Europeana.. Ooops
Par Jean-Michel Salaun le lundi 11 août 2008, 01:04 - Bibliothèques - Lien permanent
Pintiniblog (ici) attire l'attention sur un communiqué de presse de la commission européenne sur la bibliothèque européenne :
Bientôt une bibliothèque numérique pour l'Europe, IP/08/1255, Bruxelles, 11 août 2008 (là)
Extrait :
«La bibliothèque numérique européenne permettra à tous d'accéder facilement et rapidement, depuis leur pays d'origine ou depuis l'étranger, aux œuvres artistiques et littéraires européennes. Ainsi, un étudiant tchèque pourra consulter les ouvrages de la British Library sans aller à Londres, tout comme un amateur d'art irlandais pourra admirer la Joconde sans subir les files d'attente du Louvre», a expliqué Viviane Reding, membre de la Commission chargée de la société de l'information et des médias. «Toutefois, même si les États membres ont accompli des progrès considérables en direction de l'objectif consistant à rendre le contenu culturel disponible sur l'internet, des investissements publics et privés supplémentaires sont nécessaires pour accélérer la numérisation. Je souhaite qu'une bibliothèque numérique européenne, qui s'appellera Europeana et qui sera très riche en contenu puisse être ouverte au public avant la fin de l'année.»
On apprend dans le même communiqué que 60 M d'euros seront alloués à la numérisation et 50 M à l'amélioration de l'accès. Mais que :
Cependant, le coût total de la numérisation de cinq millions d'ouvrages provenant des bibliothèques européennes est déjà estimé aux alentours de 225 millions d'euros, sans compter les œuvres comme des tableaux ou des manuscrits.
Pour que le rêve d'une bibliothèque numérique européenne (Europeana) devienne réalité, il faut que les institutions nationales réalisent des investissements considérables. Or, jusqu'à présent, la plupart des pays n'affectent à la numérisation qu'un financement modeste et fragmenté.
Tout comme Pintiniblog, je ne suis pas sûr que l'on puisse être très optimiste. Pour le moment Europeana n'a fait fait la preuve de sa réussite. Loin de là !
Un démonstrateur a été construit à marche forcée sous la houlette de l'ancien président de la BNF (là).. pour être semble-t-il abandonné par son successeur.
Le comble ridicule est atteint par le clip de présentation du projet européen qui a repris le patronyme Europeana : The Boots video (ici), patchwork incompréhensible.. rythmé par la chanson These boots are made for walking.
Rappelons que cette chanson, qui a lancé l'éphémère starlette Nancy Sinatra (fille de son père Franck) en 1967, a rencontré à l'époque le succès pour deux raisons principales : elle a été considérée comme emblématique de la libération de la femme (sur un malentendu, car elle a été écrite au départ pour un homme) ; sa sortie a coïncidé avec une panne électrique massive sur le nord-est des USA (obligeant nombre de gens à laisser leur voiture et donc à marcher). Vraiment rien d'européen là dedans et une thématique peu en rapport avec le patrimoine, c'est le moins que l'on puisse dire (refrain : Ces bottes sont faites pour marcher et c'est exactement ce qu'elles vont faire / Un de ces jours ces bottes vont te piétiner, traduction de la chanson là) ! Et l'ultime détail qui tue : l'accent de la donzelle.. pas british, vraiment pas !
Quant au démonstrateur annoncé sur la même page (est-ce même que le précédent ?), il conduit à une page vide.
Avec de tels promoteurs, on peut être sérieusement inquiet sur l'avenir d'une bibliothèque numérique européenne..
Actu du 25 août 2008
Pour un point précis sur l'action de la Communauté en ce sens :
Le patrimoine culturel de l'Europe à portée de clic Progrès réalisés dans l'Union européenne en matière de numérisation et d'accessibilité en ligne du matériel culturel et de conservation numérique, COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS (Bruxelles: Commission des Communautés européennes, Août 11, 2008), ici.
Commentaires
Bonjour.
Cette impression d'amateurisme est corroborée par l'étude publiée récemment par la BNF: Europeana : rapport de bilan sur les usages et attentes des utilisateurs (bibnum.bnf.fr/usages/BnF_...).
A la lecture de ce texte, il apparaît de nombreuses et grossières erreurs d'ergonomie dans le prototype alors même que le sous traitant (la BNF) bénéficiait déjà d'un retour d'expérience de plus de 5 ans avec Gallica. Il est clair que la mise en oeuvre de projet européen de cette envergure n'est pas simple compte tenu du nombre de parties prennantes à des niveaux décisionnels très divers, mais tout de même...
A voir ces (semi-)échecs répetés, on deviendrait presque partisan du libéralisme le plus échevelé, à tout le moins d'un pragmatisme nord-américains bien compris. Au fait, y-a-t-il des québéquois dans l'affaire ?
Amicalement.
Merci Jean-Daniel pour cette intéressante référence, qui m'a inspiré un nouveau billet.
blogues.ebsi.umontreal.ca...
Les Québécois ne sont pas à ma connaissance impliqués dans Europeana, mais la BAnQ est une des principales chevilles ouvrières du Réseau francophone des bibliothèques nationales numériques qui vient d'être présenté cette semaine à Québec à l'occasion de l'IFLA, mais sera officiellement inauguré en octobre au Sommet de la francophonie qui aura lieu dans la même ville :
www.rfbnn.org/
La démarche est effectivement beaucoup plus pragmatique. Souhaitons-lui un futur plus riant que celui d'Europeana !