Ce billet a été rédigé par Guillaume Cloutier dans le cadre du cours SCI6355 sur l'économie du document de la maîtrise en sciences de l'information de l'EBSI.

Bien des gens sont familiers avec les micropaiements sans le savoir. Il suffit de penser à Itunes pour s’en convaincre. En effet, presque quiconque possède un Ipod a déjà acheté une chanson en ligne au microprix de 99 cents. Un fois l’inscription complétée et les coordonnées bancaires entrées, il suffit de quelques clics pour procéder au paiement de la chanson : rapide, efficace, facile et quasi-indolore pour le portefeuille. Il s’agit ici de payer un petit prix pour avoir accès à un petit morceau de contenu. Si ce modèle d’affaires peut faire vivre Itunes, ne peut-on pas penser que les journaux en ligne pourraient en tirer partie et trouver enfin une solution de rentabilité? C’est l’idée que je veux explorer dans ce billet.

Les micropaiements ne sont pas une idée nouvelle, bien au contraire. Ils ont eu une brève vague de popularité à la fin des années 1990 avec des compagnies comme Beenz, Fleez, Bitpass, CyberCash et Peppercoin. Comme le disais Walter Isaacson dans un billet paru sur le site Time.com: si vous vous souvenez de ces compagnies c’est probablement parce que vous y avez perdu de l’argent! Bref, en dehors de quelques notables exceptions, les micropaiements n’ont jamais su s’imposer comme façon de rentabiliser du contenu. Néanmoins sitôt oubliée, l’idée réapparaît ailleurs, avec la promesse que, cette fois-ci, il s’agit de la bonne.

C’est ce qui s’est passé en 2009 quand le puissant Rupert Murdoch et son Wall Street Journal ont annoncé l’arrivée d’un système de micropaiements donnant accès à certains articles au contenu exclusif (voir l’article). L’arrivée de ce système et le retour des micropaiements ont été surveillés de près par la plupart des grands acteurs de la presse. Malgré cette percée du WSJ, les micropaiements ont autant d’admirateurs (billet ici) que de détracteurs (billets ici et ici).

Un des problèmes pratiques du micropaiement est le coût de la transaction. À supposer que le coût d’un article soit le même que celui d’un message texte comme le dit Monsieur Murdoch, soit environ 10 cents, il faudra nécessairement trouver un système transactionnel fiable, sécuritaire et surtout peu coûteux pour que l’ensemble fonctionne sans qu’il y ait une trop grande érosion de la marge de profit. Or un système définitif reste à établir et bien des compagnies ont connu leur Waterloo en tentant d’élaborer un tel système. Il faudra en quelque sorte un système de paiement quasi-universel. Un tel système reste toujours à implanter sur une grande échelle.

L’autre grand problème, largement plus complexe, est celui d’amener le consommateur à accepter de payer pour un contenu autrefois accessible gratuitement et, de plus, de s’assurer que ce même contenu n’est pas accessible ailleurs gratuitement. Or cette barrière du paiement est un des problèmes majeurs auquel fait face l’industrie. Idéalement, il s’agirait de trouver un contenu si exclusif et nécessaire au consommateur que ce dernier franchirait la barrière du paiement pour y avoir accès. Il est hautement improbable que le lecteur paiera pour lire des articles très généraux. Mais plus les articles se spécialisent et répondent à un besoin informationnel précis plus il est probable que le consommateur paiera les quelques sous pour y avoir accès. Chose certaine, les journaux en ligne devront rivaliser de créativité pour aller chercher une clientèle habituée aux nouvelles gratuites et instantanées.

Je me suis renseigné plus amplement sur un des systèmes de micropaiements existant : Press+ (leur site web est accessible ici). Le site définit le système comme un kiosque à journal réinventé pour le 21e siècle. En quelques minutes, l’usager peut ouvrir un compte et lorsqu’il naviguera sur le Web à la recherche d’information, il tombera probablement sur un des partenaires de Press+ qui demandera un micropaiement en échange de certain morceau de contenu. En entrant son mot de passe et son nom d’usager, l’utilisateur pourra accéder au contenu sans avoir à ouvrir un compte pour chaque site. Il s’agit en quelque sorte de l’idée d’un guichet unique pour le paiement virtuel de l’information. Il sera intéressant de voir l’évolution de ce système et de ses compétiteurs dans un avenir rapproché.

Je terminerai ce court billet en spécifiant que les micropaiements sont un modèle parmi plusieurs autres et à mon avis, il est fort probable que plusieurs modèles de rentabilité coexistent sur le marché. Ainsi, on peut imaginer un journal générant des revenus provenant à la fois des micropaiements, des abonnements en ligne traditionnels, des abonnements papiers, des publicités, des petites annonces, etc. C’est un peu le modèle du WSJ. Ce n’est pas les sources de revenus potentielles qui manquent, mais bien un modèle économique fort qui permettrait la pérennité du journalisme tel qu’on l'a connu jusqu’à maintenant. Reste à savoir si les micropaiements s’inséreront durablement dans ce modèle économique.