Narvic propose un billet plus impressionniste que démonstratif mais stimulant intitulé Web de flux contre Web de fond (Novövision 2, 10 oct 2009, ici) dont il introduit ainsi le propos :

Nous sommes en train de passer insensiblement sur le web d’un modèle dominant de diffusion de l’information à un autre. Du « modèle Google », construit autour d’un « web de fond » et de l’analyse algorithmique de la popularité des contenus, à un « modèle Twitter », construit autour d’un « web de flux » et de la recommandation sociale des contenus selon la réputation du prescripteur.

Le web de fond intéresse, selon l'auteur du billet, directement les professionnels de l'information et cette présentation résonnera agréablement aux oreilles des ebsiens :

Ce « web de fond » tient l’une de ses particularités d’ailleurs de ses allers-retours permanents entre l’actualité et l’archive, la documentation, les données... J’aime bien l’image proposée sur ce thème par Nicolas Vanbremeersch dans son livre, l’image des « trois webs ». L’un d’entre eux est précisément pour lui ce web de l’archive, un web qui resterait statique, totalement inanimé, si des blogueurs, documentalistes, experts ou journalistes, ne participaient à son « animation », en plongeant à l’intérieur pour faire remonter à la surface des liens vers les contenus profonds.

Mais le Web de flux séduirait de plus en plus certains d'entre les spécialistes de l'information d'après toujours Narvic :

Il est très symptomatique, à mon avis, que Twitter séduise aujourd’hui avant tout des spécialistes de l’information sur le net, c’est à dire - en gros - des blogueurs « techno » et des journalistes, et que l’usage principal qu’ils en font, c’est de diffuser des liens vers des billets dont ils recommandent la lecture.

Et il remarque la déconnexion, par exemple, entre la pratique du blogue et celle de Twitter. Ainsi, un écart de plus en plus manifeste se creuserait entre les deux dynamiques, celle du Web de fond et celle du Web de flux, qui sont supportées non seulement par des pratiques différentes, mais aussi par des sociétés commerciales différentes.

Mais pour reprendre la thématique de ce blogue, rappelons qu'il y a un abîme entre les rentrées financières de Google et celles des concurrents qui développent selon Narvic le Web de flux (Twitter, FaceBook..). Restons donc prudent face au flux éphémère, non parce qu'il est inefficace, moins sérieux, ou se renouvelle sans cesse, mais parce qu'il n'a pas de base économique. Bien des services vedettes du Web ont déjà été oubliés par le passé..

Pour ma part, je continue de croire au travail de fond. Celui qui est supporté notamment par des experts, et je crois même, contrairement à bien des sirènes post-modernes, à leur chance renouvelée. Ce billet d'A Kluth sur sa pratique d'information (ici), repéré par Pisani () me conforte dans cette idée :

Conclusion d'A Kluth (trad JMS):

Ce que j'ai découvert en observant ma propre pratique des médias, c'est que je suis aujourd'hui bien mieux informé que je ne l'ai jamais été. Mais que bien des informations que je consulte ne viennent plus des journalistes.

Elles viennent aujourd'hui en beaucoup plus grand nombre des universités, des groupes d'experts (think tanks) sur mon fil RSS et iTunes de l'Université, de scientifiques et de penseurs et experts à des conférences comme TED, et de vous, qui vous êtes un groupe auto-sélectionné et donc qualifié d'éditeurs.