À l'occasion du MIDEM 2007, le débat sur la gratuité et les DRMs rebondit encore. Voici quelques réactions, suivies d'une mise en perspective à partir des thématiques de ce blog.

Extrait d'un article de Libération : L'industrie du disque en plein jeu de pistes, Christophe Alix, Libération lundi 22 janvier 2007.

Si l'on «ne peut jamais faire mieux que zéro dollar pour toute la musique du monde», comme ironise un participant, autant imaginer de nouveaux modes de financement. Le «futurologue» Jacques Attali est venu prophétiser une musique 100 % gratuite pour le consommateur, où les enregistrements seront une sorte de produit d'appel pour les concerts, payants. «Tout ce qui est du ressort du numérique sera gratuit. Ce sont les autres expériences musicales, c'est-à-dire celles qui ne sont pas duplicables à l'infini, que l'on fera payer», a ajouté Chris Anderson (directeur de la rédaction du magazine américain Wired). Ce dernier pronostique un morcellement quasi-infini du marché autour d'une multitude de références, avec la disparition des maisons de disques sous leur forme actuelle. De géants du Web comme Yahoo à une kyrielle de petits acteurs des réseaux P2P, du mobile ou du disque, ils sont nombreux à considérer que la publicité sera, demain, la première source de revenus de la musique.

Christian Nitot, fait remarquer de son côté que les DRMs ont aussi des inconvénients en matière de stratégie industrielle. Extrait de son billet :

Seulement voilà, devant le succès d'Apple et son modèle fermé, l'industrie se retrouve coincée : elle doit composer avec la firme à la pomme, et ça pose des problèmes. On se souviendra des conflits autour du prix des chansons, où Steve Jobs a réussi à maintenir le prix unique de 99 centimes l'unité, contre l'avis des majors. Depuis les distributeurs, (les disquaires) se retrouvent évincés. Apple, cette aide providentielle, s'est transformée en monstre plus puissant que son maître.

Enfin, on appréciera cet édifiant et savoureux dialogue, à l'ouverture du MidemNet entre le président de la RIAA (Recording Industry Association of America), Mitch Bainwol, et le président de la CEA (l'Association d'électronique grand public), Gary Shapiro, rapporté par Coolfer :

Bainwol: "Technology is the basis of our future. We have to be able to monetise product and, every time we try, you want to make it available for free so people can buy devices. Gary stretches the concept of fair use to the point where the notion of ‘fair’ has been eliminated. You have to protect the market value. Gary wants to morph fair use into a concept that justifies any consumer behavior to the point where you eliminate the value of property. ... Gary takes a concept, morphs it, makes us look like we’re evil."

Shapiro countered: "I don’t make you look evil - your lawsuits against old people around the country make you look evil. You’re very good at paraphrasing things I never said."

Via Ratatium

Nous nous trouvons bien dans un dialogue de sourd où deux volets de l'industrie ont des intérêts apparemment divergents. Néanmoins, il me semble qu'à partir du pentagone présenté dans un précédent billet, il serait possible d'avancer plus loin et plus vite par une meilleure compréhension de la réalité de l'industrialisation de notre mémoire collective.

Dans ce raisonnement, le Web-média est un modèle intermédiaire entre la radio-télévision et la bibliothèque, comme la presse est intermédiaire entre l'édition et la radio-télévision. Comme intermédiaire, il prend des éléments à l'un et l'autre et on peut en déduire plusieurs observations :

  • La gratuité, ou quasi-gratuité, pour le consommateur se trouve aussi bien dans les bibliothèques que dans la radio-télévision. Il est logique que l'on retrouve cette caractéristique dans le Web-média.
  • Le financement peut-être mixte, par la collectivité (publique ou fondation) comme les bibliothèques et une partie de la radio-télé et par la publicité, comme la radio-télévision.
  • Cela ne signifie pas que les propriétaires de droits ne sont pas rémunérés, en droit de diffusion, par programme ou globalement, ou en droit de prêts, globalement.
  • Le fair-use s'applique, mais dans des circonstances clairement déterminées. De même pour la copie privée.

Sans prétendre avoir trouvé la martingale, il me semble que ce pentagone fournit un cadre de raisonnement plus précis et raisonnable. Tout comme la presse prend des éléments dans les deux modèles qui l'entoure (rémunération à la vente et à la publicité ; gestion du temps semi-continue..), l'économie du Web-média s'installe à mi-chemin entre les bibliothèques et la radio-télévision.