Je suis en ce moment à Philadelphie pour le congrès ALISE (ici), qui est la rencontre annuelle des écoles nord-américaines en sciences de l'information. En vérité occupé par d'autres activités, je n'ai pas vraiment le temps d'écouter les communications. Néanmoins, celle d'une collègue de l'Alberta, Margaret Mackey, a retenu mon attention, moins par les résultats présentés que par la posture générale.

La plupart de la littérature ou des propos sur la relation entre le Web 2.0 et les bibliothèques publiques insiste sur la participation des usagers dans les services, sur les outils d'échange à proposer, bref sur une amélioration, jusqu'à parfois une évolution radicale des services bibliothéconomiques.

Sans contester le bien fondé de ces propositions, elles laissent de côté une autre dimension essentielle de la bibliothèque publique, lieu où les usagers sont autonomes, lieu de lecture, lieu de démocratie. Une bibliothèque ne comprend pas que des étagères, des livres, des outils de repérages et une banque de prêt.. mais aussi des tables, des chaises ou des fauteuils où l'on peut lire confortablement, travailler, c'est-à-dire souvent écrire. Autrement dit, la bibliothèque est un lieu où l'acte de lecture et même de lecture-écriture peut se développer librement. Ce point est important pour la démocratie, ou devrait l'être, car la bibliothèque publique permet à des populations qui ne disposent pas de ces facilités d'en bénéficier.

Maintenant, transposons cette remarque dans le monde du Web 2.0. Tout le monde n'est pas actif dans le Web 2.0, mais potentiellement tout le monde pourrait l'être.. à condition d'avoir un accès simple, long et confortable à des machines et un réseau et d'avoir les compétences appropriées. Une problématique, peu différente finalement de celle de la lecture-écriture traditionnelle.. sauf que bien souvent dans les bibliothèques, l'accès en libre service des ordinateurs connectés est contingenté, bridé, inconfortable, organisé pour être court : le recueil des courriels et une recherche d'information sur le Web. Il y a des raisons financières, le nombre limité de machines, mais sont-ce les seules ? D'autres formes d'organisation ne sont-elles pas envisageables ? Pour le dire autrement, n'est-il pas de la mission des bibliothèques publiques d'offrir à ceux qui n'en ont pas l'opportunité la possibilité d'être actifs sur le Web ?

Actu du lendemain Voir aussi le billet de H. Guillaud sur l'évolution de la lecture (ici). Si la lecture évolue, sa place en bibliothèque ne doit-elle pas évoluer ?