Éco, Bouvard et Pécuchet
Par Jean-Michel Salaun le lundi 12 octobre 2009, 08:50 - Sémio - Lien permanent
Interview de Umberto Eco dans Télérama, délicieux et parfaitement en phase avec ce blogue.
Umberto Eco : Le livre est une invention aussi indépassable que la roue ou le marteau , Télérama, Octobre 11, 2009, ici.
Morceaux choisis :
Robinson Crusoé sur son île aurait eu de quoi lire pendant trente ans avec une bible de Gutenberg. Si elle avait été numérisée dans un e-book, il en aurait profité pendant les trois heures d'autonomie de sa batterie. Vous pouvez jeter un livre du cinquième étage, vous le retrouverez plus ou moins complet en bas. Si vous jetez un e-book, il sera à coup sûr détruit. Nous pouvons encore aujourd'hui lire des livres vieux de cinq cents ans. En revanche, nous n'avons aucune preuve scientifique que le livre électronique puisse durer au-delà de trois ou quatre ans. En tout cas, il est raisonnable de douter, compte tenu de la nature de ses matériaux, qu'il conserve la même intensité magnétique pendant cinq cents ans. Le livre, c'est une invention aussi indépassable que la roue, le marteau ou la cuiller.
L'homme d'Internet est un homme de Gutenberg parce qu'il est obligé de lire, énormément. Ce qu'a révolutionné l'imprimerie, c'est la diffusion de l'écrit. Internet aussi. Les gens lisent, et probablement plus vite que leurs ancêtres. Ils passent d'un sujet à l'autre. Selon moi, Internet encourage la lecture de livres parce qu'il augmente la curiosité. Des statistiques ont démontré que ceux qui regardent beaucoup la télévision (mais raisonnablement), qui surfent beaucoup sur Internet (mais pas au point de passer leurs nuits sur des sites pornos), sont aussi ceux qui lisent le plus.
Revendiquer sa propre encyclopédie est typique de la bêtise ! La culture est là justement pour empêcher les Bouvard et Pécuchet de triompher.
Commentaires
Bientôt 10 ans que je radote la même chose.
Mais puisque Umberto le dit aussi, on va bien finir par le croire :)
Cela dit, pour moi, l'homme d'Internet est un homme de Gutenberg pour une autre raison fondamentale, c'est qu'il passe son temps face à son clavier, une sorte de casse numérique à caractères ultra-(hyper)-mobiles.