Un document est une prothèse de notre mémoire, comme une main articulée est une prothèse de la préhension pour un manchot. Nous n'avons pas assez approfondi cette affirmation. Et cette paresse nous conduit souvent à simplifier l'analyse, nous interdisant de bien comprendre les mouvements en cours.

Pour utiliser sa prothèse, une main articulée, un manchot doit d'abord trouver celle qui s'adapte correctement à son bras, puis apprivoiser la machine par un apprentissage, enfin il pourra s'en servir dans la vie courante.

Pour le document, nous avons aussi un processus en trois temps : repérer le document qui pourrait nous être utile, le lire (ou en prendre connaissance) et enfin en intégrer les éléments de connaissance dans notre vie courante. Il s'agit, dites autrement, des trois dimensions proposées par Roger.

Chacun de ces temps forme une étape dans le service de mémoire, et pour chacun, il est possible de construire une activité en tenant compte des particularités économiques du document.

Les bibliothèques ou aujourd'hui les moteurs s'en tiennent à la première étape. L'astuce des moteurs est de valoriser la captation de l'attention associée.

Les médias classiques ont construit leur économie sur la seconde étape : la valorisation du contenu pour lui-même. Aujourd'hui, ils sont fragilisés d'une part par la concurrence sur le marché des annonceurs apparue dans l'étape précédente et par la constitution de contenu par les internautes eux-même dans le Web 2.0. Le manchot bricole un peu sa main tout seul.

La troisième étape n'a pas jusqu'ici eu de valorisation économique autonome, mais certains documents y participent directement (ceux que M. Zacklad appelle les "documents pour l'action" ou ceux que manipulent des record-managers). Le projet de Web sémantique, rebaptisé récemment Web 3.0, est une tentative, discutable si elle n'inclut pas les particularités documentaires et sans projet économique clair, d'aller dans cette direction.