Il est loin le temps où l'éditeur s'appelait imprimeur-libraire. Aujourd'hui le premier cache ses rentes tandis que le dernier souffre.

D'une tribune libre de Pascal Fouché, grand connaisseur de l'édition, dans le quotidien Libération, j'extrais ce passage (le reste est surtout relatif à la situation française) :

Que deviendront les librairies et les bibliothèques si on peut accéder aux contenus numériques sans intermédiaire ? Les débats actuels cachent mal une réalité historique : alors que des éditeurs font fortune, les libraires meurent peu à peu. Depuis dix ans, ce sont les ventes en ligne qui font peur, et pourtant elles ne représentent encore que 4 % du marché. En Allemagne, elles atteignent 8 % ; aux Etats-Unis, elles sont à 12 % à cause d'un tissu de librairies beaucoup moins important.

Il faut se rendre à l'évidence : Internet est un des canaux de vente du livre et, dans quelques années, il se sera substitué à la vente par correspondance et par courtage, et les clubs qui représentaient 30 % des ventes il y a trente ans.

Fouché Pascal, L'arrivée des moteurs de recherche bouleverse les professionnels. Libraires et bibliothécaires doivent revoir leur métier à l'aune du tout-numérique. Livres, le Net défie la chaîne, Libération 21 fév 2007.

La remarque de P. Fouché renvoie aux gains de productivité, bien différents dans les différents maillons de la chaîne.

La librairie traditionnelle a peu de possibilités d'économies d'échelle ou de gamme. Au contraire, l'augmentation des loyers et la multiplication des titres jouent contre elle et la vente en ligne la concurrence directement. L'éditeur quant à lui profite largement de la multiplication des canaux de diffusion et de communication sur ses titres. De plus, il a vu ses coûts de fabrication baisser de façon importante. Les études sur ce dernier sujet sont rares. C'est pourquoi celle-ci est précieuse, même si les chiffres sont anciens :

de Toledo Alain, Faibis Laurent, Du coût du livre au prix des idées. Tirages, coûts de fabrication et prix dans l'édition de sciences humaines et sociales et de sciences techniques 1988-1998. Département des études et de la prospective, Ministère de la Culture 2001, 112 p. Rapport, Annexes.

Extrait de la conclusion :

"Au bout de cette période qui, rappelons-le, ne fut pas sans difficultés pour un certain nombre de maisons, le secteur apparaît, en effet, globalement comme gagnant, avec un chiffre d’affaires en hausse et des marges reconstituées.

La baisse des tirages moyens est de 22 % si l’on compare la période 1996-1998 à la période 1989-1991. Elle est donc réelle et massive et elle continue régulièrement année après année : entre 1989 et 1998 elle atteint 30 %. L’augmentation du nombre de titres est forte : on peut l’évaluer à 40 %, soit le double de la baisse du tirage moyen, ce qui contredit une opinion communément répandue dans la profession selon laquelle l’augmentation du nombre de titres compenserait la baisse des tirages moyens.

Le chiffre d’affaires est en nette progression : 18 % sur la période, soit approximativement + 5 % pour le volume des ventes et + 13% pour l’augmentation des prix."

Parler de "crise du livre" n'est pas vraiment pertinent. Nous assistons plutôt à une réorganisation de la filière, douloureuse pour l'aval de la chaîne, mais, malgré des plaintes continuelles, plutôt favorable pour l'amont.

Actu du 22 février : Du côté du Québec, les librairies indépendantes cherchent à se coordonner. 70 se sont regroupées. Voir ici.