Google it!
Par Jean-Michel Salaun le mardi 28 octobre 2008, 19:19 - Cours - Lien permanent
Ce billet a été rédigé par Elena-Daniela Mihu, étudiante de l'École de bibliothéconomie et de sciences de l'information dans le cadre du cours Économie du document. Il vient compléter mon précédent billet.
Google est devenu le moteur de recherche par excellence qui offre ses services gratuitement à tous ses utilisateurs. C’est au moins ce que la plupart des internautes pensent. Les frais versés au fournisseur afin d’avoir l’accès à Internet ainsi que les frais d’électricité sont connus par tout le monde et il n’y a pas de doute sur cette question. Qu’est-ce qui se passe une fois que l’internaute est rendu sur la toile? L’accès devient-il illimité et gratuit ? Oui, l’utilisateur peut accéder à toutes les pages livrées par sa recherche sans rien payer, enfin pas immédiatement…
Google est une compagnie qui s’est spécialisée dans la recherche, celle-ci représentant actuellement la fonction la plus utile sur Internet. Dès son début les dirigeants ont su que « plus c’est utilisé, plus c’est utile » et plus ça rapporte. Olivier Bomsel (Itw) précise, dans son livre intitulé Gratuit! Du déploiement de l’économie numérique (2007, France : Éditions Gallimard Collection Folio Actuel), que Google, en adoptant une utilité principale comme la recherche, ne fait que maîtriser les effets de réseau en s’assurant une position de leader sur les marchés. Il est très évident que leur recette est gagnante, fait qui est aussi soutenu à chaque année par le rapport annuel de l’entreprise, reproduit et interprété sur le site de Znet.
Le succès de Google repose sur deux éléments : un algorithme de recherche extrêmement efficace et une exploitation intelligente du fonctionnement des effets de réseau.
En quoi Google innove-t-il par rapport aux concurrents ? Google fait partie de la catégorie des marchés à deux versants ou à double face. On comprend par cela que la compagnie finance par la publicité les résultats de la recherche effectuée par l’utilisateur. Rien de nouveau jusqu’ici car le même modèle a été déjà utilisé par les journaux, les compagnies de cartes de crédit, etc. L’attention de ce type de marché est concentrée sur les deux acteurs : le lecteur et l’annonceur, autrement dit l’utilisateur et le commerçant.
Ce que Google apporte de nouveau, et qui explique son succès financier aussi, c’est l’implantation d’un marché publicitaire accessible à tous les annonceurs. Yahoo! propose également des services très variés et gratuits à ses utilisateurs mais c’est une plateforme dont les espaces publicitaires coûtent très cher aux annonceurs. Ce sont des espaces publicitaires réservés aux marques qui ont un certain pouvoir financier. Google exploite ce qu’on appelle CPC (coût par clic), une méthode dont la rémunération dépend du résultat de la recherche. Avec cette innovation Google gagne de son côté les petits annonceurs. Le plus important dans cette méthode n’est pas le pouvoir financier mais la qualité de l’annonce. Ceux qui réussissent à gagner l’attention du consommateur seront les plus avantagés. Ce système financier n’encourage pas les annonceurs payant le plus cher pour une annonce mais ceux qui arrivent à capter l’attention des utilisateurs. Google a gagné sa notoriété non seulement auprès de petits annonceurs mais aussi auprès des utilisateurs qui peuvent profiter d’un outil de qualité sans se faire envahir par les annonces publicitaires.
Je me demande si dans un avenir proche toute cette gratuité offerte avec autant de générosité pourrait nuire à l’utilisateur en suivant cette remarque d’Olivier Bomsel qui nous invite à réfléchir : Il n’y a pas de miracle. Rien n’est jamais gratuit. Soit d’autres paient pour vous, soit on paie pour autre chose, soit on paiera après. Mieux vaut explorer le mécanisme du gratuit avant de l’accepter. (ici)
Voir aussi :
Girard, Bernard. 2006. Une révolution du management : le modèle Google. France : Éditions M2.
Commentaires
Tout d'abord, merci pour ce billet !
Je m'interroge depuis longtemps sur les profits engrangés par Google. Je crois comprendre, dans ses grandes lignes, le modèle économique de base fondé sur l'attention et les liens établis entre les requêtes des usagers et les publicités affichées en parallèle des résultats. Ce qui me pose problème dans ce modèle (et je le dit très candidement) c'est justement l'efficacité de la chose. Je m'explique : je vois les chiffres et je constate les gains, années après années et pourtant, j'ai beau cherché autour de moi (ce qui est loin d'un sondage conduit avec méthode, je le conçois) je ne connais pas une seule personne qui clique sur les pubs.
Oui, c'est sans doute bête comme constat mais, paradoxalement, je pense que ma naïveté personnelle me fait rejoindre la remarque de Olivier Bomsel qui clos votre billet : il va bien falloir non seulement que quelqu'un paie, mais peut-être, finalement, que tout le monde paie pour ce service. À long terme, quand l'usage de Google sera devenu inextricable de notre mode de vie (et dieu sait si on s'approche rapidement de ce moment), on pourrait bien se réveiller avec un compte payable en écu sonnant issu des bureaux de Cupertino.
De plus, si je me fie aux données présentées dans la première ou la seconde séquence du cours de M. Salaün, l'écart entre la capitalisation boursière et les profits annoncés par Google est si important qu'il se peut bien que, dans un avenir rapproché, certains gestionnaires de portefeuilles se mettent à demander un plus grand retour sur leurs investissements. Dès lors, le modèle basé sur l'économie de l'attention tiendra-t-il le coup ?
Conclusion des discussions
Une entente annulée
Un document officiel émis par le Bureau de la Concurrence du Canada annonce que l'entente Google et Yahoo! est abandonnée. Le communiqué nous avise que l'entente « comportait des dispositions susceptibles de nuire particulièrement au Canada, dans la mesure où Google est un acteur encore plus important au Canada qu'aux Etats-Unis. » www.bureaudelaconcurrence...
Il paraît que cette entente inquiétait les annonceurs et les éditeurs du marché canadien.
Tel que mentionné déjà par mon collègue Jean-François, nous continuerons à être monopolisés par Google en nous assurant « la gratuité » de leurs services et cela sans affecter trop les annonceurs qui se sont opposés eux-mêmes à cette entente.
Il ne faut pas oublier que Google n'est pas juste un moteur de recherche, il offre aussi d'autres services (localisation via Google.Maps, des logiciels de bureautique via Google.Docs, etc.) et tous ces services sont des moyens pour créer de l'audience, du trafic qui sera ensuite vendue aux annonceurs.
Les rachats auxquels on assiste aujourd'hui de petites plateformes par les plus grandes ne représentent qu'un essai continuel de contrôler l'ensemble de l'accès au réseau.
Comme le mentionnait Marie-Christine, on espère que la fin de ce contrat aura un effet positif pour les utilisateurs. « La gratuité » ne sera jamais mise en jeu (car elle une importante source de revenus) mais les deux compagnies auront l'intérêt de proposer à leurs utilisateurs une meilleure qualité de leurs services.