Ce billet fait suite à une question sur le forum des étudiants à propos de la sortie récente du téléphone cellulaire de Google. La comparaison entre les stratégies de Apple et de Google sur le téléphone 3G interroge en effet tout particulièrement l'articulation entre les industries de contenant et de contenu analysée dans les cours 2 et 3 (ici). Voici quelques réflexions rapides à ce sujet.

Apple, diapositive 27, est une entreprise qui vend du contenant, des micro-ordinateurs d’abord, plus récemment des baladeurs numériques (c'est-à-dire l’entrée de l’informatique dans ce créneau) et enfin tout dernièrement des téléphones cellulaires (idem). Les incursions dans le domaine du contenu visent à fidéliser, «verrouiller» les utilisateurs sur le matériel de Apple en les accrochant au matériel par des niches ou des services haut-de-gamme. Mais la rentabilité de Apple vient d’abord et très massivement de la vente de matériel.

Nous avons vu le développement explosif du téléphone cellulaire (diapo 12). Nul doute que demain, et demain sur le net est déjà aujourd'hui, le téléphone 3G deviendra un terminal pour l’internet et sans doute avec le développement du Cloud Computing pour toute une série de services bureautiques. Ainsi Apple a pris place, avec son savoir faire spectaculaire en design, sur un marché qui s'étend aussi sur son créneau principal : le micro-ordinateur. Il a pour cela appliqué la même stratégie qui lui a précédemment réussie : un service semblable, mais sensiblement amélioré et légèrement décalé pour verrouiller l’utilisateur (un propriétaire de Mac, de iPod ou de iPhone a droit, lui seul, aux services de Apple, même si progressivement les appareils s’ouvrent à d’autres applications). Pour les développements de la stratégie de Apple sur le iPhone voir par exemple ici,

Google applique la même stratégie de verrouillage, mais en l’inversant. Google n’est pas impliquée dans l’industrie du contenant et il est peu probable qu'il s'y implique. Son objectif est de capter l’internaute, de le «verrouiller» lui-aussi par des services haut de gamme sur ses sites ou sur des sites qui lui sont affiliés, mais pour revendre son attention à des annonceurs. La force de Google n’est pas dans sa capacité d’innovation et de production de matériels comme Apple, mais dans sa capacité d’innovation et de puissance de calcul documentaire avec notamment ses énormes data-centers.

Tout comme pour Apple, pour les mêmes raisons mais avec une perspective inversée, le marché du téléphone cellulaire est important pour Google, car comme vecteur d’accès au web il est un support potentiel de publicité, support qui pourrait lui échapper notamment au profit des opérateurs de télécom. Google n’est pas vraiment impliqué dans la vente de ces appareils qu’il labellise en quelque sorte. On peut penser que l’objectif de la firme est d’éviter que le développement du cellulaire 3G conduise à des situations dominantes en amont d’acteurs (comme Apple ou les opérateurs de télécom) avec lesquelles elle serait obligée de négocier, c'est-à-dire de partager une partie de la valeur récoltée.

Deux marchés très importants en effet restent encore incertains sur le web : un grand-public, celui de l’audiovisuel, dont nous savons maintenant qu'il constitue le principal marché du contenu diapo 25 et la bataille à venir diapo 35 (mais YouTube est très déficitaire et Apple via le iPhone, du fait de l’expérience acquise dans iTunes n’a pas caché ses ambitions sur la distribution de l’image) ; un autre plus professionnel, celui de la bureautique intelligente dont nous savons qu'il s'agit de l'avancement de l'histoire de l'informatique documentaire, diapo 34 (ici c’est Google qui ne cache pas ses ambitions de proposer des services décentralisés, concurrençant les OS des micro-ordinateurs).Pour la stratégie de Google sur ce créneau, voir par exemple .

Ainsi l’une et l’autre firmes se trouvent en concurrence sur ou à propos de la vente de téléphones cellulaires. Chacune utilise la dynamique des développeurs indépendants en ouvrant, relativement, ses applications. Mais les enjeux sont bien différents pour chacun, correspondants chaque fois au cœur de leur métier.