Europeana : ouverture du site et départ des deux présidents
Par Jean-Michel Salaun le jeudi 22 mars 2007, 12:56 - Bibliothèques - Lien permanent
Donc à la veille du Salon du livre de Paris, le prototype de la Bibliothèque numérique Europeana est maintenant officiellement présenté. En attendant des tests plus professionnels, on trouvera ici une première évaluation. Ceux que le feuilleton du projet, plus français que réellement européen, intéresse, trouveront ici tous les épisodes.
La seule vraie nouvelle de ce dernier est la non-reconduction de Jean-Noël Jeanneney à la présidence de la BNF. Atteint par la limite d'âge, il lui aurait fallu un décret du président de la République pour rester en poste, qui lui a été refusé. L'ensemble du projet de bibliothèque numérique avait cette perspective en horizon. Maintenant que les deux présidents qui l'ont porté quittent leur poste en avril, ma perplexité reste entière. Attendons donc de connaître les noms des futurs, mais qui d'autre s'est jusqu'ici avancé dans le monde politique ou culturel français pour défendre une bibliothèque numérique européenne ?
Commentaires
Il est à noter qu'il y a un écart substantiel entre le discours de JN Jeanneney (Europeana vs Google Book Search) et le discours des conservateurs qui travaillent sur le dossier. Ces derniers ont publiquement déclaré (intervention à l'ENSSIB par ex) qu'il s'agissait en vérité plutôt de donner un coup de jeune à Gallica et d'enrichir un peu ses fonds. Sans plus.
Peut-être le discours disparaîtra-t-il avec celui qui l'avait porté, et que la réalité (Gallica v.2) restera?
La non reconduction de Monsieur Jeanneney en dit long sur l'intérêt réel que porte le gouvernement au projet "franco-européen" de numérisation (qui s'apparenterait en effet plus à une version 2 de Gallica).
Ne peut-on pas voir dans cette décision une volonté de s'investir plus concrètement dans le projet (cette fois) européen, cordonné par la Bibliothèque nationale allemande? ou tout du moins laisser une chance à une participation plus active de la France dans la Bibliothèque numérique européenne avec les changements politiques à venir en mai?
C'est peut-être un pari osé de la part de Monsieur Chirac mais qui pourra avoir le mérite de redistribuer les cartes et redéfinir plus clairement la donne.
L’ « éviction » du président de la BNF, Jean-Noël Jeanneney me rend également perplexe et je considère ceci comme un mauvais présage pour l’avenir d’une éventuelle bibliothèque numérique européenne.
« Fer de lance » de la lutte anti-Google (cf. les articles parus à l’époque du problème) Jean-Noël Jeanneney aura eu au moins le mérite de rallier à sa cause les politiques françaises et son action a redonné à la culture littéraire européenne un orgueil perdu.
Nous pouvons supposer que sa mise à la retraite ainsi que le départ de Jacques Chirac en mai aura probablement pour conséquence la mise à la trappe (provisoire??) du projet. Les nouveaux dirigeants qui vont arriver auront d’autres problèmes à régler en priorité.
Mais alors y’a-t-il un vainqueur dans cette histoire? Pouvons-nous voir en cette fin de règne, la victoire de Google qui voit disparaître un adversaire coriace en la personne du président de la BNF? Car il faut bien noter que Google s’implante progressivement mais surement en Europe (Espagne, Allemagne)
De même y’a-t-il réellement une concurrence entre Google et les projets tels que Europeana? Il faut rappeler que les deux projets n’ont pas les mêmes collections. Une collection diversifiée côté Google et plus spécifique, avec un souci de rendre un service, côté BNF.
Mais qu’est-ce qu’Europeana sinon un projet franco-français comportant des partenaires portugais et hongrois? Est-ce vraiment la volonté de faire une bibliothèque numérique européenne à dominante française ou est-ce comme le suggère le premier commentaire, d’enrichir le fonds numérique de Gallica? (cf. l’article de l’Express souligné dans l’article de M.Salaün, qui parle de ces partenariats)
Pour ma part, si la France se confine dans son nationalisme littéraire et n’ouvre pas complètement la porte aux autres pays européens, le projet de la bibliothèque numérique ne verra pas le jour avant bien longtemps. Car les européens ont du mal à s’entendre. D’ailleurs tous les pays européens n’ont pas adopté l’Euro. Ce qui peut unir, divise.
C’est donc tout ceci qui donne à Google de l’avance dans ce domaine, car même s’il n’est pas encore tout à fait au point, il a réussi à attirer à lui les espagnols et les allemands. Qui est le prochain?
Pour ce qui concerne la bibliothèque numérique européenne, qui s’appuierait sur le modèle d’Europeana, « messieurs, les européens tirez les premiers… »
Je souhaiterais nuancer quelques uns des propos précédents :
• Si Monsieur Jeanneney avait rallié les politiques françaises, Monsieur Chirac l’aurait probablement maintenu dans ses fonctions à la veille d’une restructuration politique interne en s’assurant ainsi d’un suivi des premiers efforts. Comme souligné ci-dessus : « Les nouveaux dirigeants qui vont arriver auront d’autres problèmes à régler en priorité ». Le président de la République ne serait pas démuni d’un pilier dans la « lutte » contre Google si son soutien politique était plus mesurable que l’impact médiatique que le projet à provoqué.
• Selon moi, l’implantation de Google en Europe est à relativiser. Certes, la société a approché quelques bibliothèques dans la péninsule ibérique ainsi qu’en Allemagne. Cependant, elle n’a rallié aucune bibliothèque nationale mais s’est implantée au niveau provincial dans des pays où l’organisation administrative et politique reste particulière (forte autonomie des provinces ou des länder). Google diversifie donc ses partenaires mais peut-on affirmer qu’elle s’implante en Europe tant qu’elle ne rallie aucune institution nationale, institutions qui restent tournées actuellement vers le projet européen. Certes l’implantation de Google sur le Vieux continent est symbolique mais ira-t-elle plus loin?
De plus, nous sommes dans une phase fragile de la construction européenne. L’intégration récente de 12 nouveaux pays préoccupe davantage les institutions européennes (n’oublions pas que l’Europe s’est construite par phase, d’abord sur le plan économique (CEE), puis politique (constitution européenne) et tendrait à terme vers une Europe sociale et culturelle (bibliothèque numérique??)) d’où une approche plutôt prudente dans la construction d’un tel projet culturel européen. Restons donc patient et optimiste.