Les "digital natives", menace ou opportunité ?
Par Jean-Michel Salaun le dimanche 07 mars 2010, 07:24 - Cours - Lien permanent
Ce billet a été rédigé par Iris Buunk dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.
Imaginons le scénario catastrophe. Nous sommes en 2030, et les bibliothèques ferment les unes après les autres. Les jeunes générations ont délaissé ces institutions qu'ils considèrent trop éloignées de leurs intérêts et de leurs besoins. Les derniers usagers qui restent encore fidèles à ces anciens temples du savoir, sont les personnes âgées de la 3e génération, beaucoup plus nombreuses aujourd'hui comme l'avaient prédit les statistiques des années 2000. Les gouvernements devant continuer à faire face aux conséquences économiques des crises financières antécédentes, décident de ne plus subventionner les bibliothèques, trop coûteuses, estimant que les animations culturelles peuvent très bien être prises en charge par les maisons pour personnes âgées. Quant aux jeunes, ils se retrouvent entre eux, à la maison, à l'école ou dehors, puisqu'ils savent facilement accéder à toute l'information dont ils ont besoin, sans aucune contrainte, et sans aucune aide.
Sans vouloir m'attribuer des talents de scénariste, je pense néanmoins que ce type de vision est plutôt digne d'un film hollywoodien qui n'a, à mon avis et heureusement, rien à voir avec ce que le futur nous réserve. Faut-il pour autant s'empêcher de se questionner sur l'évolution des publics qui fréquentent les bibliothèques ? Non évidemment. Au contraire, cette réflexion est nécessaire, et le sera toujours. Mais de qui parle-t-on au juste ? Et l'existence des bibliothèques est-elle réellement remise en cause ?
Cela fait plusieurs années que l'on entend parler des digital natives, aussi communément appelés "génération Y" (pour les distinguer de la "génération X"). Un sujet qui est particulièrement relaté tant dans la littérature académique (sciences de l'information ou de l'éducation), que dans les médias, mais également abondamment commenté dans la blogosphère, surtout suite à la publication du désormais célèbre "Born digital" de John Palfrey, professeur à l'Université de Havard, ou encore aux interventions de Marc Prensky.
Une génération donc qui concerne les jeunes nés dès les années '80 (du moins dans les pays technologiquement développés) avec un ordinateur à la maison, et qui ont acquis presque naturellement, une aisance avec les outils technologiques, qu'ils ont pour la plupart hérités des baby-boomers. Souvent impatients, ils ont la faculté de pouvoir effectuer plusieurs tâches en même temps (multi-tasking), sans que cela nuise à leur concentration. De plus en plus, ils reçoivent une éducation interactive basée sur la résolution collaborative de problèmes, et l'enseignement en ligne est un style d'apprentissage qu'ils privilégient. En résumé, on peut donc décrire les digital natives comme étant des individus presque toujours connectés, particulièrement sur des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, sms, Internet), s'adaptant facilement aux changements et à toute nouvelle technologie, aimant travailler, réfléchir et créer en équipe, et en appréciant la mobilité. Ils aiment l'interactivité et l'apprentissage, du moment que ce dernier n'est pas confiné à un lieu fixe.
En quoi est-ce que ces attributs viendraient-ils menacer, ou plutôt remettre en question les services et les espaces que les bibliothèques "classiques" peuvent offrir ? Les bibliothèques, du moins publiques, ne jouent-elles pas un rôle de lien social en offrant un espace d'apprentissage et de loisirs ? Le fait d'être autant connectés "en ligne" se ferait-il au détriment des contacts directs ? Selon Sylvie Octobre, la prééminence des technologies ne sonne pas (…) le glas de leur intérêt pour les autres pans de la culture. (…) Les jeunes générations figurent ainsi parmi les plus connaisseurs des musées, des bibliothèques et médiathèques, ainsi que des lieux de spectacle vivant. (Ainsi), la loi du cumul se vérifie malgré les mutations opérées par le numérique.
J'aime imaginer alors, que les services ne vont pas disparaître ou s'exclure mais se compléter et s'enrichir, intégrant ainsi autant des espaces qui mettent à disposition des outils technologiques, permettant des échanges vivants et collaboratifs, tout comme des endroits réservés à l'étude en silence. Une architecture adaptée en conséquence, et des bibliothécaires qui ajoutent à leur panoplie de compétences, des qualités de tuteurs, pour guider les digital natives à savoir se repérer dans le monde de l'information numérique, certes merveilleux mais parfois embrouillant , malgré leur aisance technologique. Peut-être qu'une nouvelle forme d'Information literacy est en cours, que l'on pourrait renommer comme le suggère Neil Selwyn digital media literacy.
Alors, est-ce que l'arrivée des digital natives ne serait justement pas une magnifique opportunité pour les bibliothèques de se renouveler, afin d'accueillir ce public en devenir ?
Je laisse les lecteurs sur cette question, en sollicitant leurs commentaires.
Commentaires
Bonjour Iris,
Je ne crois pas, moi non plus, que ce changement de génération sonne le glas des bibliothèques. Je travaille actuellement à la bibliothèque du cégep de Saint-Laurent et mon expérience sur le terrain tend à me prouver le contraire! Durant la dernière année, la bibliothèque a subi d'importantes rénovations grâce auxquelles nous avons pu multiplier les espaces de travail. L'Internet sans-fil a été installé et la bibliothèque fait maintenant aussi le prêt d'ordinateurs portables. D'après nos statistiques, depuis ces rénovations, la fréquentation de nos locaux ne cesse de grandir. Les besoins informationnels demeurent grands chez les "digital natives", la seule chose qui change, c'est la méthode avec laquelle ils accèdent à l'information.
Aussi, comme le montre ce billet (http://www.paperblog.fr/2531730/le-...), la bibliothèque devient de plus en plus nécessaire dans l'univers numérique, puisqu'elle joue le rôle de filtre entre les données indifférenciées qui se retrouvent sur l'Internet et l'usager qui a besoin d'une information fiable.
Alors relisons ce scénario catastrophe.
Nous sommes donc en 2030, les digital natives seraient nés en 1980.
Ce qui leur donne 50 ans ! ;-)
Le créneau me semble déjà mal engagé pour pronostiquer que les cinquantenaires en 2030 sont des digital natives.
Ceux qui naissent avec un portable à la main ont tout au plus dix ans.
Ce qui fera d'eux des digital natives de trente ans en 2030.
Autres points intéressants à noter... les "gouvernements" (???) ne subventionnent plus les bibliothèques.
Les gouvernements subventionnent quelles bibliothèques exactement ?
Quelques bibliothèques nationales ?
J'aimerais bien savoir, si même au Canada, ce ne sont pas les impôts locaux qui financent les bibliothèques locales et le personnel local. Bibliothèques, ô combien plus nombreuses que les nationales ou de région.
Utiliser les biais des crises financières pour ne plus financer les bibliothèques me paraît aussi simpliste. Mais c'est un point de détail par rapport aux "gouvernements".
Disons plutôt qu'un scénario réaliste aboutira à ce qui suit.
En 2020, la fin du pétrole se dessine. Avec la fin du pétrole, et la fin des centrales thermiques, il devient nécessaire de faire des économies d'énergie à toutes les échelles, ce qui ramène au goût du jour le livre papier qui ne demande aucune énergie à l'utilisation
:-)
Je plaisante.
Presque.
Le tout technologique est très beau dans un monde où l'énergie est inépuisable.
On pourrait poursuivre le scénario en disant. Perdus dans leurs univers numériques, dorénavant inaccessibles, les digital natives ne savent plus quoi faire de leurs appareils inertes. Et pédaler une heure pour discuter trente secondes les épuisent. Il se tourne alors vers les bibliothèques de livres... qui ont malheureusement disparu (d'après le scénario original). Ils partent alors à l'assaut des bibliothèques pour troisième âge, où l'on trouve encore quelques bibliothécaires pas tout à fait séniles.
Ce retour des jeunes générations dans les maisons de retraite (fort nombreuses en 2030) crée une synergie entre les générations qui (ré)apprennent qu'une personne âgée est un livre à elle toute seule... et redécouvre Farenheit 451.
Mais reprenons par le début ce scénario hollywoodien pour en revenir aux vraies questions.
Supposons cette disparition... ou plutôt translation culturelle vers les "vieilles" générations (qui utiliseraient plus les temples du savoir ? Avec quelles statistiques à l'appui ? Y a-t-il un soudain afflux des personnes âgées dans les bibliothèques canadiennes pour étayer cette supposition ? :-) )
... donc vieilles générations isolées dans leurs maisons pour personnes âgées.
Qui auraient alors seules (?) le droit aux animations culturelles ?
Bizarre, mais j'ai quand même l'impression, là encore, que les animations culturelles attirent autant les jeunes que les anciens... ou les adultes ! (Quelques statistiques seraient de nouveau bienvenues pour argumenter cette hypothèse)
Ce qui intéressant, encore, c'est de croire que les digital natives sont "à la maison, à l'école" de manière quasi exclusive... et enfin dehors !
Car ils savent accéder à toute l'information dont ils ont besoin. Sans aucune contrainte... (hum, si la contrainte : c'est les parents qui financent. Mince alors leur accès est limité aux salaires de leurs parents ! :-))
Et sans aucune aide... sauf pour le langage et l'orthographe ?
Cherchons donc quelque chose en langage SMS sur Google, style : I luv lib
http://iluvmylibrary.blogspot.com/
Zut, un truc conçu par des bibliothécaires, et en plus il faut savoir lire du langage de "vieux"!
(on voit déjà l'utilité d'avoir un vieux bibliothécaires avec un esprit assez jeune pour comprendre le langage SMS et le transcrire pour la machine et accéder, ainsi, à la "culture ancienne", en réalité exactement ce que nous appelons la "Culture" avec un grand C : le passé Culturel qui donne sens au "re"nouveau culturel.)
Là, je comprends mieux pourquoi vous avez relégué la Culture aux maisons des anciens.
Ne pas connaître le langage des anciens, c'est ne plus avoir accès à la Culture, donc ne plus avoir de Culture du tout.
Sauf que les digital natives sont moins acculturés qu'on ne le pense, puisqu'ils jouent de cette ancienne culture pour la mixer, la dévier, la réutiliser à leur convenance.
Où trouveront-ils cette matière ? (Neuve pour eux)
Dans des bibliothèques... ou ce qui en tiendra lieu : soit des zones de stockages de données. De données "culturelles" préservées pour un usage ou un autre. Qu'il faudra bien ranger d'une certaine façon, pour accélérer les recherches ou pour permettre à des gens ne connaissant pas le langage (l'orthographe juste) d'y accéder. Quitte à utiliser des tags SMS.
Ce qui suppose quand même des gens pour effectuer ces "conversions" de langage vs information.
Pour "accélérer les recherches"... car le temps c'est de l'argent, et la perte de temps, c'est surtout de la frustration. Très dommageable chez les gens impatients ! ;-)
Là, de nouveau, ouvrons le livre des statistiques : combien de jeunes viennent vous dire qu'ils ne trouvent rien sur Internet ?
Combien sont capables de déborder le cadre du classique "Wikipedia" + quelques ressources basiques ?... sans appeler papa et maman à la rescousse pour avoir mieux ?
Ce qui interpelle, direct, sur le "avoir accès" contre être "capable d'utiliser".
Tout le monde a accès aux cotations boursières, combien sont capables de les utiliser comme il faut, pour en tirer bénéfice ?
Bien peu.
Il vaut mieux passer par des conseillers boursiers.
Comme demain, il faudra passer par des conseillers en information.
Qu'ils soient bibliothécaires ou avec un autre nom, importe peu. La fonction va demeurer.
C'est un premier point de réponse.
"De plus en plus, ils reçoivent une éducation interactive basée sur la résolution collaborative de problèmes, et l'enseignement en ligne est un style d'apprentissage qu'ils privilégient."
Là, j'aimerais vraiment savoir si c'est le cas au Canada.
Car en France, ce n'est pas le cas.
Mais je vous concède volontiers que les digital natives vont utiliser la résolution collaborative avec leurs amis (une sorte d'enseignement en ligne, que n'aurait pas renié Célestin Freinet), leurs amis où ceux qu'ils suivent.
Sauf que là, il faudra bien avoir - quelque part - des gens qui savent.
Des gens qui se passionneront pour la recherche d'informations, pour le dénichage d'une ressource particulière (enfouie dans les strates de la culture ou de la connaissance), tels des archéologues du savoir ou de l'information.
Comme par hasard, c'est exactement ce que réalisaient les bibliothécaires d'Alexandrie, parcourant sans cesse le monde à la recherche de données informationnelles... pour les mettre à disposition des savants de leur époque. Des savants ou de ceux qui veulent avoir accès à la connaissance, sans aller eux-mêmes à la quête du graal informationnel.
De nouveau la fonction "bibliothécaire" va perdurer.
La fonction ou les services, c'est pareil.
Et si l'accès était si facile, les gamins nous guideraient déjà, nous les vieux croûtons, dans les méandres de l'information. (Sauf que le sujet est biaisé, puisque ce sont, nous, les vieux croûtons, qui codont l'information... avec notre langage ! Tricherie classique des anciens par rapport aux nouveaux. Moi je maîtrise, toi tu t'adaptes ou tu n'as pas accès.)
Et combien sont capables de montrer une partie du chemin vers ce langage, en adaptant les lectures au niveau de progression des personnes, des enfants ?
A défaut de montrer, au moins de conseiller...
Peu.
Ils s'appellent professeurs (qui sanctionnent à coup de notes) ou bibliothécaires (qui donnent des pistes à ceux qui le souhaitent)
Maintenant, penchons-nous sur le bâtiment bibliothèque.
Si tous les livres/documents sont dématérialisés, le bâtiment n'a plus de raison d'être, sauf comme lieu de réunion.
Vous supposez que les digital natives n'ont plus besoin de tels lieux. Alors poussons le raisonnement plus loin.
Apprenant à distance, il n'y a plus besoin d'écoles physiques, donc plus besoin de transports scolaires.
Plus besoin non plus de bureau, chacun doit/devrait pouvoir travailler de chez soi, ou porter son "bureau" sur lui (= être capable de se connecter à son bureau à volonté).
Donc une baisse flagrante des transports en commun.
Plus besoin de lieux où se réunir : théâtre, cinéma.
Normalement, on doit pouvoir se réunir virtuellement pour accéder à une ressource multimédia. Quitte à la partager en ligne.
Restera les stades (lieux de confrontation physique par excellence) et toutes les arènes sportives où les sports d'équipes seront longs (voire même impossibles) à dématérialiser.
Gardera-t-on les arènes politiques ?
C'est une autre histoire ! :-)
Bref, des économies, on peut en réaliser partout... mais on sait bien qu'une pièce jouée dans un théâtre, un morceau de musique écouté dans un auditorium (des endroits créés spécialement pour que les effets soient magnifiés), ça n'a rien de comparable avec une retransmission audio-visuelle... sauf à posséder un excellent matériel personnel !
La bibliothèque physique deviendra-t-elle un lieu unique de lecture ?
Un lieu spécialement conçu pour lire, ou écouter lire, ou partager le lire ?
Pour l'instant, ce sont presque essentiellement des lieux de prêts. Ce genre de lieu ne peut que disparaître devant la dématérialisation des documents.
Quant à la bibliothèque elle-même, ce sera le/la bibliothécaire que l'on viendra interroger dans un monde de personnes connectées, soit de digital natives.
Ce n'est jamais le bâtiment qui fait la bibliothèque.
Comme je suis déjà très bavard, je vous laisse découvrir ce qu'est vraiment "la" bibliothèque, son coeur et son cerveau.
Et ce "qui" est capable de /guider/ les digital natives ou les autres dans les méandres de l'information.
Sinon je crains de devoir vous houspiller, en toute légitimité, sur l'incohérence que vous développez - dans votre conclusion - entre des digital natives censés maîtriser l'information (<I>"ils savent facilement accéder à toute l'information dont ils ont besoin, sans aucune contrainte, et sans aucune aide." </I>) et le besoin de les guider.
Dès lors qu'ils devraient se débrouiller tout seuls, en collaborant entre eux. :-))))
Serait-ce que l'accès n'est pas l'utilisation.
Et qu'à ça, il y faut un vieux croûton ! :o)))
Bien cordialement
B. Majour (qui vous remercie pour cette promenade réflexive, où je me suis bien amusé.)
Bonjour Iris,
Sur les différences de pratiques des digital natives, liées aux paramètres socio-culturels, allez voir cette étude qui vient de sortir :
http://www.webuse.org/digital-nativ...
L’opinion véhiculée par les médias de masse veut que les jeunes se désintéressent de tout ce qui n’est pas pop culture, ou à tout le moins tout ce qui fait date un tant soit peu; s’il est encourageant de penser que ce point de vue ne s’appuie pas vraiment sur la réalité, je crois qu’en prenant une position inversement optimiste (d’une relève fidèle de la Culture), on minimise une certaine fracture générationnelle des goûts et des pratiques en matière de culture, d’information, de loisir.
Cette fracture s’illustre plus visiblement dans la consommation d’information : les médias traditionnels de l’information sont pour la plupart tournés vers un marché adulte d’un certain âge, ce qui transparaît dans leur couverture d’événements et le point de vue qu’ils adoptent vis-à-vis de la culture jeune (exotisme, désapprobation) ; conséquemment, et pour une variété d’autres raisons, le lectorat jeune de ces médias est en chute libre. Il faut croire que les jeunes complètent(?) donc leur consommation d’information par le biais d’autres sources, par exemple l’Internet, le bouche-à-oreille, les variantes « jeunes » des médias traditionnels, d’autres formes de réseau de pairs, etc.
Je crois que les bibliothèques et autres institutions du savoir doivent jouer un rôle majeur pour retourner cette tendance de cantonnement, et offrir aux différents publics la chance d’échanger sur un terrain commun. À la condition, bien sûr, qu'on laisse la place aux pratiques diverses des divers publics en présence (ou en téléprésence, hein?).
Salut Iris,
On pourrait aussi définir la génération des Digital natives comme postmodernes, car ils ont une vision de la réalité et de l’information beaucoup plus subjective que celle des gens modernes (nous autres ?). En ce qui concerne l’information, je pense qu’ils sont plus aptes à saisir la complexité de l’information et de ses divers contenants. La veille (moderne) notion d’un univers de l’information objectif, neutre et complètement appréhendable leur échappe, car ils comprennent que l’information est conceptuel, social et culturellement délimitée, tout court : ils savent que l’Information avec une grande I n’existe pas -comme la vérité absolue n’existe pas non plus, et que nous sommes constamment face à diverses versions d’un même phénomène informatif que l’on peut approcher, traiter et visionner par le biais de facettes distinctes.
Je pense que l’industrie du contenu est consciente de cette réalité plus que nous, les professionnels de l’information, car tandis que nous continuons à prétendre capturer l’information et la connaissance dans des catégories ou disciplines strictes et fixes (10 chez Dewey) basées sur une vision bibliographique de l’information, l’industrie du contenu, par contre, utilise de plus en plus le versionnage – les facettes ? – comme moyen de capturer l’attention des consommateurs, notamment les Digital Natives. Par exemple : nos livres sont de plus en plus de séries : Harry Potter, Millénium, Twitlight, etc. qui deviennent des films en série propulsés par des campagnes publicitaires sur diverses plateformes : revues (papiers ou numériques), teasings sur Youtube, sur les sites web de films, des pages des fans sur Facebook, des commentaires sur des blogues ou sur Twitter; le film à succès deviendra après un DVD avec encore d’autres versions : Uncut, director’s cut, entrevues, bloopers, etc.
Notre survie en tant que bibliothécaires repose sur le constant de cette réalité qui n’est pas tout à fait nouvelle - le versionnage existait déjà depuis belle lurette- pour éviter de tomber dans le piège d’embellir le passé et le rendre faux. Si nous nous extirpons au désir de devenir des Cassandres nous pourrons constater que le livre ne disparaîtra pas, je crois, mais que notre rôle dans la chaîne de la distribution de l’information va, par contre changer radicalement.
Bonjour Gabriel,
Je suis rassurée par votre témoignage qui vient confirmer ce qui se dit dans la littérature professionnelle. Il me semble utile cependant de bien distinguer les besoins informationnels des usagers, qui diffèrent évidemment d'une bibliothèque à l'autre. Je pense entre autres à la "fiabilité" auquelle vous faites référence, car si elle est à nos yeux inévitable, elle peut être secondaire selon certains usagers (p.ex. l'usager qui vient chercher des recettes de cuisine en ligne vs l'usager qui vient chercher des informations sur un pays avant de s'expatrier). Par ailleurs, la classification et la mise en évidende de l'information est et sera toujours nécessaire. Comme vous le dites, la forme change, et non les besoins initiaux.
Bonjour M. Salaün, merci pour cette étude qui permet de nuancer les pratiques d'Internet parmi les jeunes en fonction de leur "background" socio-culturel. Ce type de recherche est absolument nécessaire pour éviter de céder trop facilement à la tentation de généraliser des tendances que l'on assume, simplement parce qu'elles sont fréquemment relayées par les médias. Même si Internet est jeune, nous avons assez de recul pour analyser objectivement des comportements plus finement, et donc plus proche de la réalité.
Bonjour Antonin, je trouve ta remarque sur la fracture générationnelle pertinente, car elle met en exergue une problématique qui n'est finalement pas nouvelle...et même éternelle. Il est donc nécessaire de toujours en tenir compte. Par contre, ce n'est de loin pas le seul facteur dont on peut tenir compte quand on observe les comportements informationnels des "digital natives", et l'étude que J.M. Salaün vient à propos pour afiner notre observation de ce public dont tout le monde parle, sans trop savoir à qui l'on a réellement à faire. Je réalise en fait en prenant connaissance des différents commentaires, qu'il est absolument nécessaire de définir de qui l'on parle excactement, car dans quelques années, il n'y aura bientôt plus que des "digital natives"... Comment ferons-nous la distinction de leurs besoins alors ? Toujours de la même manière, en tenant compte de leurs besoins informationnels, de leurs tranches d'âges, de leur éducation, de leur emplacement géographique aussi. Est-ce que les usages diffèrent entre le Japon et la Côte-d'Ivoire ? L'utilisation de la Wii dans une bibliothèque publique néerlandaise a-t'elle le même impact qu'elle l'aurait dans une bibliothèque publique péruvienne ? Je m'interroge :)