Economie du document (Bloc-notes de Jean-Michel Salaün)

Repérage de données sur l'économie des documents dans un environnement numérique

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mardi 18 octobre 2011

Bibliothèque et architecture de l'information

Voilà une esquisse de Marie Martel sur la bibliothèque comme projet qui entre tout à fait dans la perspective du Master sur l'architecture de l'information que nous sommes en train de monter à l'ENS-Lyon avec la collaboration de Montréal.

Espace-media-Marie-Martel.jpg

Cliquer sur l'image pour l'animation.

Actu 21 novembre 2011

À compléter avec cette présentation de Vincent Audette-Chapdelaine.

mercredi 11 mai 2011

Économie des bibliothèques

Avec l'autorisation des éditeurs, j'ai déposé sur les archives ouvertes de l'EBSI la version française non encore révisée d'un chapitre sur l'économie des bibliothèques à paraître en anglais dans Handbook on the Economics of Cultural Heritage, Ilde Rizzo & Anna Mignosa (éd.). Londres : Elgar Publishing.

L’incommensurable économie des bibliothèques

Résumé :

Le modèle de la bibliothèque, très ancien, s’est adapté aux évolutions des sociétés démontrant sa souplesse et sa robustesse. Il s’appuie sur un écosystème fondé sur le partage et comprend deux moments, celui de la constitution d’une collection et celui de sa mise en accès et définit un écosystème autonome. Récemment les bibliothécaires ont développé des études pour mesurer le retour sur investissement de leurs services. Malgré l’intérêt de ces calculs, la valeur ajoutée originale de la bibliothèque est difficile à appréhender précisément. Elle s’appuie selon les contextes sur la mutualisation ou sur la capacité à trouver rapidement des informations inattendues et celle de conserver des informations potentiellement importantes. Le modèle et sa valeur peuvent s’interpréter comme mémoire additionnelle d’un individu, capital informationnel d’une organisation, ou empreinte d’une civilisation. Le numérique ébranle la bibliothèque, mais chaque média émergent a obligé celle-ci à se repositionner. Inversement, la bibliothèque a été une des premières sources d’inspiration pour le web dont certains acteurs ont réussi, aujourd’hui, à faire de l’exploitation son modèle une activité très profitable.

Accessible ici

lundi 18 avril 2011

La bibliothèque, média du temps long

Robert Darnton vient de publier un nouvel article dans lequel il dénonce cinq mythes au sujet de l'âge de l'information. Voici la traduction du quatrième :

«Les bibliothèques sont périmées». Partout dans le pays (USA) les bibliothécaires signalent qu'ils n'ont jamais eu autant de public. À Harvard, notre salle de lecture est pleine. Les gens s'entassent dans les 85 antennes du réseau public de bibliothèques de New-York. Les bibliothèques fournissent comme toujours des livres, des vidéos et d'autres documents mais elles remplissent aussi d'autres fonctions : l'accès à l'information pour les petites entreprises, l'aide aux devoirs et autres activités après l'école pour les enfants, les informations pour les offres d'emploi pour les chômeurs (la disparition des petites annonces d'emploi dans les journaux imprimés ont rendu l'accès en ligne par la bibliothèque crucial pour les chômeurs). Les bibliothécaires répondent aux besoins de leurs usagers de nombreuses façons inédites jusqu'ici, par exemple en les guidant dans la jungle du cyberespace jusqu'aux matériaux numériques pertinents et fiables. Les bibliothèques n'ont jamais été des entrepôts de livres. Tout en continuant à fournir des livres, elles seront à l'avenir des centres nerveux pour la communication de l'information numérique aussi bien à l'échelle du quartier que sur les campus universitaires.

Cela m'a rappelé un chapitre sur l'économie des bibliothèques que j'ai écris pour un manuel à paraître cet automne sur l'économie du patrimoine. Voici un cours extrait du début :

«Si l’histoire des bibliothèques ne se confond pas avec celle de l’humanité, elle est néanmoins très longue, bien plus longue que celle des médias classiques, parallèle à celle de l’accumulation et de la transmission des connaissances depuis qu’elles sont consignées sur un support grâce à l’écriture. On trouve les premières traces de bibliothèques dans l’Antiquité dès le début de la construction des civilisations et parallèle à celle des empires en Assyrie, en Égypte, en Grèce, en Chine. Chaque fois, elles furent un lieu de conservation des documents tout autant qu’un lieu de leur production, par la copie des exemplaires, nécessitée par la fragilité des supports qu’il fallait renouveler, et par la volonté de diffuser les documents.

Beaucoup plus tard vers les 12e et 13e siècles pour la Corée et la Chine et le milieu du 15e siècle pour l’Europe, l’invention de l’imprimerie à caractères mobiles a entraîné l’externalisation de la reproduction matérielle des documents qui a quitté alors le giron des bibliothèques pour devenir une des premières industries des temps modernes. Une activité économiquement autonome de production et diffusion des livres s’est organisée progressivement à partir tout d’abord des imprimeurs-libraires. Puis vers la fin du 18e siècle, l’économie commerciale du livre s’est construite autour de la figure de l’éditeur telle que nous la connaissons aujourd’hui (Mollier, 2003).

L’éditeur a pris progressivement une place dominante dans le processus de production-diffusion de l’objet livre, et les bibliothèques ont alors perdu leur monopole sur l’ensemble de la filière. La production intellectuelle du livre et des connaissances en général n’a pas pour autant échappé complètement aux bibliothèques qui sont restées un lieu familier pour les lettrés. Écrivains, professeurs, chercheurs, étudiants les fréquentent pour préparer leurs travaux et construire leurs œuvres.

Par la suite, l’émergence de nouveaux médias et de nouvelles indus-tries culturelles, la presse populaire au 19e siècle, les disques et la radio au début du 20e, la télévision et la vidéo venant après le cinéma ont élargi l’éventail de l’information et de la distraction pour le public. La place du livre s’est relativisée, mais chaque fois que cela était possible les bibliothèques ont intégré les nouveaux supports dans leurs collections sans modifier leur modèle, ni réduire leur rôle. Parallèlement au développement explosif d’autres médias, l’édition de livres imprimés d’abord, puis la presse, et ensuite la radio ou la télévision, la bibliothèque a bien maintenu son organisation, l’a développée par touches successives, a continué de la perfectionner, a accompagné et parfois devancé la gestion et la diffusion des connaissances dans les sociétés. Il faut ici faire une distinction entre les médias d’information enregistrées comme l’édition en général qui manipule des supports (livre, presse, disques) et les médias de communication qui distribuent du signal (radio, télévision). La production des premiers est intégrée directement dans les bibliothèques, celle des seconds ne peut l’être que dans la mesure où un enregistrement est effectué. Aujourd’hui le web qui mélange les deux modalités pose des questions inédites au modèle de la bibliothèque. L’évolution des bibliothèques, comme celle des centres d’archives et les musées, est en réalité parallèle à celle des sociétés et de leur rapport aux connaissances enregistrées, participant à la croissance économique. Certains (Hedstrom & King, 2006) parlent à leurs sujets d’ « infrastructures épistémiques » (Epistemics Infrastuctures), c’est-à-dire d’institutions facilitant l’organisation des connaissances.

Dans une société où les connaissances circulent de plus en plus vite, cette force tranquille a un avantage. Média le plus ancien, c’est aussi celui où l’on peut s’abstraire du cycle trop rapide des médias modernes qui tend à écraser les informations par leur renouvellement et à perdre l’attention du lecteur dans une surabondance. Le flot des médias contemporains est trop puissant, trop abondant pour autoriser un filtrage efficace. On va aussi à la bibliothèque pour y retrouver dans le calme des documents que les autres médias détruisent ou noient dans le renouvellement insatiable de leur production ou on utilise les services d’un bibliothécaire ou d’un documentaliste pour retrouver les informations utiles perdues dans le chaos général. Ainsi la bibliothèque est-elle le média du temps long s’adaptant à l’évolution des sociétés et tempérant la précipitation des médias plus jeunes, plus tempétueux et plus éphémères. Cette qualité, loin de rendre son économie obsolète est au contraire aujourd’hui un levier sur lequel la bibliothèque peut s’appuyer pour s’adapter aux défis nouveaux du numérique. »

mercredi 30 mars 2011

La redocumentarisation en quatre images

Pour avancer dans les réflexions sur la redocumentarisation et la théorie du document dans la continuité du travail collectif sur Roger II, voici quatre images et quelques réflexions. Tous les commentaires et critiques sont bienvenues, j'avance sur un terrain encore à défricher.

Documentarisation

La première image est issue du livre testament de P. Otlet, premier théoricien de la documentation, et date de 1934 :

Otlet-1934.jpg

Les quatre premières lignes veulent présenter la construction des documents. À partir de l’univers, se forment les représentations grâce aux intelligences humaines particulières qui ensuite s’organisent et se confrontent dans la dynamique de la science et sont consignées dans des livres eux-mêmes réunis dans les bibliothèques.

Les trois lignes suivantes présentent les principaux éléments de l’ordre documentaire nouveau selon P. Otlet. Il s’agit d’abord de rédiger des notices bibliographiques et de les réunir dans un répertoire bibliographique universel. L’ensemble de ces fiches réunies dans les meubles à tiroirs a constitué le catalogue de la bibliothèque jusqu’à l’arrivée de l’informatisation à la fin des années soixante-dix. Il s’agit d’abord de l’outil de repérage des documents dans une collection de bibliothèque. La notice bibliographique est donc un substitut du document qui le remplace avantageusement dans le système documentaire du fait de son formalisme, aujourd’hui nous dirions qu’il s’agit de ses métadonnées. Le système documentaire est piloté par des catalogues normalisés et reliés entre eux. Pour P. Otlet, il doit même être centralisé dans un répertoire universel. L’auteur suggère un instrument supplémentaire, l’Encyclopédie, constituée d’une série de dossiers de synthèse sur tous les sujets constituant le savoir humain, réalisés et actualisés par les documentalistes à partir des documents existants et diffusables à la demande. Dernier élément essentiel à l’ordre documentaire : la classification. La classification joue pour P. Otlet un rôle central, organisant et reliant l’ensemble des instruments.

Ce modèle systématise et justifie le rôle de la bibliothèque qui l'appliquera et le perfectionnera jusqu'à aujourd'hui. Il sépare clairement la production du livre de la documentarisation qui vient ensuite.

Redocumentarisation

La seconde image est celle du «cake» du Web sémantique.

Web-semantique-2007.jpg

Dans le schéma de P. Otlet, on trouvait tout en haut les auteurs qui pensaient le monde, le représentaient en concepts grâce à la science et le consignaient dans des documents. Le schéma du W3C met à leur place des utilisateurs qui, plutôt que représenter le monde, vont reconstruire selon leurs besoins des réponses à leurs questions à partir des ressources documentaires existantes. On pourrait dire en raccourci le monde n’est plus représenté par un travail scientifique préalable, mais chacun se représente le monde à partir de données récoltées préalablement. On pourrait discuter longtemps de la pertinence épistémologique de l’une ou l’autre posture. Là n’est pas mon propos, je voulais simplement souligner que d’un point de vue documentaire celles-ci sont inversées : l’une part des producteurs de documents et classe ces derniers ; l’autre part des lecteurs qui reconstruisent les documents à partir de ressources classées.

Les trois dimensions

De plus sans discuter les détails d’un schéma qui n’est pour ses auteurs même qu’illustratif, on peut remarquer que l’on retrouve dans la succession des couches les trois dimensions du document . Déjà présentées pour le livre ainsi :

3-dimensions-document.jpg

Les couches les plus basses (URL/URI, XML, RDF) concernent les adresses et les formats des ressources, c’est à dire le repérage par la forme. Les couches intermédiaires (SPARQL, OWL, RDFS, RIF) s’occupent de la recherche, de l’indexation, de la sémantique, de la représentation des connaissances, c’est à dire un traitement à partir du contenu, du texte. Enfin les couches supérieures supportent des règles sociales (Unifying logic, Proof, Trust), celles-là même qui supportent la fonction du document, transmission et preuve. J’ai donc découpé le « cake » en tranche que j’ai redistribué sur les trois dimensions du document. Cette présentation, comparée à celle que j’avais présenté pour le livre souligne l’ampleur de la réingénierie documentaire. Précédemment nous trouvions une représentation du livre sur chacun des sommets du triangle, même si la différence de perspective soulignait les différences de dimensions. Cette fois, le document n’apparait plus qu’au centre, comme un navigateur qui le reconstruira à la demande de l’internaute. On pourrait dire que le système documentaire a réintégré la construction du document. La notion « parenthèse Gutenberg » prend alors une tout autre ampleur. L’imprimerie avait sorti la production documentaire des bibliothèques, des infrastructures épistémiques de l’époque. Le numérique réintègre la production documentaire dans l’infrastructure épistémique contemporaine : le web.

WS-dimensions-document.jpg

Cette représentation triangulaire a la vertu supplémentaire de casser l’empilement et sa lecture linéaire en montrant notamment les liaisons fortes qui existent entre les formats et les adresses et la confiance et la preuve.

lundi 07 mars 2011

Bibliothèques publiques et développement local

Sans doute on aurait du mal à trouver l'équivalent dans le monde francophone où l'articulation de la culture avec l'économie est souvent considérée comme un blasphème. Et pourtant..

Un rapport américain, intitulé Making Cities Stronger: Public Library Contributions to Local Economic Development (ici), publié en 2007 apporte un éclairage intéressant sur la contribution des bibliothèques publiques des villes américaines au développement local. Il souligne quatre apports essentiels :

  1. Les services de lecture pour les jeunes qui sont le premier maillon d’une chaîne d’investissements indispensables pour construire une force de travail éduquée qui assurera une compétitivité locale dans l’industrie de la connaissance.
  2. Les ressources sur l’emploi et les carrières préparent les travailleurs aux nouvelles technologies. Grâce à leurs ordinateurs en accès libre, les bibliothèques sont le premier point d’entrée aux nouvelles technologies pour nombre d’usagers. Maintenant que la recherche d’emploi se fait en ligne, les bibliothèques se sont organisées, souvent en collaboration avec les agences locales, pour fournir des formations aux nouvelles technologies.
  3. Des ressources et des programmes pour les petites entreprises pour abaisser les barrières à l’entrée sur les marchés. Une des plus grandes difficultés classiques des petites entreprises est l’accès courant et clair aux données sur les produits, les fournisseurs et le financement. Les bibliothèques sont un point d’entrée permanent pour ces bases de données maintenant en ligne.
  4. Les bibliothèques, comme lieu, servent de catalyse pour le développement local. Par leur fréquentation importante, les bibliothèques animent des zones de chalandise.

Le rapport conclut (trad JMS) que les bibliothèques publiques sont bien placées pour alimenter non seulement la nouvelle, mais aussi la prochaine économie par leur rôle dans la construction des compétences technologiques, l’activité entrepreneuriale et leurs lieux vivants et accueillants. La combinaison entre un rôle plus important dans les stratégies de développement économique et leur omniprésence – 16.000 antennes dans plus de 9.000 systèmes – fait des bibliothèques publiques des outils stables et puissants pour les villes qui cherchent à construire une économie solide et résistante. (p.3)

Pour avancer dans ces directions le rapport propose aussi des outils d'analyse stratégique.

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