e-Paper : marché de masse pour 2012 ?
Par Jean-Michel Salaun le mercredi 21 novembre 2007, 02:12 - Sémio - Lien permanent
Au moment où on annonce que le papier électronique a l'ambition de supporter la vidéo (voir ici InternetActu) et où la tablette de Amazon est le buzz de la semaine, il est opportun de lire cette interview du père du premier papier électronique, celui de Xerox : le Gyricon, Nick Sheridon. L'ensemble de l'entretien est passionnant, depuis la genèse de l'idée, jusqu'aux difficultés actuelles non encore résolues, en passant par les applications futures.
The Future of Electronic Paper, TFOT, 15 oct 2007 Html (repéré par Electronic Paper & Communication, ici)
Extraits (trad JMS) :
Q: L'invention du papier électronique date de près de 35 années. Comment expliquez-vous qu'il prenne tant de temps à entrer sur le marché ?
R: Le papier électronique est entré sur le marché, mais pas encore largement. (..) Aucune technologie est encore suffisamment proche de l'apparence du papier pour s'emparer de l'énorme marché latent que l'on pense exister. D'autres inventions sont nécessaires, Cela ressemble beaucoup aux débuts de la télévision, quand tout le monde savait qu'on en avait besoin, mais que mettre au point la technologie était difficile.
Q: Quels sont les obstacles que vous voyez pour l'adoption généralisée du papier électronique ?
R: Aucune technologie n'est suffisamment proche de l'apparence du papier. Par cela, je veux dire un support d'affichage qui soit fin, flexible, capable de garder des images lisibles sans dépense d'énergie, très lisible en lumière ambiante, et qui a une bonne résolution, avec un haut niveau de blanc et un bon contraste et qui soit bon marché. Une bonne part de cette équation relève de l'électronique (..).
Q: Quand pensez-vous que nous verrons un usage largement répandu du papier électronique ?
Q: Je pense que la révolution sera continue, d'abord un support portable avec un fort contraste qui sera lisible à la lumière du soleil - probablement l'année prochaine ou la suivante - suivi par une tablette de lecture économe en énergie (disponible au Japon, et plus largement quand les problèmes de propriété intellectuelle seront résolus); et dans les cinq prochaines années la signalisation et les panneaux électroniques. Le lecteur de poche prendra plus longtemps. (..)
J'aime proclamer que le Saint Graal du papier électronique sera contenu dans un tube cylindrique d'environ un centimètre de diamètre et de 15 à 20 centimètres de longueur, qu'une personne pourra porter confortablement dans sa poche. Le tube contiendra une feuille finement roulée de papier électronique qui pourra être tirée à l'extérieur par une fente pour devenir une feuille plane, pour lire et renouveler l'affichage par un bouton. Les informations auront été téléchargées - il y aura une interface simple - d'un satellite, un réseau de cellulaire, ou une puce interne. Ce lecteur de documents sera utilisé pour le courriel, l'internet, les livres téléchargés d'une bibliothèque globale qui se construit actuellement, des manuels techniques, des journaux (peut-être dans un plus grand format), des magasines, et ainsi de suite, n'importe où sur la planète. Il coutera moins de 100$ et presque tout le monde en aura un ! (..)
Q: Quels sont les obstacles à l'adoption massive du papier électronique ?
R: L'obstacle principal est le prix. Notre recherche montre qu'un lecteur sur papier électronique doit tomber en dessous de 100$ avant qu'une partie significative de la population l'adopte. Et même là, ils ne l'achèteront que si un contenu suffisant est accessible à un coût raisonnable. Le deuxième obstacle est l'accessibilité du contenu. (..)
Q: Quand prévoyez vous que nous verrons la véritable révolution du papier électronique ?
R: Elle a déjà démarrée, mais cela deviendra vraiment un marché de masse vers 2012.
Actu du 23 janv 2008 Voir le Readius (ici), mais il serait commercialisé à 6 ou 700 Euros..
Commentaires
En matière de lecture électronique, on focalise beaucoup sur les techniques. Et quand on parle de numérisation, on pense tout de suite aux distributeurs. Mais la clé de l'émergence réelle du livre électronique, ne serait-ce pas l'éditeur qu'on a tendance à passer à la trappe ? Il faut du contenu certes, mais du contenu mis en forme, de nouvelles formes à inventer ou redécouvrir probablement. C'est bien là que se situe le rôle de l'éditeur, entre autres. J'attends donc de voir un éditeur (aux reins solides) prendre le problème à bras le corps, non du point de vue technique, mais du point de vue du contenu, et voir ce qu'il en fera.
Une dernière réflexion amusée en passant : Un petit cylindre... le retour à l'antique rouleau ?
@ Cassandre
Bienvenue sur ce blogue (en passant, j'ai l'habitude de dire que je préfère que les commentateurs y retirent leur masque de carnaval).
N. Sheridon indique bien que les deux problèmes doivent être résolus conjointement, la technique et le contenu. Mais le second n'est pas plus simple que le premier.
Concernant les éditeurs, avez-vous des solutions qui marient formes nouvelles et modèle d'affaires pour un marché de masse ?
Pour le rouleau, vous avez tout à fait raison. Certains, comme C. Vandendorpe, pensent qu'il faudrait s'orienter, au contraire, vers un codex en papier électronique. Je suis peu convaincu car le principe même du codex, la cloture, est en contradiction avec le réseau : combien de pages mettre dans un cahier électronique ? Cela supposerait-il ensuite que tous les documents aient la même longueur ? Je pense au contraire que c'est l'unité de base, la page, qui l'emportera. Pour le moment ce sont les tablettes. Demain pourquoi pas le rouleau par un ironique retour historique ? Mais j'imagine que cela posera de redoutables problèmes d'enroulement et de déroulement..
Il existe des prototypes à enroulement comme celui illustré sur la page où vous renvoyez (TFOT) :
64.202.120.86/upload/imag...
www.polymervision.com/ass...
Scott Adams (Dilbert) esquisse le dispositif qu'il aimerait :
dilbertblog.typepad.com/....
dans un intéressant billet sur l'avenir de la presse :
dilbertblog.typepad.com/t...
@ Alain
Merci pour ces liens qui montrent que la question du rouleau est bien d'actualité. Mais la proposition de N. Sheridon me parait plus excitante :
20cm de long, 1cm de diamètre.. il s'agirait vraiment pour le design d'un saut plus important encore que le iPod pour le baladeur.
Fragment d'un commentaire publié sur teXtes (Virginie Clayssen) en septembre :
www.archicampus.net/wordp...
«[…] Si les écrans flexibles semblent une voie à explorer pour régler le dilemme page/poche (roulé comme un — gros — stylo (?), déroulé B5 ou roulé ‘parapluie pliable’, déroulé A4 (?!), ils poseront encore quelques temps le problème de la robustesse et de l’ergonomie (protection contre les plis, maintien mécanique une fois ouverts, …).
Pour 2008, je parierais plutôt sur un format “parapluie”. […]»
Le coût de production des matrices de commande souples en relativement grand format est apparemment encore discriminant, d'où l'apparition de formats plutôt A5.
A terme, il faut espérer que les fabricants de papier électronique permettront d'avoir une gamme de formats plus étendue que celle des dalles d'écran à cristaux liquide.
J'ai appris à me méfier des illustrations trompeuses voire carrément pipeautées. En image fixe comme en vidéo.
En général, quand tu as dépensé de ta poche 450 euros pour assister à une « journée d'étude » organisée par un 'buzzer' professionnel de l''e-Paper', que tu espères pouvoir toucher enfin, la 'chose' avec tes doigts, on te dit : "pas touche, bas les pattes !"
Avis perso sur cette question de la 'flexibilité' des supports : le jour où les écrans seront 'mous' plutôt que durs, on aura dégagé un potentiel tactile très exploitable du point de vue du design et de la prise en main.
Autrement dit : le flexibilité n'est pas pour demain (pronostic qui n'engage que moi), mais la mollesse serait déjà bonne à prendre.
Mottu, vous avouerez que c'est nettement moins romantique que Cassandre... Mais vous êtes maître en la demeure.
Blague à part, je n'ai aucune idée de début de réponse à la question que vous me posez. Mais du coup je m'interroge sur mon rapport au livre et à la lecture. Des cogitations qui ne sont pas très originales, mais qui me permettent de regarder ma bibliothèque d'un autre oeil, et de me demander ce que j'attends effectivement d'un éditeur, en tant que lectrice et que documentaliste.
Sur la forme, la feuille électronique souple me semble l'idéal, comme Pierre Schweitzer. Mais n'est-ce pas là un réflexe de lectrice impénitente qui aura de toute façon des difficultés à abandonner le papier ?
Cordialement
En parlant d'illustrations trompeuses et pipeautées, voici comment je vois l'avenir de cette technologie...
à la sauce américaine : www.jfdo.com/pdf/pub_iRod...
Personnellement, je préfère le principe du rouleau. Cette fausse publicité montre qu'il serait intéressant d'intégrer d'autres fonctions (saisie et projection vidéo) à l'appareil. Ah, on peut bien rêver non ?!?
@ JF
Binvenu.
Votre illustration est superbe. Deux remarques :
N. Sheridon propose un tube beaucoup plus court, pouvant tenir dans la poche. Le vôtre a la taille d'un écran d'ordinateur ordinaire ou d'une feuille A4. Cela peut être intéressant pour lire la presse, mais ne se met pas dans une poche.. Cette facilité fut pourtant une de celle qui contribua au succès du codex fac au rouleau entre le 1er et le 4e si`cle de notre ère si l'on suit Michel Melot : enssibbbf.enssib.fr/sdx/B...
Pourquoi privilégier encore Apple ?
Une suggestion : vous devriez le déposer ici :
www.comitecolbert.com/int...
@JFD :
Votre illustration n'est ni trompeuse, ni pipeautée. C'est une exploration graphique, très réussie d'ailleurs, pour illustrer un concept d'usage et une proposition de design. Ce genre de document est clairement rattaché à une démarche de projet, prospectif, exploratoire, imaginaire.
C'est très différent pour les autres catégories de 'documents' auxquels je faisais allusion : ces petites séquences vidéos, directement sorties des labos pour entretenir le 'buzz' en préparation du prochain tour de table financier, vidéos censées apporter la 'preuve par l'image' de l'état d'avancement d'un développement technologique.
De véritables petits bijoux de manipulation que ne renierait pas Méliès...