L'avenir du livre imprimé et les bibliothèques
Par Jean-Michel Salaun le mardi 14 juin 2011, 11:51 - Cours - Lien permanent
Ce billet a été rédigé par Marie-Émile Joseph dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.
Les débats pullulent autour de l’avenir du livre, qu’il soit électronique ou imprimé. L’avenir du livre c’est la lecture, commente Françoise Benhamou.
Le National Endowment for the Arts (NEA) avait sonné l’alarme en 2004 et 2007 dans deux rapports d’enquête : «Reading at Risk : A Survey of Literacy» (la lecture en péril : un sondage sur l’alphabétisme), d’une part et «To Read or not to Read, A Question of National Consequence» Lire ou ne pas Lire, Une question d.... Selon ces sondages, on avait constaté que plus de la moitié des adultes américains ne lisait pas. Chez les plus jeunes, un taux de 28% a été enregistré. L’étude avait également démontré une perte de 20 millions de lecteurs potentiels entre 1982 et 2002. Toujours selon le sondage, ce déclin était encore en forte augmentation au cours de la dernière décennie.
Une étude plus récente publiée en 2009 conduite par le ministère français de la Culture sur les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique a fait le même constat : la lecture du livre et de la presse est toujours en recul face à une montée puissante de la lecture d’écran. Cette pratique est plus intensive chez les jeunes et plus encore lorsque ces derniers avançaient en âge. Cette baisse de lecture affecte non seulement la capacité d’intégration sociale, mais aussi le côté économique.
La lecture du livre décline de plus en plus chez les adolescents et les jeunes adultes. La nouvelle génération avoue que son temps libre est plutôt consacré au Web : messages instantanés, musiques, jeux vidéos, télévision, lecture sur écran. Selon la même étude du ministère de la Culture. Ce n’est pas tant que la lecture soit négligée, mais la lecture du livre imprimé semble de plus en plus péricliter de génération en génération.
" Internet me permet de régler rapidement " la recherche mécanique ", c’est-à-dire le déblayage du sujet et la localisation des documents nécessaires, explique Claude Marcil, recherchiste. Avec des banques de données comme Eurêka, Repères et Proquest, poursuit-il, je peux rapidement repérer des milliers d’articles de journaux et de revues. " (Anny Guindon, in bibliothèque et internet : pour le meilleur et pour le pire).
Avec cette tendance, on se demande comme Bruno Patino quel est l’avenir du livre imprimé? Car, ''là où, auparavant, on pouvait y passer des heures, parfois des jours, à feuilleter de volumineux index... Aujourd’hui, plus besoin de se déplacer, quelques clics de souris suffisent. Que reste-t-il donc aux bibliothèques?''
Les universitaires n’échappent pas non plus à cette révolution et se servent abondamment d’Internet "Pour la rapidité, la diversité des sources et les dernières nouveautés en ligne", affirme un étudiant au doctorat en communication à l’UQÀM.
Ce recul de la lecture du livre papier serait-il un signe angoissant pour les bibliothèques ? Avec l’arrivée, depuis 2007, du lecteur électronique de livre Kindle d’Amazon qui est venu bouleverser le monde de l’édition, pensez-vous que la bibliothèque lâchera un jour sa collection papier ?
Commentaires
Je ne crois pas que le recul de la lecture du livre papier angoisse les bibliothèques. Ce qui les angoisse, c’est plutôt de s’assurer de donner accès aux livres numériques aux usagers qui les désirent et de former les usagers à l’utilisation des nouveaux supports de lecture. Le monde des bibliothèques est conscient des changements qu’implique le numérique et s’y adapte.
Lorsque Claude Marcil parle de repérer des articles à l’aide de base de données comme Eureka et Proquest. Il ne dit pas qui paie son accès à ses bases de données. Le rôle des bibliothèques demeure de rendre les informations disponibles et ce, en fournissant l’accès aux données numériques que les fournisseurs monnayent à grands frais.
De plus, les bibliothèques pourront se servir de l’accès au livre numérique comme véhicule de communauté comme l’explique Christian Liboiron http://revueargus.qc.ca/index.php/2... .
Tant mieux si les bibliothèques auront de moins en moins de papier. Cela leur donnera de l’espace supplémentaire pour valoriser la bibliothèque en tant que troisième lieu!
Pour compléter la réponse de Guillaume, voici un article tout récent qui traite du rôle de la bibliothèque à l'ère du numérique : http://www.actualitte.com/dossiers/...
oups... je voulais dire : la réponse de Chantal! désolée...
Je ne pense pas que l’arrivée du livre électronique (Kindle) angoisse les bibliothèques. Ceux qui ne lisent pas ne liront sans doute pas davantage avec un support électronique qu’ils ne lisaient avec un support imprimé. À l’inverse, un lecteur assidu trouvera un nouveau moyen d’accéder à des textes et de varier ses plaisirs. Certes, de nombreuses études montrent une baisse de la lecture, tant en Amérique qu’en France et en Europe en générale, mais cette baisse de la lecture se manifestait déjà avant l’arrivée du livre électronique. Ce produit technologique aura peut-être accéléré la tendance ? Le phénomène de baisse de la lecture me semble se situer ailleurs que sur un support.
Deux problèmes sont exposés dans le billet de Marie Émile, celui de la lecture et celui des collections de livres imprimés dans les bibliothèques. Bien que liés, ces deux questions se distinguent. Au sujet de la lecture, je pense qu’il y a moins de lecteurs de livres d’après toutes les études, mais l’acte de lecture me paraît, de manière générale, avoir plutôt augmenté grâce à l’arrivée d’Internet. De nombreuses personnes qui ne lisaient pas de livre, ni journaux ni BD, mais se contentaient de la TV, se sont mis à lire grâce au Web, car il est difficile de naviguer su la toile sans lire. (On peut dire la même chose pour l’écriture. Avec l’arrivée du courriel, de nombreuses personnes qui ne tenaient aucune correspondance échangent bon nombre de courriels chaque semaine).
En ce qui concerne les collections en papier dans les bibliothèques, il est fort probable que le livre électronique côtoie encore longtemps les documents imprimés, on ne perd pas les habitudes si facilement, nous avons les exemples de la radio, de la TV et du cinéma et de la vidéo.... Mais je pense aussi à la notion d’opportunité qu’offre une bibliothèque (cours 6, acétate 28), l’institution bibliothécaire s’occupe de classer les documents et organiser les collections (quelques soient leurs supports), puis de les retrouver aisément à la demande, même longtemps après. C’est en grande partie ce qui soutient notre profession ? La bibliothèque endosse également la valeur d’assurance pour les documents. La loi du dépôt légal oblige les éditeurs à conserver (pour «l’éternité») au moins un exemplaire de chaque document dans les bibliothèques nationales, même si aux yeux du monde, tel ou tel document ne «sert et ne servira jamais à rien». Seule ce type d’institution, à l’heure actuelle s’engage à sauvegarder les informations quelque soient leurs supports, en se disant : au cas-où !
Les documents virtuels ont acquis leurs lettres de noblesses grâce à leur facilité d’accès, on veut une information (récente) et on l’a immédiatement. À l’inverse, les documents virtuels ne garantissent pas encore une fiabilité à toute épreuve, je pense bien sûr au long (moyen) terme. Qui peut consulter des documents sur leur disquette du début des années 90 chez lui ? Alors que l’on a tous au moins un livre de plus de 50 ans qui se porte très bien ?
CL
Bonjour,
Il est peut-être aussi prudent de relativiser la baisse de la lecture, même en littérature. D'une part il s'agit d'une érosion lente comme vu dans le cours. D'autre part, le National Endowment for the Arts a, lui-même, constaté une reprise de la lecture dans une enquête ultérieure : http://www.nea.gov/pub/pubLit.php
Bonjour,
Il est intéressant de constater que de nombreuses personnes se soulèvent contre l'usage de la trace comme manquement aux libertés des usagers du WEB, je fais référence à l'entretien avec R.Stallman que vous avez sans doute lu. Mais aussi, dans mes recherche pour notre blogue qui s'intéresse justement à ce propos, j'ai eu l'occasion de lire de nombreuses opinions divergentes à ce sujet. Nottament une vive discussion entre avocat de la liberté et usager inconscient de l'ampleur du phénomène. On se demande en finale à quel point êtes-vous prêt à laisser les compagnies de pub et autres entreprises s'approprier vos intentions, vos historiques d'achats. N'y a-t-il pas une ligne à tirer? Ceci dit pour l'aspect commercial du ebook.
Un autre point de vue qui m'intéresse est la préservation du patrimoine par la constitution de collections numériques.
N'est-ce pas là un fabuleux moyen de mettre à la disposition du plus grand nombre des livres rares ou trop en demande? De préserver des livres fragiles tout en favorisant leur accès. De même, un conférencier de l'OCLC Daniel Boivin, que j'ai eu l'occasion d'écouter nous faisait part des difficultés à gérer des bibliothèques en consortium. De l'augmentation vraiment importante des PEB autour delaquelle s'agite un débat à savoir combien de ressources supplémentaires allouer pour satisfaire à la demande. On voit bien que l'accès unifié aux bases de données ne simplifie pas pour autant l'accès aux documents. Une version numérique de tous les ouvrages pourrait rendre cet accès possible en quelques clics pour les chercheurs du monde entier. Je crois qu'on y viendra.
J’aimerais revenir sur ton billet Marie Émile qui m'interroge au premier plan. Dans l’article de Françoise Benhamou auquel tu fais référence, il est question de la perte de plaisir dans la lecture. Je pense que cela est vrai lors des lectures de «balayage», lorsque l’on recherche une information. Mais ce type de lecture me semble être la même, que l’on consulte rapidement plusieurs pages Web ou des index papier? Je crois que le plaisir de la lecture augmente lorsque l’on intègre une connaissance (ou que l’on savoure un style littéraire), après que l’étape de recherche d’information est passée, car ce n’est pas la même curiosité ni le même rapport au temps. La question du support, encore une fois, ne me semble pas de premier ordre?
Par contre, contrairement à ce que dit F. Benhamou, je ne pense pas du tout que le manque de lecture affecte la capacité d’intégration sociale d’un individu. De nombreuses personnes n’ayant aucun intérêt pour la lecture ont une excellente vie sociale, on pourrait même plutôt voir l’inverse, si un enfant ou un adolescent est trop pris par la lecture, son intégration sociale peut en souffrir.
Quant à la préservation du patrimoine des livres anciens par la numérisation, c’est en effet, un excellent moyen de satisfaire la demande de tel ou tel document aux quatre coins du monde. Mais cette solution à son revers, d’après de nombreux témoignages il est souvent impossible d’avoir accès à un document ancien d’une bibliothèque du fait qu’il est numérisé, même si vous êtes dans les murs de l’institution où il est conservé, voir une réflexion sur ce point ici. Ce qui me paraît bien dommage, car ce n’est pas la même lecture et même à l’égard de professionnels, il est difficile de justifier que l’objet peut davantage ou autant intéresser que le contenu…
CL
Par rapport à ce que tu as dis, Christian que ceux qui ne lisaient pas ne liront pas plus avec des liseuses, j'observe le contraire dans mon entourage. Ce n'est rien d'exhaustif ou d'empirique, mais j'ai remarqué une hausse du goût de la lecture chez ces personnes. Reste maintenant à voir si ce goût persistera avec le temps...
Je suis tout à fait d'accord avec toi par rapport à la hausse de la lecture (en général) avec le Web. L'internet est aujourd'hui un incontournable, ou presque. Je me demande si cela aura pour effet d'accentuer la fracture chez les analphabètes ou si ça les aidera à améliorer leurs capacités.
Malheureusement, j'ai l'impression que la lecture de la littérature devra commencer dans les classes. Je n'aime pas le caractère obligatoire de cette affirmation, mais si les jeunes ne sont jamais mis en contact avec les classiques, ils ne les connaîtront pas. Le savoir populaire, culturel, folklorique se transforme de plus en plus pour ne conserver que des versions allégées. Tout comme pour la langue, si on veut que les futures générations conservent le plus possible ces richesses dans une intégrité relative, il faudra que cela passe par les systèmes d'éducation.
Surtout, pour que le goût de la lecture survive on doit encourager tous les types de lecture, oui j'ai dit que la lecture de certains classiques, par exemple, devrait être obligatoire mais suite à cela si le jeune a envie de lire des BD ou des mangas nous ne devrions pas lever le nez devant ces types de lecture, mais les encourager à cultiver l'imagination.
Bonjour,
Je réponds une nouvelle fois aux différents commentaires, vu que mercredi ils n'ont pas été publiés.
Merci Jacinthe pour tes commentaires. Je partage tout à fait ce que tu dis par rapport à l'intégration de la lecture qui devrait commencer dans les classes par exemple.
ME
Bonjour,
Je remercie chacun de vous pour vos commentaires. J'en tiendrai compte dans mon dossier.
Merci Monsieur Salaün pour la référence la plus récente de Endowment.
Merci Christian, tes commentaires m'intéressent particulièrement. Ceux qui ne lisaient pas contre, peuvent bien devenir des lecteurs intéressés et intéressants.
Cependant, quand je parle de recul de la lecture du livre imprimé, je ne rejette pas la lecture du livre électronique. C'est un fait, nous vivons dans une nouvelle ère qui peut nous dépasser si nous ne nous accrochons pas.
Ce recul n'angoisse pas les bibliothèques, oui c'est peut être vrai; cependant, peut-on rester indifférent?
Je suis d'avis que le livre papier devra coexister avec l'électronique et, lorsqu'on parlera de livre on verra 2 versions: électronique, papier.
Le rôle des bibliothécaires aujourd'hui s'est accentué avec les changements. Ces derniers ont toujours fait preuve de leur savoir-faire.
Je ne mets pas en question l'expansion du livre électronique, voire son utilisation. Pour moi, l'imprimé comme le numérique fera chacun leur chemin. Le livre papier devra bien entendu penser à se révolutionner.
Il est vrai, à la vitesse que vont les choses, si l'image par satellite continue de se perfectionner, il arrivera un temps où il ne sera plus question de faire référence à un livre, mais à un site. Ce qui n'est pas pour demain.
Pour terminer, je dirai que tant que cette nouvelle ère se situera quasi totalement dans les pays avancés du nord et de l'Europe, la révolution du livre électronique ne délogera pas le livre imprimé.
ME
Bonjour Marie-Émile,
Concernant votre dernière remarque, je crois qu'il ne faut pas considérer que la problématique du livre numérique est confinée aux pays occidentaux.
Sans même parler de l'Asie (Japon, Corée, Chine) où il est parfois largement plus populaire qu'en Amérique du nord ou Europe, il constitue un vrai défi positif aussi pour les pays du Sud. Voyez :
http://www.inaglobal.fr/education-f...