclusion, je rappelle que nous sommes en 1934, la radio telle que nous la connaissons vient de rencontrer un succès foudroyant, la télévision n'est qu'une utopie de laboratoire n'en est qu'à sa préhistoire comme média de masse (voir commentaires) :

De grands moyens sont devenus nécessaires et on doit noter les suivants : 1) la division plus grande du travail; 2) le travail en coopération; 3) l'établissement de centres d'informations spécialisés où l'on aura le droit de s'adresser pour toutes les questions spéciales; 4) la systématisation ou synthèse qui remplace des millions de détails par quelques centaines de lois ou propositions générales; 5) la mathématique qui fournit avec ses formules des moyens de condensation puissants; 6) la visualisation par le développement des moyens instructifs de représentation et notamment schématique; 7) le développement des machines intellectuelles; 8) le livre irradié fait pour la lecture pour tous soit par la lecture individuelle et l'audition d'un livre désiré, soit par la demande radiophonique de renseignements individuels; 9) la télévision, le livre, le document que sur demande on présentera à la lecture sur le téléviseur, soit pour tous, soit pour chacun. On peut imaginer, en attendant la télévision, des livres transcrits sur plaque phonographique a mettre sur débit constant, chaque livre aurait sa longueur d'ondes et serait rendu audible. p.430.

On lira aussi avec intérêt cet article de présentation du NYT :

Alex Wright, The Web Time Forgot, The New York Times, Juin 17, 2008, sec. Science, .

Par ailleurs, Laurent Martinet, traducteur de Suzanne Briet en anglais, vient de rendre accessible le traitement OCR de :

Suzanne Briet, Qu'est-ce que la documentation, EDIT. (Paris, 1951), 43p.

Le résultat est remarquable, il comprend une préface de mise en contexte de L. Martinet et les notes traduites de l'édition anglaise. Un petit regret : la perte de la pagination qui complique la référence des citations.

Outre les premières tentatives sérieuses de définition d'un document, on trouve chez S. Briet l'explication de la notion de « documentaliste » à la française, souvent mal connue des nord-Américains. Extrait (début de la partie intitulée : Une profession distincte) :

L'« homo documentator » est né des conditions nouvelles de la recherche et de la technique.

Alors que dans certains pays, comme la Grande-Bretagne, le métier d'archiviste est traité à bon droit de « profession nouvelle », les archives modernes s'apparentent de plus en plus étroitement aux centres de documentation proprement dits, comme Raganathan n'a pas manqué de le souligner. La plupart des actes administratifs sont distribués sous forme dactylographiée ou imprimée. La plupart des publications officielles prennent une forme périodique. Le dossier, la circulaire, le rapport se traitent comme des éléments documentaires, et non comme les livres d'une bibliothèque. Les bibliothègues, frustrées des formes les plus mobiles de la documentation imprimée, dactylographiée ou photographiée, etc, demeurent les distributeurs de la documentation du passé, mais voient leur échapper la recherche à tous ses stades pour ne retenir que l'exposé des faits acquis. Instruments majeurs de fixation et de conservation de la culture, les bibliothèques générales suivent avec un retard inévitable les progrès des connaissances et les progrès de la technique d'approche des documents. Les bibliothèques spécialisées sont plus près des centres de recherche, et la plupart d'entre elles tendent à se transformer en centres de documentation, avec ou sans l'appellation. Les « information » ou « intelligence officers » que l'on a vus se multiplier dans les centres industriels de Grande-Bretagne et des Etats-Unis, sont les cousins germains des « documentalistes » français. Formés ou non dans les écoles de bibliothécaires, ils sont issus des mêmes milieux culturels spécialisés que l'établissement dont ils font partie. Ils satisfont à toutes les exigences du credo d'après lequel le documentaliste: 1º est un spécialiste du fond, c'est-à-dire qu'il possède une spécialisation culturelle apparentée à celle de l'organisme qui l'emploie; - 2º connaît les techniques de la forme des documents et de leur traitement (choix, conservation, sélection, reproduction); - 3º a le respect du document dans son intégrité physique et in tellectuelle; - 4º est capable de procéder à une interprétation et à une sélection de valeur des documents dont il a la charge, en vue d'une distribution ou d'une synthèse documentaire. p.19.

Actu 10 août 2008

À titre de comparaison, on visionnera avec intérêt ce film de 10mn qui montre comment était perçu le métier de bibliothécaire aux États-Unis à l'époque de S. Briet. Il s'agit d'un film du gouvernement destiné aux étudiants.

Your Life Work: The Librarian, 1946, ici. (repéré par Bloggidoc)