le ebook est une menace pour la liberté (Stallman)
Par Jean-Michel Salaun le vendredi 10 juin 2011, 03:07 - Édition - Lien permanent
À lire l'intéressant entretien de R. Stallman, toujours aussi radical, sur Actualitté. Extraits :
Les livres numériques sont une menace aux libertés traditionnelles des lecteurs. Le meilleur exemple en est le Kindle, qui attaque les libertés traditionnelles. Pour acquérir une copie d’une œuvre, le droit à l'anonymat, par le paiement en liquide par exemple, est impossible. Amazon garde trace de tout ce que les utilisateurs ont lu.
Il y a aussi la liberté de donner, prêter ou vendre les livres à quelqu'un d'autre. Mais Amazon élimine ces libertés par les menottes numériques du Kindle et par son mépris de la propriété privée. (..)
Il y a aussi la liberté de garder les livres et de les transmettre à ses héritiers. Mais là encore, Amazon élimine cette possibilité par une porte dérobée dans le Kindle, qui a été utilisée en 2009 pour supprimer des milliers d'exemplaires de copies autorisées du 1984 d'Orwell. (..)
La menace à la liberté est le problème principal. Donc les autres bienfaits possibles sont sans importance.
Stallman est ainsi nostalgique du modèle traditionnel de l'édition (voir cours Module 4 en particulier diapo 7 et 20.). Le problème est que le modèle d'affaires du web s'affirme de plus en plus comme celui de la trace. Il y aurait là une place à prendre pour les bibliothèques à condition qu'elles sachent s'affranchir des contraintes des poids lourds du web pour préserver l'anonymat de la lecture (ici).
Actu du 12 juin 2011
Le point de vue de Stallman directement par lui-même ici, repéré par Lorenzo Soccavo là. et traduit en Français par H. Bienvault là.
Actu du 14 juin 2011
Pour élargir la question, on peut remarquer que le traçage des personnes a tendance à les enfermer dans une bulle informationnelle, selon l'expression d'Eli Pariser. Voir critique de son livre sur InternetActu et chez Olivier Charbonneau, et sa conférence à TED ci-dessous :
La tendance à l'entre-soi est naturelle sur les réseaux sociaux.
Commentaires
"Nostalgique du modèle traditionnel de l'édition" ? Ce n'est pas ce qu'il dit une seule seconde. Il dit seulement que les produits numériques et le paradigme de l'accès n'assurent aucune liberté à l'utilisateur. Et on ne peut pas dire qu'il ait vraiment tort. Il pose une question essentielle à nos libertés : "Lorsqu'on achète un appareil numérique quelconque, sont usage (y compris son mauvais usage) nous appartient-il ou appartient-il au constructeur de l'appareil ?" Pourrons-nous créer des zones aveugles à toutes sousveillances ? - voir : http://www.hyperbate.com/dernier/?p...
Le modèle d'affaire du numérique (et pas seulement du web) est effectivement bien celui de la trace. Mais on voit mal comment les bibliothèques pourraient nous aider à nous en affranchir ? Car la trace est loin de ne porter que des inconvénients : elle permet la pérennité de l'accès, elle permet la mesure (qui ne se fait pas que contre l'utilisateur - même si elle est encore souvent asymétrique), etc. Suggérer le rôle possible des bibliothécaires (on pourrait aussi imaginer le rôle d'intermédiaires de confiance, vieux serpent de mer sur ces questions dont il faudrait un jour mesurer pourquoi ça n'a jamais marché et risque de ne jamais marcher : http://www.internetactu.net/2011/03... ) supposerait de voir aussi quelque part dans leurs actions une volonté d'aller dans ce sens. On en est assez loin.
Bonjour Hubert,
Lorsque je traitais Stallman de nostalgique de l'édition, je voulais ironiser, mais sans doute cela n'apparait pas assez nettement. Il est en effet amusant de voir un tel homme préférer le papier. Néanmoins sur le fond, le modèle d'affaires de l'édition est bien porteur d'une telle liberté.
Il y a un paradoxe à d'un côté souligner l'intérêt de la trace et de l'autre regretter ses inconvénients. Ne faudrait-il pas simplement définir une déontologie de ce qui est acceptable ou non ?
Concernant le rôle possible des bibliothèques, je serai moins pessimiste que vous. Aux US, les bibliothécaires ont montré qu'ils savaient défendre les libertés. Voir, par exemple, ce que dit l'ALA sur ce sujet : http://www.ala.org/ala/issuesadvoca...
Radical, peut-être. Mais les points qu'il soulève demeurent intéressants et portent à réfléchir...
Particulièrement en ce qui a trait à la préservation de l'anonymat du lecteur. Soit, avec le Web, l'internaute a accepté (involontairement) de laisser une trace partout où il passe sur la toile. L'internaute expérimenté d'aujourd'hui sera-t-il plus avisé ? Acceptera-t-il de laisser aller une autre bride de sa vie privée ? Acceptera-t-il de laisser tomber la possibilité d'acheter un livre de façon incognito ?
Autre support, autres moeurs.
Le point de vue de Stallman est fort intéressant, je n'avais jamais pensé au livre numérique de cette façon auparavant. Les questions de l'absence de possibilité de prêter un exemplaire à quelqu'un de son entourage ou de le léguer m'interpellent particulièrement, mais je ne peux m'empêcher de penser que c'est un peu le lot des changements technologiques, on obtient des avantages au profit d'autres que nous devons laisser de côté. Je ne crois pas que nous allons obtenir un jour tous les avantages du format papier avec le format numérique tout simplement parce qu'il ne s'agit pas du même format. Pouvoir prêter un exemplaire aujourd'hui à quelqu'un de notre entourage revient à dire que nous pourrions le prêter au monde entier.
Malgré tout, l'impossibilité d'être propriétaire de l'exemplaire acheté est dérangeante et impose un besoin de réflexion sur le sujet.
Avec les différentes questions soulevées par Stallman, je ne crois pas que le Kindle soit un bon choix de liseuse (à moins d'être conscient des contraintes et qu'elles ne nous importunent pas) et que nous devons rester à l'affût de ce qui se fait en parallèle dans le monde "ouvert" et continuer d'acheter le format papier tant que nos inquiétudes personnelles persisteront.
Bonjour,
Nous vivons dans une ère où les individus souvent, accumulent de grandes quantités de biens matériels, il faut régulièrement trier et choisir quoi garder, jeter ou donner. Par contre, parmi les biens qu'il est souvent pertinent de conserver longtemps pour réutilisation ou pour donner encore en bon état, il y a les livres. On constate de nos jours que les biens sont fabriqués de manière à briser à l'intérieur d'un délai précis afin que nous achetions à nouveau. À mon avis, pour un livre à moins d'utiliser du papier par exemple trop acide qui se désintégrera presque avec le temps, c'était difficile d'obliger les consommateurs au renouvellement et maintenant le commerce a trouvé une méthode! Bien sûr il ne peut pas y avoir que ça, c'est attrayant dans plusieurs cas par exemple pour les manuels scolaires prêtés aux étudiants par les écoles. D'une manière générale ça prend moins d'espace physique et les considérations commerciales étaient peut-être davantage orientées vers les profits potentiels que les pertes à éviter (dû à la conservation des biens). Je suis perplexe, il y a de nombreuses considérations à cette question et les réponses qui pourraient être trouvées en cherchant me paraissent très pertinentes à connaître par notre société.
Marie-Eve