Longue traîne et bibliothèques
Par Jean-Michel Salaun le dimanche 10 septembre 2006, 04:48 - Bibliothèques - Lien permanent
D. Durand vient de publier une excellente synthèse critique du livre de Chris Anderson The Long Tail. L'auteur, lui-même, dans son blog signale plusieurs études universitaires qui reprennent, discutent et développent sa proposition, confirmant la remarque de D. Durand :
.. il va à mon avis rester comme l'un des livres "business" forts de ces prochaines années ! Il décrit en effet un phénomène appelé à se généraliser (industries et géographie) et à fortement modifier l'économie des sociétés ainsi que la vie des citoyens si son ampleur se confirme.
L'article initial publié dans Wired, qui a été développé en livre après discussions sur le blog de l'auteur, a été traduit en français par InternetActu. J'imagine que la traduction du livre lui-même ne saurait tarder.
Citons le résumé de la thèse fondamentale, tel que le propose D. Durand. Tout est dans la courbe :
''En mathématique, la longue traîne est une loi de puissance: la demande pour un produit est une fonction exponentielle décroissante du rang de classement de ce produit dans la demande globale. Sous forme graphique, cela donne:
Cette courbe descend donc de manière asymptotique vers le zéro sans jamais le toucher. L'objectif des sociétés basées sur cette Longue Traîne comme Amazon est de monétiser (avec des profits…) la zone de demande où celle-ci est tellement faible qu'aucune rentabilité ne pouvait être envisagée avant l'Internet (i.e le côté droit de la courbe ci-dessus).''
Pour nous, il faut souligner deux points essentiels pour éclairer les bouleversements actuels de l'économie du document :
- La courbe n'est pas une nouveauté pour les bibliothécaires (loi de Bradford), ni pour les sciences de l'information (lois de Lotka et de Zipf). Ce qui est nouveau, c'est qu'elle est maintenant reconnue comme une loi de distribution fondamentale sur le Web, et, pour la partie développée par C. Anderson, qu'elle trouve un débouché économique du fait de la chute dans certains domaines des coûts de transaction. Les conséquences sont très nombreuses dans l'économie du document. C'est une des clés de lecture des conséquences du numérique sur toutes les branches de l'industrie de la culture et de l'information.
- Les bibliothèques se justifiaient d'un point de vue économique parce qu'il était nécessaire de mutualiser les coûts de transaction pour ne pas perdre l'apport des documents peu demandés et pourtant peut-être fondamentaux pour l'avenir. La possibilité de faire des affaires avec la longue traîne bouscule le monopole du modèle de la bibliothèque sur ce terrain. Roger, dans ses discussions, a développé cette question. C'est aussi donc une clé de la fragilisation du modèle bibliothéconomique et de la nécessité à réfléchir à une alternative.
Mais, il ne faut pour autant oublier la partie gauche de la courbe (c'est-à-dire la concentration de l'attention et donc des ventes sur un nombre réduit d'items) qui, évidemment, reste un des piliers fondamentaux de l'organisation économique du document.