Beaucoup d'observateurs se sont esbaudis ces derniers jours du prix payé par Facebook pour l'achat de Instagram (1 Milliards de $), se sont interrogés sur les subtilités stratégiques de cette acquisition ou encore se sont inquiétés des conséquences sur le service rendu aux usagers.

Mais plusieurs articles de la presse US qui éclairent les détails de cette transaction (NYT, WSJ, repérés par Le Monde) montrent aujourd'hui qu'il s'agit surtout d'un tour de passe-passe du Pdg de Facebook qui illustre jusqu'à la caricature la thèse présentée ici même dans un billet précédent sur le pouvoir absolu des ingénieurs managers (voir d'ailleurs dans le même temps une autre illustration chez Google Libé).

Instagram ne sera pas payée 1 Milliards de $

Sur la base d'un prix de 1 Mds, le rachat de la firme s'est fait pour 30% en cash et 70% en actions. Cela signifie qu'aujourd'hui dans ce deal personne ne peut dire combien vont toucher les propriétaires d'Instagram, mais Facebook, lui, ne paiera "que" 300 Millions de $.

La valeur finale du prix touché dépendra donc de la valeur des actions de Facebook qui doit entrer en bourse mi-mai. Il semble que le deal se soit construit sur une valorisation de 75 Mds, en dessous des prévisions actuelles des observateurs actuellement à 100 Mds. Il est donc possible que les vendeurs touchent plus que le milliard promis.

D'un autre côté, le cout payé par Facebook, 300 Millions, n'est pas une si mauvaise affaire puisqu'Instagram était valorisée juste avant l'opération à 500 Millions sur le second marché.

Ainsi les dirigeants des deux firmes touchent le jackpot, sur le dos des spéculateurs boursiers. Le vendeur en récupérant un joli pactole, l'acheteur en ajoutant au portefeuille de son entreprise des services complémentaires aux siens à un coût intéressant. Mieux en attirant l'attention sur Facebook à un moment propice, on favorise sa valorisation à venir. Ce qu'on appelle dans les affaires du win-win.

Les deux compères

Il est un peu vain alors, je crois, de tenter une analyse stratégique sophistiquée de cette histoire, qui ressemble plus à une combine qu'à un choix entrepreneurial.

L'opération, racontée par le WSJ, s'est réglée en un week end, dans un quasi tête à tête entre Mark Zuckerberg, 27 ans, et Kevin Systrom, 28 ans. Le premier détient 28% des actions de sa société, mais contrôle 57% des votes. Le second détient 45% des parts de la sienne. Tous les deux sont donc très directement intéressés, et n'ont pas besoin de l'aval de leurs investisseurs pour prendre des décisions. Du moins aujourd'hui.

Selon le WSJ, le pdg d'Instagram aurait demandé d'abord un prix de 2 Mds de $. Voilà l'argumentaire de la négociation selon le WSJ (trad JMS) :

On raconte que M. Zuckerberg, qui envisageait de payer principalement en actions, a demandé à M. Systrom ce qu'il pensait de la valeur de Facebook. S'il croyait qu'un jour Facebook vaudrait autant qu'une société comme Google, 200 Milliards ou plus, alors l'équivalent de 1% de Facebook serait suffisant pour atteindre son prix.

C'était un argument comme un autre, sachant que la façon traditionnelle d'évaluer une société, par son cash-flow ou la somme de ses parties, est sans fondement quand la société ne propose qu'un produit et le donne gratuitement.

Ce dernier paragraphe sonne curieusement dans un tel journal. Il montre à quel point la finance est fascinée par la croissance explosive en activité des médias sociaux. Croyant sans doute à un futur âge d'or de l'exploitation des données personnelles, elle a perdu tout esprit critique.

Drole de monde. En attendant, certains gamins astucieux savent profiter de la situation.

Bourre et bourre et ratatam...