Edition et fin de parenthèse Gutenberg
Par Jean-Michel Salaun le jeudi 12 avril 2012, 03:05 - Édition - Lien permanent
Voici donc une seconde initiative (après celle-là) qui me rend optimiste. On commence enfin à penser une économie du document renouvelée transformant radicalement les anciennes pratiques, sans vouloir faire du web une nouvelle économie.
François Bon a une âme de pionnier et il a mis en place une belle coopérative d'édition numérique, Publie.net. Jusqu'ici il s'agissait d'une expérimentation pleine d'enseignements pour la littérature et la diffusion sur support numérique, soutenue par l'énergie de son promoteur et le tissu de sympathie qu'il avait su bâtir. Sa portée restait limitée du fait d'une économie structurellement précaire.
Aujourd'hui, FB, retrouvant le papier en ouvrant son activité à l'impression à la demande, referme paradoxalement à son tour la parenthèse Gutenberg, mais cette fois pour le métier d'éditeur. Comme à son habitude, il ne fait pas les choses à moitié. L'articulation économique, juridique et technique, entre le fichier numérique, considéré comme la matrice, et l'exemplaire imprimé, considéré lui comme un produit dérivé, est cohérente. Le rôle des libraires et celui des bibliothèques sont intégrés au modèle. Tous les détails sont à lire ici. C'est encore un chantier et bien des points doivent être précisés, mais la direction est clairement exposée.
Je ne sais si son intiative rencontrera le succès et améliorera son bilan financier, je lui souhaite évidemment. Mais c'est pour moi une des toutes premières initiatives sérieuses, y compris dans sa dimension économique, ouvrant la voie à un vrai modèle éditorial renouvelé, celui du 21e siècle. Et je suis persuadé qu'elle sera observée de près par bien du monde.
Commentaires
merci pour ce relais et surtout analyse, Jean-Michel
obstinations bretonnes en partage
cependant, peu de Gütenberg dans ce qu'on va tenter, c'est très surprenant comme la technique d'impression POD (telle que vue à Maurepas) implique de penser web l'objet imprimé lui-même
sur ces notions de bundle, "produit dérivé" etc l'analyse des théoriciens du document nous sera d'une aide essentielle – y compris pour l'impact juridique
à replacer quand même dans contexte dynamique : la progression continue de nos ventes numériques et surtout (à échelle de la réflexion POD qui a commencé en juin dernier) ces 4 derniers mois, avec encore accélération récente, une mutation continue de l'offre numérique, que ce soit chez iTunes, Amazon ou Kobo, avec rehaussement de l'exigence produit, maturité technique qui devrait enfin donner ergonomie ET crédibilité
en tout cas, pour l'instant, la question pour nous ce n'est pas le bilan phynancier, je vis ma vie d'auteur par les chemins comme devant, mais bien d'assurer l'existence même de nos textes dans les dispositifs de circulation actuelle – et c'est là que ce n'est pas gagné (me souviens du "ça ne nous intéresse pas" quand j'avais proposé à la bib Lettres UdeM un accès gratuit à publie.net, qui m'intéressait pour mes étudiants)
assurer l'implantation même microscopique de création contemporaine dans circuit de prescription commerciale numérique, comme elle l'était (l'est encore partiellement) dans la librairie traditionnelle, là le principe de notre effort : et ce n'est jamais évoqué dans les blogs émanant du monde bibs ou documents, toujours sur cette obsession du "modèle économique" dont on se contrefout, c'est ça qui m'attriste tu ne peux pas savoir comment
et tiens, au fait, à quand la version numérique de ton propre livre ?!
Salut François,
Réponses dans le désordre.
Pas de version numérique de mon livre ? Légende twiterraine :
http://www.editionsladecouverte.fr/...
dispo depuis février sans DRM, comme tous les eBooks de La Découverte.
Il n'y a pas en effet de Gutenberg dans ton modèle. Gutenberg, c'est une impression en une seule fois d'un grand nombre d'exemplaires. Mais pour autant ton modèle tient compte des différents acteurs de la chaîne avec leur spécificité. Les libraires, nous verrons ce que cela donnera. On peut être plus optimistes avec les bibliothèques qui ont, tout de même, 2000 ans d'histoire derrière elles. Le numérique pour elles n'est qu'un chapitre de plus.
Pour le juridique, il faut demander à Lionel Calimaq. Je ne suis pas compétent. Mais l'important d'un point de vue de stratégie économique est bien de mettre l'oeuvre au centre. Aujourd'hui, le support premier de l'oeuvre est numérique. Il est logique que le raisonnement et l'activité principales partent de là. Les autres prestations sont dérivées de celle-ci.
Même si les ventes de ebooks augmentent, je ne crois pas à la possibilité d'un équilibre financier avant longtemps sur ce simple créneau pour les éditeurs. Une liseuse ou une tablette, c'est une bibliothèque portative. Dès lors, l'acception à payer par titre est faible et donc aussi la rentabilité par titre. Les prix sont tirés vers le bas.
Je comprends ton chemin... mais ce blogue est consacré à l'économie du document. Il est logique d'y parler d'économie. De plus, sans un minimum d'équilibre financier ou équivalent aucune entreprise humaine ne peut durer. Ainsi le modèle économique n'est pas une variable secondaire. Et puis, je suis sûr que tu ne seras pas mécontent, si tu peux montrer que l'on peut promouvoir la littérature numérique et en vivre décemment. Ce serait une belle leçon.
Alors ne faisons pas semblant de nous contrefoutre de la question économique. Cela n'enlève rien à l'intérêt pour la littérature.
merci des réponses et du dialogue, Jean-Michel, même espérant bien te détromper pour ce qui est diffusion livre numérique!
et dont acte pour la Découverte en numérique - trompé par SP papier, dont je te remercie