Les commentaires d'un précédent billet sur une expérience de livre numérique inscriptible (ici) en sont restés à la question accessoire du titre anglais (Read/Write Book), que ses défenseurs justifiaient par une référence au code informatique. Ce dernier autoriserait des livres d'un genre nouveau et, pourrait-on dire, inédit, dont les principales caractéristiques originales seraient la possibilité d'intervenir sur le livre en modifiant son contenu (lire/écrire) et d'accéder à partir du livre à bien d'autres ressources (livre-réseau). Une petite histoire montrera que ces fonctionnalités ne sont pas réservées exclusivement au numérique et que l'intégrisme numérique peut faire parfois des dégats.

Suite à notre évaluation de l'année académique dernière à l'EBSI, nous avons décidé d'organiser une formation à l'utilisation des PowerPoints pour les professeurs. Elle a été menée tambour battant par un collègue d'une faculté voisine. Il nous a présenté en conclusion une réalisation pour laquelle il a obtenu un prix de pédagogie du ministère de l'Éducation. A priori rien d'original puisqu'il s'agit du polycopié de son cours, fourni sur un codex papier et sur Pdf aux étudiants. Mais celui-ci est inscriptible, des plages sont réservées pour des notes et des réponses des étudiants, et il autorise des liens avec des séquences Ppt sonorisés, des animations par exemple sur des courbes, des exercices et d'autres sources extérieures. Ainsi le professeur fait son cours en présentiel devant les étudiants qui prennent des notes et font les exercices directement sur le polycopié. Rentrés chez eux, ils disposent de la totalité du matériel du cours, personnalisés, y compris ses extensions en passant en ligne. Le fait d'avoir un codex n'est pas anodin, comme on va le voir.

Depuis l'année dernière, sa faculté, convertie à la modernité numérique, a décidé que l'ensemble du matériel pédagogique devrait être uniquement accessible sous format numérique. Le professeur a donc redécoupé en séquences et transformé son matériel pour ne plus fournir de papier aux étudiants. Mais dès la deuxième séance du cours, l'association des étudiants est arrivée avec une caisse comprenant les tirages papiers des fichiers, évidemment non reliés et en désordre pour les distribuer suite aux réclamations qu'elle avait reçues. Les étudiants trouvaient beaucoup plus confortables et sûr d'avoir un support papier pour suivre le cours. Après une vigoureuse protestation, le professeur qui ne manque pas d'énergie a pu revenir au codex originel. Il n'a pas pour autant renoncé au numérique qu'il manipule avec dextérité comme il nous en largement a fait la démonstration au cours de la formation.

Je crois qu'il faut se méfier des excès. Reconnaître les vertus du codex n'efface pas celles du numérique et vice-versa. Si le papier a des limites, le numérique a les siennes. Les meilleures réalisations sont celles qui savent utiliser au mieux les performances des différents supports.