Un rapport canadien complète et nuance l'analyse de F. Benhamou rappelée au billet précédent :

Guiseppina D’Agostino, L’Utilisation équitable après l’affaire CCH (Patrimoine canadien, Juin 2007), ici. repéré par Culture Libre

Le rapport fait une comparaison entre l'évolution des systèmes d'utilisation équitable (fair use, fair dealing) du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada. Ajoutons que le rapport a un an et vient seulement d'être rendu public en plein été.. et qu'il ne doit pas vraiment conforter l'opinion très étriquée du gouvernement conservateur actuel en matière de culture. Extrait :

Les vraies différences reposent dans les préoccupations de politiques entretenues par les tribunaux de chaque pays. Au Canada, il est clair que le changement a pour objet de mieux défendre les droits des utilisateurs afin d’assurer un « équilibre » en matière de droit d’auteur. Toutefois, comme il a été souligné, il n’est pas du tout clair quelle est la place des créateurs à ce chapitre, et qui plus est, les créateurs sont trop souvent confondus avec les titulaires de droits. Et cela ne coïncide pas avec la réalité des pratiques en matière de droit d’auteur. Peut-être qu’au R.-U., où l’exploitation à des fins commerciales est au premier plan des préoccupations judiciaires, il est permis d’avancer que les intérêts des titulaires de droits sont prépondérants. Aux É.-U., la balance penche d’un côté à l’autre parmi les diverses parties prenantes. Au niveau inférieur, il est difficile de remédier à ces préoccupations en matière de politique avec certitude. Le meilleur remède pourrait être l’opinion publique (ce qui a fonctionné au Canada pour faire avancer les droits des utilisateurs) ainsi que le besoin de formuler des pratiques exemplaires correspondantes.

Mais revenons à F. Benhamou. L'extrait du rapport du CAE, cité dans le billet précédent , indiquait :

La fonction du droit d’auteur est d’empêcher ces comportements de « passagers clandestins » par la création d’un monopole de l’auteur (ou des ayants-droit) sur sa création. Telle est la fonction d’incitation à la création, à l’innovation, à la prise de risque du droit d’auteur. Mais ce monopole a un revers : il implique une moindre diffusion, puisqu’il établit un prix – éventuellement élevé – là où pouvait régner la gratuité ou la quasi-gratuité. Le mode de résolution de cette tension entre incitation et diffusion réside dans le caractère temporaire du droit conféré.

Sans doute telle est bien la fonction du droit d'auteur, mais il faut nuancer cette affirmation sur le caractère temporaire du droit comme seul mode de résolution de la tension. Elle est strictement exacte en France où la notion d'utilisation équitable est absente. Dans les pays où elle est implanté, cette dernière est une autre modalité de résolution de la tension. Aux US, certains ont pu même parler d'«industries du fair-use» (voir ici) et c'est sur cette base que Google se défend contre ceux qui l'attaque au nom de la propriété intellectuelle. La nuance on l'aura compris n'est pas anodine, elle est une des clés du succès de la Silicon Valley.

Pour aller plus loin, sur la comparaison US/France :

Alain Marter et Jean-Michel Salaün, “Propriété intellectuelle et bibliothèques françaises : Leçons américaines et opportunités européennes,” BBF, no. 3 (1998): 12-16. ici

Sur les procès faits à Google :

Jérome Constant, Denis Madelaine, et Carine Sébast, Les rapports de Google avec la justice, Synthèse documentaire (Paris: INTD-CNAM, Mai 20, 2008), .

Actu du 28 août 2008

Culture libre signale (ici) un article de Wired () sur un important jugement en Californie qui indique qu'avant d'intenter des poursuites concernant un site de partage de vidéos un plaignant doit s'informer des droits de l'usager (fairuse).

Complément du 30 août 2008

Pour le point de vue européen sur les exceptions au droit d'auteur, on pourra consulter le Livre vert récemment publié :

Livre Vert - Le droit d'auteur dans l'économie de la connaissance (Bruxelles: Commission des Communautés européennes, juillet 16, 2008), ici.

Celui-ci fait l'objet d'une consultation jusqu'au 30 novembre.