Ce billet a été rédigé par Marie-Andrée Dubreuil-Moisan et Marie-Eve Lamoureux dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

L’exploitation massive des données personnelles sur le Web sert à financer les réseaux sociaux et moteurs de recherche. Les réseaux se considèrent propriétaires des données techniques, navigationnelles, déclaratives et comportementales vendues pour fin de statistiques aux compagnies publicitaires.

Selon Helen Nissenbaum, nous avons assez perdu de temps à déterminer ce qui est du domaine privé et ce qui est du domaine public, aussi quelles informations dans ces sphères doivent demeurer privées alors qu’en fait la préoccupation serait de trouver des moyens de préserver la confidentialité sur le Web. À cet effet, des options émergentes permettent de naviguer de manière plus invisible pour se protéger du traçage et du profilage, par exemple TrackMeNot. On pourrait même s’inspirer de la manière des hackers, par contre il y a fort à parier que ces options pourraient être piratées par des experts. La protection des données privées sur le Web est un sujet chaud et une préoccupation pressante qui implique la participation de diverses sphères sociales, par exemple pour le ministère de la Culture français ici, enjeux 12. Pour ce billet, nous nous en tiendrons au profilage à des fins publicitaires.

Un courant de pensée original propose aux individus que certaines données soient traquées dans une optique de ciblage marketing optimal. Les utilisateurs choisissent eux-mêmes de laisser des traces spécifiques sans violation de la confidentialité, par exemple Adnostic. Pour la société, la publicité occupe un rôle économique important (p. 85) qu’il ne faut pas négliger et si les individus peuvent y trouver leur compte avec une expérience satisfaisante qui ne soit pas compromettante, le profilage en optique marketing serait alors gagnant.

D’autant plus que les grands joueurs voulant monopoliser le Web comme par exemple Google, tiennent trop à leur clientèle pour utiliser les informations qu’ils colligent sur eux à des fins malicieuses. Pourtant tel que rapporté dans un article du WSJ, en raison de sa dépendance relative est-ce que la clientèle est réellement en position simple de quitter Google? Dans ce même article, Holman et Jenkins relatent les propos de Éric Schmidt selon lesquels la publicité web est la source de pratiquement tous les profits de Google, la publicité ciblée c’est leur spécialité et par l’entremise de la boîte recherche, Google nous connaît presque complètement. Ce dernier vise maintenant un nouveau type de service qui nous devancerait sur l’interprétation de nos propres besoins en matière d’information. On peut s’interroger sur l’éthique d’une telle pratique, mais ne serait-ce pas simplement une publicité supplémentaire s’ajoutant au bain dans lequel chacun nage chaque jour en y appliquant une attention sélective et un esprit critique et analytique développé par l’habitude à l’exposition publicitaire dès un très jeune âge?

Si la plupart des internautes sont insensibles au trafic des données en vue de publicités ciblées; il existe des groupes pour qui cette pratique est inadmissible. Certains enfin cherchent à dépasser cette dichotomie en introduisant une dimension humaniste dans l’équation données, publicité et exploitation. Le projet VRM (pour vendor relationship managment), à Harvard, insiste sur la nécessité de rétablir des relations respectueuses entre les consommateurs et les entreprises. Leurs valeurs se basent sur des écrits parus en 1999 d’abord sur un site et ensuite publiés. Le site original présente 95 déclarations prônant la communication et redéfinissant les règles du marché notamment en faisant l’apologie du marché en réseau et comment l’appui les uns des autres surpasse l’intervention d’un vendeur. Le projet courant de recherche de VRM consiste en la vérification de cette théorie, soit qu’un consommateur libre est plus intéressant pour une entreprise qu’un consommateur captif. Plusieurs questions se posent mais le mot liberté se retrouve en chacune d’elles. Il est dommage qu’aucune conclusion n’ait été publiée à ce jour..

Une startup montréalaise, animée par Tara Hunt, Cassandra Girard et Jérôme Paradis, s’inspirant largement de ces idées propose depuis janvier 2010, un site qui invite le consommateur à reprendre le contrôle sur les données qui composent l’historique de ses intentions d’achats et de ses achats effectifs. Il s’agit de l’un de ces marchés en réseau qui s’organisent plus vite que les entreprises qui les ont traditionnellement ciblés. Grâce au Web, ces marchés deviennent mieux informés, plus intelligents et plus exigeants en qualité. La proposition de Buyosphere.com se résume ainsi : reprendre à son compte son profil d’utilisateur pour optimiser son expérience d’achat. Cela semble plus prometteur que d’ériger des barrières qui seront contournées tôt ou tard. Comprendre ses habitudes de consommation et maintenir son propre historique d’achat permettra aux utilisateurs du site d’entrer en contact avec des vendeurs/des marques qui seront mieux outillés pour répondre à leurs besoins.

Le site fonctionne comme on rafraîchit son profil avec la possibilité d’inclure des produits saisis de partout avec un simple bouton placé sur la barre de commande (aime/achète). Puisqu’il semblerait que l’activité #1 des femmes sur Facebook serait de parler de leurs achats, la pertinence d’un tel site se justifie amplement. La différence principale réside dans le fait que les utilisateurs restent maîtres de leurs données et peuvent, grâce à la plateforme et aux outils fournis, communiquer directement avec les compagnies, échanger leurs données contre des offres personnalisées et consolider ainsi une relation plus satisfaisante pour les deux parties.

Il importe que les gens sachent que leurs données sont amassées et utilisées afin qu’ils puissent être plus sélectifs à certains égards dans la diffusion de leurs propres données. Il faut aussi que les gens aient la possibilité d’apprendre comment devenir le point d’intégration de leurs propres données et l’origine de ce qu’il en advient. Pour ainsi profiter des bon côtés du profilage et en éviter au maximum les désavantages potentiels.