Suite à mon dernier billet (ici), plusieurs commentateurs ont fait des suggestions pour la mise en ligne de la conférence de Hervé Le Crosnier. Je voudrais d'abord les remercier, leur indiquer que le service informatique de l'EBSI avait déjà étudié ces possibilités, et aussi les rassurer. La conférence est, en effet, maintenant en ligne et vous pouvez la consulter :

Hervé Le Crosnier Web-Documents, réseaux sociaux et extraction sémantique : de la conversation à la bibliothèque, conférence donnée à l'école de bibliothéconomie et des sciences de l'information le 11 septembre 2008 ici. (message perso aux étudiants du cours : ne vous précipitez pas sur le visionnement, il est au programme dans 15 jours..)

En réalité le problème n'était pas tant de trouver une alternative externe pour diffuser la conférence, il en a plusieurs en effet, que de s'interroger sur l'opportunité et les conséquences d'un tel choix. Ce petit épisode nous a fait bien réfléchir. Et je crois qu'il y a deux dimensions à la réponse, une politique ou stratégique et une autre tactique.

La première a été soulignée par le commentaire de Hervé au billet précédent. Les universités (individuellement ou en coopération) doivent-elles abandonner la maitrise de la diffusion des savoirs ? À la réflexion, cette question est relative. On n'a pas attendu le numérique, loin de là, pour confier cette diffusion à des opérateurs privés, à commencer par les éditeurs de livres, qui mutadis mutandis ne font pas vraiment dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'accès ouvert. Pourquoi en serait-il différemment sur un autre support ? Sans doute, la problématique est plus profonde, parce que les positions industrielles sont très puissantes et parce qu'elle dépasse la simple diffusion. Mais, il s'agit alors de bien autre chose que la question première de la mise en ligne d'une conférence.

La seconde dimension est plus tactique et, dans ce cas précis pour moi au moins, plus intéressante. Aller à la facilité en externalisant la diffusion de la conférence, c'est ne pas réfléchir à la réalité de notre objectif. Il ne s'agit pas de maitriser le système de diffusion, mais de maitriser la relation avec notre cible ou le contact avec ceux qui vont visionner la conférence. Déposer la vidéo sur YouTube, par exemple, aurait sûrement fortement élargi son audience, mais est-ce vraiment ce que nous souhaitons ? Pas sûr. Il est parfois préférable de toucher un auditoire plus restreint pour être mieux compris et mieux entendu. Il est aussi préférable de garder le lien étroit entre l'EBSI et la conférence. Nous ne cherchons pas à rivaliser avec les médias de masse, chacun sa mission. Nous n'avons pas non plus les moyens de gérer une trop large notoriété.

J'ai un peu la même attitude avec ce blogue. Sans doute je suis content s'il a du succès et s'il est lu en particulier par des lecteurs que je ne connais pas ou pas encore, mais pas trop. Je préfère un lectorat quantitativement modeste, mais de qualité. Je ne serai pas capable de gérer un vaste auditoire et la parole débridée qui l'accompagne. C'est pourquoi je reste très parcimonieux sur les référencements. Je n'ai pas dans les bandeaux de tous côtés toute la quincaillerie des blogueurs geeks, je ne suis pas sur les réseaux sociaux, ni abonné à twitter, etc.

C'est tout le paradoxe de proposer des documents «dans le ciel» comme dirait S. Harnad. Tout le monde peut les lire. Mais ici l'objectif n'est pas que tout le monde les lise, mais plutôt que les quelques individus dispersés, peut-être inconnus, intéressants et intéressés à ces sujets, puissent les lire et qu'ainsi ils entrent en contact avec nous. Alors, je crois qu'il est plus efficace de garder la maîtrise de ces outils, même si l'on se prive d'une expérimentation des soubresauts du Web2.0.

H. Simon parle des limites de l'attention. Celles-ci valent dans les deux sens, pour le destinataire, mais aussi pour l'émetteur. Et je crois que la meilleure politique, c'est de connaitre ses limites pour exploiter au mieux ses potentialités. C'est plus difficile quand apparemment les barrières tombent.

Belle mise en abîme en tous cas avec le sujet de la conférence de Hervé !