Beaucoup de bruit en ce moment en France autour des relations entre Google et la presse et le projet de taxer la firme pour alléger les pertes accumulées du secteur. On trouvera ici un bon résumé de la position ambigüe des journaux français dans cette affaire.

Pour amener ma petite pierre, voici deux points supplémentaires qui, curieusement, n'ont pas été évoqués et pourtant se trouvent au centre de la question.

Combien Google-news rapporte-t-il à Google ?

Dans un billet publié, il y a deux ans, j'avais relayé ce début de réponse : on peut s'interroger sur la motivation réelle de la firme à développer un service qui ne lui procure pas de revenus directs puisqu'il n'y a pas de publicité sur les pages du service. La réponse vient d'être donnée par Marissa Mayer, responsable des recherches sur les produits et les usages de la firme à un déjeuner du journal Fortune qui la résume ainsi (trad JMS) :

Google News est gratuit et n'a pas de publicité. Alors combien rapporte-t-il à Google ? Environ 100 millions de $. (..) Le géant en ligne compte sur Google-News pour orienter les lecteurs vers le principal moteur de recherche de Google, où ils font des recherches qui, elles, génèrent de la publicité.

What’s Google News worth? $100 million, Fortune, 22 juillet 2008 (ici) repéré par Abondance ().

(...) Il n'y a bien évidemment aucun monopole possible de Google sur la capacité de traitement des pages des journaux, mais une rentabilité certaine, si l'on en croit les chiffres indiqués, d'un service qui reprend la classification et le filtrage réalisé par les journaux, y adapte la puissance de traitement sémantique de la firme, et ne demande in fine qu'une maintenance légère.

Depuis les techniques de personnalisation se sont développées. Google-news propose de réaliser par filtrage son propre journal. On peut penser que, par ce biais, Google peut affiner ses techniques de ciblage publicitaire, ce qui est un apport supplémentaire du service, encore peu développé il y a deux ans.

Qu'est-ce que la presse traditionnelle apporte à Google ?

Les journaux français mettent en avant l'apport en contenu de la presse et donc la possibilité pour Google d'enrichir sa base sémantique par leur traitement. La réalité est moins évidente. On s'en convaincra en consultant le webinaire que nous avons réalisé avec Franck Rebillard.

J'en tire les éléments suivants :

  • La seule entreprise de médias à laquelle Google paye pour l’information (en France), c’est l’AFP. Pas seulement en raison du risque de procès. Google a besoin de l’AFP pour connaître en amont ce que vont être les sujets les plus importants de la journée.
  • Il y a une forte redondance de l'information dans les médias traditionnels. Les traitements différents proviennent souvent des pure players (Médiapart, Rue89) ou de blogs.
  • Face au web, le traitement de l'information a tendance à s'accélérer dans les médias traditionnels et les stratégies de référencement ont un impact certain sur la rédaction des articles de presse.

Ainsi, il n'est pas vraiment sûr que la presse apporte grand chose à Google. Le service qui a une vraie valeur ajoutée pour lui est l'AFP et, là, la transaction commerciale a été négociée. Rien de plus logique.

Donc en résumé : 1) Google-news permet à Google de maintenir l'internaute sur ses sites en l'incitant à des recherches sur le moteur et nous savons combien cela est conforme à l'évolution générale du modèle Google (ici pour l'interprétation du CA, pour la logique générale expliquée à partir de l'exemple du KnowledgeGraph) ; 2) La presse traditionnelle n'amène pas grand chose à Google, sinon peut-être sa légitimité, c'est-à-dire le capital de son image de marque. Le principal apport provient des agences de presse.

Même si on peut comprendre la nervosité des journaux face à la santé financière de Google, on peut penser que le combat mené aujourd'hui est décalé par rapport à la réalité des faits.

Voir en complément : B. Raphael, « Google contre les éditeurs de presse: au bal des hypocrites ». La tribune, 29 oct 2012 .

01 nov 2012

Il y a des signes qui ne trompent pas :

«  Crise de la presse : même Superman jette l’éponge !- Etreintes digitales », 29 oct 2012

05-11-2012

Voir aussi :

The press, Google, its algorithm, their scale F Filloux 4 nov 2012