Alors que Apple s'apprête à distribuer des dividendes à ses actionnaires (Wsj) pour la première fois depuis 1995, et que Facebook affole Wall Street par son entrée en bourse avec une capitalisation qui devrait frôler le 100 Mds de $ (Bw), on pourrait penser qu'ici comme ailleurs les marchés financiers ont pris le pouvoir et que les spéculateurs décident de l'avenir du néodocument.

Mais en réalité la situation est plutôt inverse. Les ingénieurs-managers ont le pouvoir et utilisent le capital financier pour le consolider. La recherche de profit est essentielle, et sans doute l'enrichissement personnel, mais elle passe par de l'investissement tout particulièrement en recherche-développement et en croissance externe. Cette caractéristique tranche avec le reste de l'économie. Ici, on ne ménage pas la bourse () et ce n'est peut-être pas pour rien dans le succès de ces firmes.

Regardons les chiffres de nos trois champions : Apple, Google et Facebook.

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Les chiffres d'affaires et bénéfices correspondent à l'année fiscale 2011 dont la période peut être différente d'une firme à l'autre selon la date de cloture des comptes. La capitalisation boursière de Apple et Google a été relevée le 19 mars 2012. Apple profite évidemment de son annonce de l'octroi de dividendes. Celle de Facebook n'est qu'une estimation puisque l'entrée en bourse n'est pas encore effective.

Le rapport entre la capitalisation boursière et le chiffre d'affaires (c'est-à-dire virtuellement en combien d'années une firme pourrait s'acheter elle-même) est de 5,15 pour Apple, 5,67 pour Google et... 27 pour Facebook. Par comparaison, EXXon Mobile, longtemps considérée comme la firme la plus riche du monde, a eu un chiffre d'affaires en 2011 de 486,4 Mds de $ (Wkp), mais sa capitalisation boursière n'est "que" de 410 Mds aujourd'hui, pour un rapport donc de 0,8.

Apple distribue des dividendes à ses actionnaires, c'est le moins qu'elle puisse faire, compte tenu de son insolente réussite. Dans le même temps la firme annonce qu'elle va racheter une part du capital, notamment celui détenu par ses employés. Ainsi, il s'agit aussi pour Apple de donner une prime à ces derniers en évitant la dispersion des actions. Google n'a jamais distribué de dividendes et Facebook n'est pas près de le faire.

Tout se passe comme si les boursiers, fascinés par la croissance de ces firmes en revenu (Apple, Google) ou en simple activité (Facebook), étaient les serviteurs des ingénieurs-managers qui les utilisaient à la fois pour la gestion de leurs ressources humaines (stock-options) ou pour la croissance externe (rachat de firmes par échange d'actions) sans contrepartie, sinon celle de la pure spéculation. C'est un jeu risqué pour les financiers. Inversement en cas d'éclatement de la bulle, il n'est même pas sûr que les ingénieurs perdent beaucoup.

27-03-2012

Voir aussi :

« Here’s the Number That Matters in Facebook’s IPO Filing - Technology - The Atlantic », /.

4-04-2012

Les start-ups ont-elle intérêt à entrer en Bourse ? INAGlobal.

qui cite et commente :

«For High Tech Companies, Going Public Sucks ». WIRED.

10-04-2011

Sur le salaire de Tim Cook, pdg d'Apple, voir ici.

06-05-2012

« L’introduction de Facebook, un jackpot pour son fondateur », Le Figaro, 3 mai 2012.

03-06-2012

Excellent :

Choc des cultures entre Wall Street et la Silicon Valley, LE MONDE | 31.05.2012

Par Augustin Landier, professeur à l'Ecole d'économie de Toulouse

21-08-2012__

« Transcript: Schmidt and Thiel smackdown - Fortune Tech ».

« Start-ups : la fin de la Silicon Valley ? » La tribune.