La richesse des commentaires à mon précédent billet sur « Marketers et communautés virtuelles » m'amène à rebondir. Je n'épiloguerai pas sur le terme de "communauté". Il me semble que l'on peut se contenter de l'ambiguïté actuelle. La vitesse des changements risque de rendre caducque toute tentative de précision.

Sophie Pène fait référence à un article de R. Esposito de 2001, malheureusement, il ne semble pas être en ligne. Mais il peut être utile de revenir aux tenants de l'économie du don, pour approfondir un précédent billet sur le sujet. J'ai relevé ci-dessous un numéro de la revue qui fait autorité en la matière :

Don, intérêt et désintéressement Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres Alain CAILLÉ 352 p., La Revue du M.A.U.S.S. (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) 2005

Voici la conclusion de l'Introduction (36p.) :

Nous serions cependant bien inspirés, croyons-nous, de ne pas oublier que la visée de parité réside au coeur du don ; que le défi qu’il lance ne tend au fond qu’à l’établir. De même, choisissant ses alliés et ses amis selon une logique de l’affinité, entrant en relation avec eux parce qu’il est lui et parce qu’ils sont eux – des êtres singuliers et non les éléments interchangeables d’une masse indifférenciée – celui qui donne est-il créateur de pluralité humaine. De même enfin – et c’est là sa définition minimale – prenant le risque d’agir et d’offrir sans garantie de retour, acceptant par là-même le fait de la division entre moi et autrui, entre l’ici et l’ailleurs, entre l’avant et l’après, le don permet-il l’alliance entre les hommes à travers la mise en jeu de leurs différences (de la différance, dirait J. Derrida). Il n’est pas besoin d’être grandiose ou surhumain pour accéder à la possibilité d’un tel don. Ni de faire abstraction de ses intérêts. Il suffit d’agir en se soumettant aux exigences de parité et de pluralité. C’est peu, dira-t-on. Peut-être, mais rien d’autre ne saurait faire le prix de la vie des hommes.

Cette citation trouve une résonance particulière dans les échanges qui se sont multipliés sur le Web 2.0. Tout particulièrement, concernant le déplacement, ou parfois l'effacement, de la frontière entre les espaces public et privé dans le domaine documentaire, noté par Roger. Ainsi, la mission de service public des institutions documentaires se trouve décalée (cf. commentaire de Bibliosession dans le précédent billet). D'autre part, il serait naïf de penser que les marketers n'appliquent pas à ce mouvement un raisonnement très utilitariste, ce qui relativise la référence. L'économie du don peut être récupérée par l'économie marchande.

Reste que ces échanges eux-mêmes montrent la pertinence de la citation d'A. Caillé..