L'été est propice aux lectures longues. Voici donc une première suggestion :

Xavier Greffe, “Introduction : L'économie de la culture est-elle particulière ?”, Revue d'économie politique Volume 120, n°. 1 (2010): 1-34. (Cairn)

Il existe en France une véritable école de pensée sur l' économie de la culture. Nombreuses sont les recensions disponibles sur le sujet. On en trouve même une remarquable sur la version française de Wikipédia. La page Économie de la culture (wkp) et la page Histoire de la pensée économique des arts et de la culture (wkp) sont particulièrement fournies et à jour, grâce à un wikipédien doctorant, Mathieu Perona (alias Bokken) qui alimente de plus un intéressant blogue (). Il suffit de comparer avec la version anglaise de Wikipédia (wkp) pour mesurer que, sur ce thème au moins, les internautes francophones sont mieux renseignés que les anglophones.

Du côté académique, le dernier numéro de la Revue d'économie politique (cairn) est entièrement consacré à l'économie de la culture et témoigne de cette vitalité. Son introduction par X. Greffe, un des pères fondateurs de l'analyse économique de la culture en France, est un modèle du genre. Il met d'abord en perspective les travaux depuis Adam Smith jusqu'à l'ouvrage de Baumol et Bowen, souvent considéré comme le point de départ d'une branche particulière de l'économie consacrée à la culture. Mais l'intérêt de l'article réside surtout dans le panorama critique qu'il propose des dernières avancées contemporaines, classées selon trois thèmes. Je reproduis ci-dessous les introductions des trois parties suivantes de son texte. Chaque partie est divisées en sous-parties, objet de développements précis, détaillés et denses.

La culture, part maudite de l’économie de marché ?

En 1966, l’ouvrage de Baumol et Bowen va développer le principe de la faible soutenabilité de la culture dans une économie de marché Baumol et Bowen, 1966. L’idée selon laquelle marché et culture font « mauvais ménage » n’était pas nouvelle, et si l’on prend un pays comme la France nombreux étaient déjà les plaidoyers pour considérer la culture comme un bien à part, créateur de bien être collectif, et devant à ce titre être rendu disponible à ceux que leurs revenus empêchaient d’y accéder. En outre, l’idée selon laquelle les artistes ne pouvaient vivre de leur art, souvent considérée comme l’expression la plus achevée du romantisme, était assez admise voire portée comme un drapeau tel le poète de Vigny dans Chatterton : « On ne fait de l’art que si l’on n’a pas besoin d’en vivre ! » (..)

Le cortège des extrêmes

Liée par essence à la création, ou la mise en place de produits, services ou interprétations nouvelles, le producteur de l’activité artistique ne sait pas comment elle sera reconnue ni validée. De son coté, le demandeur potentiel d’une telle activité en ignore la qualité faute de l’avoir expérimentée ou même identifiée. Des deux cotés du marché, l’incertitude est diffuse, mais il faut relever d’entrée qu’elle est ancrée dans le principe même de la l’activité artistique comme les observations de Schumpeter l’ont souligné plus haut. (..)

La culture comme levier du développement soutenable ? Back To the Market

Au cours des deux dernières décennies, des travaux se sont multipliés pour souligner les contributions que des activités culturelles pouvaient apporter au développement économique et social, épousant trois perspectives : la contribution de la créativité artistique à la qualité des produits et au renforcement de la compétitivité ; la satisfaction de besoins sociaux ; le renforcement de l’attractivité et de la dynamique des territoires. (..)

Le numérique n'est traité que dans une sous-partie de la deuxième partie. C'est normal, la culture ne se réduit pas à la culture numérique quoiqu'en pensent certains. Mais, inversement, les trois thèmes ci-dessus trouvent un écho dans les débats qui entourent le développement du numérique et bien des réflexions et des analyses des économistes de la culture pourraient utilement éclairer ceux qui tentent de décrypter l'économie numérique.

Actu du 24 août 2010

Voir aussi : Livre vert - «Libérer le potentiel des industries culturelles et créatives» (DGEC - Commission européenne, 2010). ici