Ce court billet présentera en premier lieu quelques éléments essentiels à comprendre au sujet des données ouvertes. Par la suite, deux initiatives concrètes nées de l’ouverture des données publiques seront rapidement présentées, afin d’illustrer comment les données ouvertes stimulent l’innovation et permettent d’améliorer la vie quotidienne des citoyens.

1. Éléments à garder en tête

1.1. Donnée ou information ?

Ma situation géographique enregistrée dans mon téléphone intelligent, la vitesse de mes déplacements, la température extérieure, le nombre de citoyens utilisant les transports en commun, etc. : pratiquement tout ce qui nous entoure est « donnée ». Une donnée est, de par sa définition, brute. Elle n’est pas encore interprétée et c’est ce qui la différencie d’une information. En ce sens, une donnée est manipulable, interprétable, traitable et analysable, tandis qu’une information a été contextualisée et mise en forme. Par exemple, le fait que 74,61% des Québécois se soient rendus aux urnes en 2012 est une donnée brute qui n’a pas été traitée. Par contre, si je lis dans un journal qu’un plus grand nombre de Québécois ont voté l’an dernier que lors des élections de 2008, il s’agit d’une information : la donnée a été traitée et interprétée.

1.2. Donnée ouverte

Pour qu’une donnée soit considérée comme étant « ouverte », elle doit répondre à plusieurs critères d’ordres technique, juridique et économique : elle doit être disponible dans un format facilitant sa réutilisation, ses licences d’utilisation ne doivent pas restreindre son utilisation et la réutilisation de cette donnée ne doit pas engendrer de redevances qui pourraient constituer un frein économique pour le citoyen. À ce sujet, la ville de Montréal a adopté une liste de 10 principes de la donnée ouverte allant dans le même sens : les données ouvertes sont complètes, primaires, opportunes, accessibles, exploitables, non discriminatoires, non propriétaires, libres de droits, permanentes et disponibles à moindre coût (pour des définitions de ces concepts, visitez http://donnees.ville.montreal.qc.ca/demarche/dix-principes/).

1.3. Transparence et respect de la vie privée

Lorsque la décision de libérer des données est prise, la protection des informations personnelles est un enjeu de premier plan. Avant de publier des données publiques, l’institution détentrice doit s’assurer qu’elles sont bien anonymes. En ce qui concerne les données personnelles, l’accès à celles-ci ne doit être possible que pour l’individu concerné, via un portail web sécurisé.

Trouver l’équilibre entre la transparence et le respect de la vie privée est essentiel afin de préserver la confiance qu’éprouvent les citoyens envers leurs institutions. Ces deux aspects (la transparence et le respect de la vie privée) sont compatibles aussi longtemps que de bonnes structures de gouvernance sont en place. Pour plus d'information à ce sujet, nous vous recommandons de consulter le Open Data White Paper: Unleashing the Potential du gouvernement britannique.

2. Exemples d’initiatives

2.1. Handimap

Les données ouvertes de la ville de Rennes en France a donné lieu en 2011 à un concours nommé « Rennes Métropole en accès libre » (http://www.data.rennes-metropole.fr/) visant à récompenser les idées de services innovants utilisant les données publiques libres. Dans le cadre de ce concours, deux développeurs ont décidé de mettre leur connaissance de la cartographie en ligne en commun afin de créer un projet pouvant aider les citoyens atteints d’un handicap ou à mobilité réduite : Handimap (http://www.handimap.org/).

Le service du système d’information géographique (SIG) de la ville de Rennes gère un fichier recensant l'entièreté des emplacements de trottoirs surbaissés, données étant utilisées surtout dans le cadre de travaux d’aménagement. À l’aide de cette source et de d’autres données ouvertes disponibles, les deux ingénieurs en informatique ont créé ce nouveau service disponible en ligne, permettant de générer gratuitement des itinéraires adaptés aux individus à mobilité réduite. Cette initiative a, par la suite, été reproduite dans la ville de Montpellier.

2.2. Legislation.gov.uk

Legislation.gov.uk est un site web de données ouvertes créé par les Archives nationales qui facilite l'accès des citoyens britanniques à la législation en vigueur, entrant de ce fait directement en compétition avec les éditeurs commerciaux. Afin de maintenir le site à jour, des bénévoles sont formés par les rédacteurs afin d’acquérir les connaissances nécessaires. Ainsi, les données se trouvant sur legislation.gov.uk sont aussi récentes que celles des sites commerciaux. Dans un article publié sur le site Internet de The Law Society Gazette, le commentateur juridique Joshua Rozenberg invite justement les citoyens à se présenter comme bénévoles pour maintenir le site à jour :

« Ignorance of the law is, notoriously, no excuse. But the individual citizen has never had access to a free, up-to-date account of what the law is on any particular topic. Acts of parliament can be consulted in public libraries (if there are any left) but a printed copy is only the starting point: many acts do not specify a commencement date and the legislation, as passed, cannot tell you whether it has been subsequently amended or repealed.

That information is provided online by Westlaw UK and LexisNexis; but it comes at a price. The two legal publishers employ teams of researchers to update and annotate raw legislation as it arrives from parliament. If the Ministry of Justice did not buy subscriptions to these valuable services, even the judges would have difficulty keeping up.»

À première vue, le processus de publication semble être similaire à celui utilisé sur Wikipedia. Par contre, les conséquences peuvent ici s'avérer graves. Pour éviter les erreurs, chaque modification est révisée quatre fois avant d'être publiée.

Pour accéder aux données, l'utilisateur peut se servir du moteur de recherche afin de trouver une loi. Il peut ensuite télécharger la loi entière, ou seulement les sections qui l’intéressent (en ajoutant /data.xml ou /data.rdf à l'URL, par exemple). De plus, pour faciliter la réutilisation de ces données dans le cadre du développement de nouvelles applications, le site offre une interface de programmation (API). Fait important : ces données peuvent être réutilisées gratuitement sous l'Open Government Licence.

Grâce à ce site, les données ouvertes ont pu être utilisées pour créer plusieurs applications pour les téléphones intelligents (par exemple iLegal). Un service a aussi été créé afin d’aider les enseignants de droit dans leurs cours.

3. Conclusion

Dans le cas de Handimap, les données offertes par la voirie de la ville de Rennes et de la ville de Montpellier ont été reprises par un groupe de développeurs qui ont créé une application pour les citoyens handicapés. L'application mobile ainsi que sa version Web sont offertes gratuitement. Il s’agit donc d’un nouveau service pour les citoyens, qui n’implique aucun coût (autant pour les citoyens que pour les villes).

Pour ce qui est du site legislation.gov.uk, les jeux de données offrent une autonomisation des entreprises et des citoyens. Si, pour les entreprises, l’avantage principal de ces données demeure la création de produits et de services, pour les citoyens, il s’agit d’un accès à de l’information juridique à jour.

Il existe de plus en plus d’exemples d'utilisation des données ouvertes, qui sont les fruits des sociétés informatisées et des politiques des gouvernements ouverts. Bien que nous nous soyons limités à ces deux exemples, il serait intéressant d’exposer dans un billet ultérieur les avantages économiques des données ouvertes dans les pays en développement, ainsi que l’impact des données ouvertes internationales (données des Nations Unies, La Banque mondiale, etc.). La valeur démocratique et économique des données ouvertes ne fait plus de doute. Il ne reste que les administrateurs publics à convaincre.